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15/03/2022 | FRANCE | N°440753

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 15 mars 2022, 440753


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Allianz IARD, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de Mme D... C... et de M. B... C..., demande au Conseil d'État :

1°) de constater que la responsabilité de la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, venant aux droits de la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, est engagée à raison du défaut d'introduction d'un pourvoi en cassation contre les arrêts nos 11BX03426 et 11BX03428 du 31 janvier 2013 de la cour administrativ

e d'appel de Bordeaux ;

2°) de condamner cette société à lui verser, à titre...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Allianz IARD, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de Mme D... C... et de M. B... C..., demande au Conseil d'État :

1°) de constater que la responsabilité de la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, venant aux droits de la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, est engagée à raison du défaut d'introduction d'un pourvoi en cassation contre les arrêts nos 11BX03426 et 11BX03428 du 31 janvier 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

2°) de condamner cette société à lui verser, à titre principal, la somme de 147 987 euros, augmentée des intérêts à compter du 11 mars 2019 et de la capitalisation des intérêts, à titre subsidiaire, la somme de 73 993,50 euros, en réparation de la perte de chance sérieuse d'obtenir la cassation de ces arrêts et la décharge des impositions remises à la charge de Mme C... et de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- l'ordonnance du 10 septembre 1817, notamment son article 13 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Jérôme Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SCP Matuchansky-Poupot et Valdelièvre ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817, modifiée par le décret du 11 janvier 2002 : " Les actions en responsabilité civile professionnelle engagées à l'encontre d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sont portées, après avis du conseil de l'ordre, devant le Conseil d'Etat, quand les faits ont trait aux fonctions exercées devant le tribunal des conflits et les juridictions de l'ordre administratif, et devant la Cour de cassation dans les autres cas. [...] ".

2. Par trois jugements du 6 septembre 2011, le tribunal administratif de Toulouse a partiellement fait droit à la demande de la société Pharmacie Reveillon tendant à la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des pénalités correspondantes, et aux demandes de chacun des associés co-gérants, Mme D... C... et M. B... C..., tendant à la décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de leurs bénéfices industriels et commerciaux. Toutefois, sur appel du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, la cour administrative d'appel de Bordeaux, par trois arrêts distincts du 31 janvier 2013, n° 11BX03427 s'agissant de la société Pharmacie Reveillon, n° 11BX03426 s'agissant de Mme C... et n° 11BX03428, s'agissant de M. C..., a annulé ces jugements et rejeté les demandes de la société Pharmacie Reveillon et de ses associés. Sollicitée par Maître Sébastien Bénoteau, avocat à la cour de la société et de ses associés, la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard a formé, au nom de la société Pharmacie Reveillon, un pourvoi contre le seul arrêt n° 11BX03427. Le Conseil d'État statuant au contentieux a, par une décision n° 367288 du 24 juin 2015, annulé l'arrêt et rejeté l'appel du ministre en charge du budget. Mme C... et M. C... ont alors recherché la responsabilité civile professionnelle de Maître Bénoteau, estimant qu'il avait commis une faute en ne formant pas de pourvoi contre les deux arrêts ayant rétabli les impositions mises à leur charge. Dans le cadre d'une transaction, la société Allianz IARD, assureur de Maître Bénoteau au titre de sa responsabilité civile professionnelle, a indemnisé Mme C... et M. C... F... la perte de chance d'obtenir la cassation des arrêts non attaqués et la décharge des impositions en litige, à hauteur, respectivement, de 107 687 euros et 40 300 euros.

3. La société Allianz IARD, subrogée dans les droits de Mme et M. C..., soutient que le préjudice qu'elle a indemnisé est imputable à la faute commise par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard en omettant de former des pourvois en cassation contre les arrêts n° 11BX03426 et n° 11BX03428. Elle demande que la responsabilité civile de la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, venant aux droits de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, soit engagée à hauteur de ce préjudice.

4. Pour apprécier si l'avocat a commis une faute, il y a lieu de déterminer s'il a normalement accompli, avec les diligences suffisantes, les devoirs de sa charge, à la condition que son client l'ait mis en mesure de le faire. Il appartient notamment à l'avocat de recueillir auprès de ses clients l'ensemble des éléments d'information et les documents propres à lui permettre d'assurer, au mieux, la défense de leurs intérêts. Pour l'appréciation de la responsabilité de l'avocat, il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, du comportement du client et de ses autres conseils. En particulier, pour apprécier si l'avocat a commis une faute en ne formant pas un pourvoi en cassation, il y a lieu de déterminer s'il a été chargé de former un pourvoi par des instructions claires et précises.

5. Il résulte de l'instruction que Maître Bénoteau, avocat de la société Pharmacie Reveillon, de Mme C... et de M. C..., a adressé le 12 février 2013 à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard un courrier lui demandant un devis pour la formation d'un pourvoi contre l'arrêt n° 11BX03427, seul joint au courrier, en concluant sa demande en ces termes : " À ce titre, je vous indique que le pourvoi concernerait 3 décisions rendues par la CAA de Bordeaux à propos de la même affaire (rectification TVA au niveau de la société et BIC/IR s'agissant des 2 associés) ". En réponse, Maître Barthélemy a indiqué le 14 février 2013 que " Pour les trois instances, je vous propose de fixer le montant global de mes frais et honoraires à la somme de 4 784 euros TTC ". Le 20 février 2013, Maître Bénoteau a, au nom de la société Pharmacie Reveillon, accepté ce montant, chargé la SCP de former le pourvoi contre l'arrêt déjà communiqué, et adressé à la SCP par courrier électronique l'ensemble des pièces de la procédure relative la société Pharmacie Reveillon, à l'exclusion de toute pièce ou mention relative aux procédures engagées par Mme C... ou M. C.... La note de frais et honoraires de la SCP et le courrier l'accompagnant, adressés dès le 21 février 2013 à Maître Bénoteau, confirment, en des termes dénués d'ambiguïté, que la mission acceptée par la SCP concernait la formation d'un seul pourvoi en cassation, qui a, au demeurant, été adressé à Maître Bénoteau pour observations avant son dépôt. Par suite, la SCP ne saurait être regardée comme ayant été chargée de former des pourvois contre les arrêts n° 11BX03426 et n° 11BX03428 et n'a, dès lors, commis aucune faute en ne saisissant le Conseil d'Etat que d'un pourvoi contre l'arrêt relatif à la société Pharmacie Reveillon.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Allianz IARD tendant à rechercher la responsabilité de la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Allianz IARD une somme de 3 000 euros à verser à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Allianz IARD est rejetée.

Article 2 : La société Allianz IARD versera la somme de 3 000 euros à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Allianz IARD et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre.

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice et à l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 janvier 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 15 mars 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Brouard-Gallet

Le secrétaire :

Signé : M. E... A...


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 440753
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mar. 2022, n° 440753
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SARL JEROME ORTSCHEIDT ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:440753.20220315
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