Vu la procédure suivante :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision " 48 SI " du 18 octobre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, ainsi que les décisions de retrait de points consécutives à diverses infractions commises entre le 31 mai 2013 et le 28 juin 2019. Par un jugement n° 1910411 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif a dit n'y avoir lieu de statuer sur certains retraits de points mais a annulé la décision " 48 SI " et enjoint au ministre de restituer à M. A... son permis de conduire dans un délai de deux mois.
Par un pourvoi, enregistré le 26 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision " 48 SI " et lui enjoint de restituer le permis de conduire ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Charmont, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 13 janvier 2021 du tribunal administratif de Melun en tant que, par ses articles 2 et 3, il prononce l'annulation de sa décision " 48 SI " du 18 octobre 2019 constatant la perte de validité du permis de conduire de M. A... et lui enjoint de restituer ce permis de conduire dans un délai de deux mois.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. (...) A la date d'obtention du permis de conduire, celui-ci est affecté de la moitié du nombre maximal de points. Il est fixé un délai probatoire de trois ans. Au terme de chaque année de ce délai probatoire, le permis est majoré d'un sixième du nombre maximal de points si aucune infraction ayant donné lieu à un retrait de points n'a été commise depuis le début de la période probatoire (...) ". Aux termes de l'article R. 223-1 du même code : " (...) / II.-A la date d'obtention du permis de conduire, celui-ci est affecté d'un nombre initial de six points. / Au terme de chaque année du délai probatoire défini à l'article L. 223-1, si aucune infraction ayant donné lieu à retrait de points n'a été commise depuis le début de la période probatoire, ce permis de conduire est majoré de deux points. (...). / III. -Pendant le délai probatoire, le permis de conduire ne peut être affecté d'un nombre de points supérieur à six. Ce nombre est augmenté de la majoration résultant de l'application du II du présent article. / IV.-A l'issue de ce délai probatoire, si aucune infraction ayant donné lieu à retrait de points n'a été commise, le permis de conduire est affecté du nombre maximal de douze points. / En cas de commission d'infraction ayant donné lieu à retrait de points au cours du délai probatoire, l'affectation du nombre maximal de points intervient dans les conditions définies à l'article L. 223-6 ". D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 223-6 du même code : " Si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans le délai de deux ans à compter de la date du paiement de la dernière amende forfaitaire, de l'émission du titre exécutoire de la dernière amende forfaitaire majorée, de l'exécution de la dernière composition pénale ou de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu au retrait de points, son permis est affecté du nombre maximal de points ". Aux termes du troisième alinéa du même article : " Toutefois, en cas de commission d'une infraction ayant entraîné le retrait d'un point, ce point est réattribué au terme du délai de six mois à compter de la date mentionnée au premier alinéa, si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans cet intervalle, une infraction ayant donné lieu à un nouveau retrait de points ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., titulaire à compter du 3 avril 2012 d'un permis de conduire probatoire doté d'un capital initial de six points en application des dispositions de l'article R. 223-1 du code de la route, a vu le capital maximal de son permis de conduire porté à huit points le 3 avril 2013. Il a toutefois commis en 2013 trois infractions ayant entraîné chacune le retrait d'un point, puis, tous les ans entre 2013 et 2019, de nouvelles infractions ayant entraîné des retraits de points.
4. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que, pour annuler la décision " 48 SI " du 18 octobre 2019 constatant la perte de validité du permis de conduire de M. A..., le tribunal s'est fondé sur la circonstance que, si les infractions commises entre 2013 et 2019, rapprochées des restitutions de points opérées sur la même période, avaient entraîné une perte totale de neuf points, l'intéressé bénéficiait d'un capital de départ de douze points sur son permis de conduire.
5. En statuant ainsi, alors que les infractions commises en 2013 par M. A... avaient fait obstacle à ce que son capital de points puisse bénéficier des majorations prévues, à l'issue des deuxième et troisième années du délai probatoire, par les dispositions de l'article L. 223-1 et du II de l'article R. 223-1 du code de la route et que les infractions commises entre 2013 et 2019 avaient fait obstacle à ce que son permis de conduire soit, en application des dispositions des articles L 223-6 et R. 223-1 du même code, affecté du nombre maximal de douze points postérieurement au délai probatoire, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.
6. Le ministre de l'intérieur est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant que, par ses articles 2 et 3, il annule sa décision " 48 SI " du 18 octobre 2019 et lui enjoint de restituer le permis de conduire de M. A....
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'avocat de M. A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du 13 janvier 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Melun.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 2 février 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. François Charmont, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 23 mars 2022.
Le président :
Signé : M. Denis Piveteau
Le rapporteur :
Signé : M. François Charmont
Le secrétaire :
Signé : M. B... D...