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15/03/2022 | FRANCE | N°438183

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 15 mars 2022, 438183


Vu la procédure suivante :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 septembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 10B de l'unité territoriale de Paris a autorisé l'association de gestion des fonds salariés des petites et moyennes entreprises (AGEFOS-PME) à le mettre à la retraite d'office. Par un jugement n° 1427977 du 16 juin 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 15PA03238 du 29 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel d

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Vu la procédure suivante :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 septembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 10B de l'unité territoriale de Paris a autorisé l'association de gestion des fonds salariés des petites et moyennes entreprises (AGEFOS-PME) à le mettre à la retraite d'office. Par un jugement n° 1427977 du 16 juin 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 15PA03238 du 29 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de l'AGEFOS-PME a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a statué sur la demande relative aux frais exposés et non compris dans les dépens présentés par M. C... et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de l'AGEFOS-PME.

Par une décision n° 403890 du 13 février 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de l'AGEFOS-PME, a annulé les articles 2 à 4 de l'arrêt du 29 juillet 2016 de la cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire dans la mesure de la cassation prononcée à la cour administrative d'appel de Paris.

L'AGEFOS-PME a par ailleurs demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 mai 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 22 septembre 2014 et a refusé l'autorisation de mise à la retraite de M. C.... Par un jugement n° 1509645/3-3 du 14 février 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande. L'AGEFOS-PME a relevé appel de ce jugement.

Par un arrêt nos 17PA01205, 19PA010044, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir joint les deux requêtes de l'AGEFOS-PME, la première enregistrée sous le n° 19PA01044, la seconde sous le n° 17PA01205, les a rejetées.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 février et 14 mai 2020 et le 19 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'opérateur des compétences des entreprises de proximité (OPCO-EP), qui vient aux droits de l'AGEFOS-PME, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions de ses requêtes d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l'opérateur des compétences des entreprises de proximité et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que, par une décision du 22 septembre 2014, l'inspectrice du travail de la section 10B de l'unité territoriale de Paris a autorisé l'association de gestion des fonds salariés des petites et moyennes entreprises (AGEFOS-PME) à mettre à la retraite M. C..., directeur de la région Pays-de-Loire / Poitou-Charentes, salarié protégé, qui avait atteint l'âge de soixante-dix ans. Par un arrêt du 29 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de l'AGFOS-PME contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 juin 2015 ayant annulé, à la demande de M. C..., la décision de l'inspecteur du travail, sauf en ce qu'il avait statué sur la demande de frais exposés et non compris dans les dépens présentés par M. C.... Par une décision n° 403890 du 13 février 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de l'AGEFOS-PME, a annulé les articles 2 à 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire, dans la mesure de la cassation prononcée, à cette cour administrative. D'autre part, par une décision du 12 mai 2015, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 22 septembre 2014 et refusé d'autoriser la mise à la retraite de M. C.... L'AGEFOS-PME a interjeté appel du jugement du 14 février 2017 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. La cour administrative d'appel de Paris a joint les deux requêtes et statué par arrêt du 2 décembre 2019, d'une part sur renvoi du Conseil d'Etat sur l'appel formé contre le jugement du 16 juin 2015 et d'autre part, sur l'appel formé contre le jugement du 14 février 2017. L'opérateur des compétences des entreprises de proximité (OPCO-EP), qui vient aux droits de l'AGEFOS-PME, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 décembre 2019 ayant rejeté les deux requêtes de l'AGEFOS-PME.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Paris que le président de la 8ème chambre de cette cour a clos l'instruction le 18 octobre 2018 dans l'instance n° 17PA01205 introduite contre le jugement du 14 février 2017 du tribunal administratif de Paris et que l'AGEFOS-PME a produit un nouveau mémoire enregistré le 8 novembre 2019 qui a été visé dans l'arrêt attaqué, invoquant, au soutien de sa requête en annulation de ce jugement, la décision n° 403890 du 13 février 2019 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, rendue dans l'instance n° 19PA01044 et ayant annulé l'arrêt du 29 juillet 2016 de la cour administrative d'appel de Paris. En estimant qu'eu égard aux motifs de cette décision du Conseil d'Etat, qui, compte tenu des écritures des parties dans l'instance, ne constituait pas un élément de droit nouveau susceptible d'avoir une influence sur l'affaire, et en ne rouvrant pas, par suite, l'instruction dans cette instance, alors d'ailleurs qu'elle restait ouverte dans l'autre instance et que les deux procédures ont ensuite été jointes par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas statué au terme d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives ou de fonctions de conseiller prud'homme bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Dans le cas où la demande de rupture du contrat de travail d'un salarié protégé par l'employeur est motivée par la survenance de l'âge, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande de mise à la retraite d'un salarié protégé au titre des dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail, et le cas échéant au ministre, de vérifier sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, que la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé et, d'autre part, que les conditions légales de mise à la retraite sont remplies. Il incombe également à l'inspecteur du travail, de même que le cas échéant au ministre, d'apprécier la régularité de la procédure de mise à la retraite de ce salarié, au regard, d'une part, des garanties procédurales spéciales prévues en cas de licenciement d'un salarié protégé, lesquelles s'appliquent aussi en cas de mise à la retraite d'un salarié protégé, et d'autre part, de l'ensemble des règles applicables à l'intéressé, au nombre desquelles peuvent figurer des stipulations d'accords collectifs de travail applicables au salarié.

