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03/03/2022 | FRANCE | N°448421

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 03 mars 2022, 448421


Vu la procédure suivante :

La société Bajoanel a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation de payer mise à sa charge en application de l'article 1724 quater du code général des impôts en qualité de codébiteur solidaire des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue établies au nom de la s

ociété ASFI. Par un jugement n° 1611605 du 15 mars 2019, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

La société Bajoanel a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation de payer mise à sa charge en application de l'article 1724 quater du code général des impôts en qualité de codébiteur solidaire des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue établies au nom de la société ASFI. Par un jugement n° 1611605 du 15 mars 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE01756 du 5 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Bajoanel contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 janvier et 1er avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bajoanel demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Bajoanel ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société ASFI, sous-traitant de la société Bajoanel, a fait l'objet, l'administration fiscale a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle, ainsi que les pénalités correspondantes. En application des dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts, deux avis de mise en recouvrement ont été émis le 6 novembre 2015 à l'encontre de la société Bajoanel afin de lui réclamer, en sa qualité de débiteur solidaire, le paiement des impositions et pénalités dues par la société ASFI, en proportion du chiffre d'affaires réalisé avec celle-ci au titre de la période du 1er février 2012 au 31 décembre 2013. La société Bajoanel se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 novembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 15 mars 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les impositions et pénalités litigieuses.

2. D'une part, aux termes de l'article 1724 quater du code général des impôts : " Toute personne qui ne procède pas aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ou qui a été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est, conformément à l'article L. 8222-2 du même code, tenue solidairement au paiement des sommes mentionnées à ce même article dans les conditions prévues à l'article L. 8222-3 du code précité ".

3. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 8222-1 du code du travail que toute personne qui conclut un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce est tenue de vérifier, lors de la conclusion de ce contrat et périodiquement jusqu'à la fin de son exécution, que son cocontractant s'acquitte de certaines obligations déclaratives et formalités exigées par la législation du travail. Aux termes de l'article L. 8222-2 du même code : " Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : / 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 8222-3 du même code : " Les sommes dont le paiement est exigible en application de l'article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ".

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / (...) ". Aux termes de l'article R. 256-2 du même livre : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement ".

5. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration adresse un avis de mise en recouvrement par lequel elle met en œuvre une solidarité de paiement, telle que celle qui est prévue par l'article 1724 quater du code général des impôts à l'encontre d'une société qui n'a pas procédé aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail, elle est tenue de lui adresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Ces mentions permettent au débiteur solidaire d'obtenir, à sa demande, la communication des documents mentionnés dans cet avis de mise en recouvrement ainsi que de tout document utile à la contestation de la régularité de la procédure, du bien-fondé et de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations correspondantes au paiement solidaire desquels il est tenu.

6. En précisant que les sommes réclamées l'étaient, conformément aux dispositions citées aux points 3 et 4, à due proportion de la valeur des travaux réalisés ou des prestations de services fournis par la société ASFI pour son compte pour la période du 1er février 2012 au 31 décembre 2013, les avis de mise en recouvrement adressés à la société Bajoanel lui ont permis de contester utilement le montant de la créance couvert par la solidarité en réclamant communication du détail du calcul effectué par l'administration fiscale, lequel lui a été fourni, au demeurant, dans le courrier de rejet de sa réclamation du 12 octobre 2016. Par suite, et dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de communiquer au codébiteur solidaire, préalablement à l'avis de mise en recouvrement qui lui est adressé en vertu de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales, les éléments de la procédure d'imposition menée à l'encontre du débiteur principal, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que les avis de mise en recouvrement ne méconnaissaient pas les dispositions de l'article R. 256-1 du même code ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 8222-5 du code du travail, pris en application de l'article L. 8222-1 du même code : " La personne qui contracte (...) est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : / 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. (...) " Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et il n'est pas sérieusement contesté, que la société Bajoanel ne s'est pas fait remettre l'attestation mentionnée à l'article D. 8222-5 du code du travail lors de la conclusion de son contrat avec la société ASFI. Par suite, la société Bajoanel ne peut utilement soutenir que l'attestation mentionnée à cet article serait réputée valide jusqu'à preuve du contraire. Dès lors, la cour, qui n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis, a pu juger sans commettre d'erreur de droit que la société Bajoanel ne justifiait pas de l'accomplissement des obligations qui lui incombaient en vertu des dispositions de cet article.

8. En troisième et dernier lieu, il résulte des dispositions citées au point 3, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 31 décembre 1991 renforçant la lutte contre le travail clandestin et la lutte contre l'organisation de l'entrée et du séjour irrégulier d'étrangers en France dont elles sont issues, que le donneur d'ordre qui n'a pas procédé à l'ensemble des vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail est tenu solidairement au paiement des sommes dues au Trésor public et aux organismes de protection sociale par le sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé, à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession. La circonstance que le donneur d'ordre aurait procédé à une partie des vérifications qui lui incombaient est, à cet égard, sans incidence.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'administration fiscale avait pu à bon droit mettre en jeu à l'égard de la société Bajoanel la solidarité de paiement prévue par l'article 1724 quater du code général des impôts sur la totalité de la durée du contrat conclu avec la société ASFI.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Bajoanel doit être rejeté. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Bajoanel est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Bajoanel et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 3 mars 2022.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 448421
Date de la décision : 03/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 mar. 2022, n° 448421
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : sarl CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:448421.20220303
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