5. D'une part, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir relevé que le titre VIII relatif au " personnel de l'unité économique et sociale " du règlement intérieur national du 6 juillet 2011 adopté par le conseil d'administration national du 29 août 2011 ayant valeur d'accord collectif signé par les partenaires sociaux précise que " l'accord d'entreprise AGEFOS-PME s'applique à tous les salariés de l'unité, directeur général et à tous les directeurs.(...) " et que l'article VIII-4-3-1 de l'accord d'entreprise AGEFOS-PME du 7 février 1997 stipule que la procédure de la mise à la retraite est la même que celle concernant le licenciement, a jugé que la procédure de licenciement était applicable à la mise à la retraite de M. C..., directeur en région, dont le contrat de travail était régi par les dispositions du code du travail et de l'accord d'entreprise AGEFOS-PME non contraires aux dispositions particulières du statut des directeurs en région. D'autre part, elle a constaté que selon les stipulations de l'article 44 du titre IX portant sur les règles communes applicables aux AGEFOS-PME régionales ou interrégionales du règlement intérieur national du 6 juillet 2011, " en cas de rupture du contrat de travail, la situation est réglée conformément aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur " et que " l'initiative d'un licenciement éventuel revient au conseil d'administration national en concertation avec le conseil d'administration régional / interrégional et le directeur général ", que " la procédure d'entretien préalable (...) est effectuée par le directeur général ", que la décision de procéder au licenciement revient aux président et vice-président du conseil d'administration national après avis des président et vice-président du conseil d'administration régional / interrégional et du directeur général " et que " la lettre de licenciement est signée par le président et le vice-président du conseil d'administration national ". En déduisant de la combinaison de ces stipulations, dont elle n'a pas méconnu la portée, que la procédure de mise à la retraite de M. C... n'était pas régulière faute pour l'employeur d'avoir respecté les stipulations du règlement intérieur national du 6 juillet 2011 relatives au licenciement des directeurs régionaux en ne sollicitant pas l'avis du conseil d'administration régional Pays-de-Loire / Poitou-Charentes, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPCO-EP n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'OPCO-EP, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à verser à M. C....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'opérateur des compétences des entreprises de proximité est rejeté.

Article 2 : L'opérateur des compétences des entreprises de proximité versera à M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'opérateur des compétences des entreprises de proximité et à M. B... C....

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 janvier 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 15 mars 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Brouard-Gallet

Le secrétaire :

Signé : M. D... A...


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 438183
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mar. 2022, n° 438183
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:438183.20220315
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