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03/03/2022 | FRANCE | N°435318

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 03 mars 2022, 435318


Vu la procédure suivante :

La SCI Apler a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 7 octobre 2016, pour un montant de 152 552 euros au titre de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux en Ile-de-France, ainsi que la décision du 14 décembre 2016 rejetant sa réclamation contre ce titre. Par un jugement n° 1719236 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19PA02823 du 9 octobre 2019, enregistrée le 10 octobre 2019 au secrétariat du contentieux d

u Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris...

Vu la procédure suivante :

La SCI Apler a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 7 octobre 2016, pour un montant de 152 552 euros au titre de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux en Ile-de-France, ainsi que la décision du 14 décembre 2016 rejetant sa réclamation contre ce titre. Par un jugement n° 1719236 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19PA02823 du 9 octobre 2019, enregistrée le 10 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 28 août 2019 au greffe de cette cour, présenté par la SCI Apler.

Par ce pourvoi, un mémoire, et un mémoire en réplique enregistrés le 29 novembre 2019 et le 8 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Apler demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

-le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la société Apler ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société civile immobilière Apler a, le 1er décembre 2015, déposé une demande de permis de construire pour la réalisation de travaux, incluant notamment la transformation d'espaces commerciaux en bureaux, sur un immeuble situé à Paris. Par un arrêté du 23 décembre 2015, la maire de Paris a délivré le permis de construire sollicité. Par un courrier du 25 février 2016, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a informé la société qu'elle était redevable de la redevance prévue par l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme. La société a demandé en vain la décharge de cette redevance au motif que, contrairement à ce qu'elle avait indiqué, les travaux déclarés n'avaient pas conduit à un changement de destination des locaux commerciaux d'origine. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 juin 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 7 octobre 2016 pour un montant de 152 552 euros et à la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " En région d'Île-de-France, une redevance est perçue à l'occasion de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement des locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage définis au III de l'article 231 ter du CGI ". Aux termes de l'article L. 520-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La redevance est due par la personne physique ou morale qui est propriétaire des locaux à la date de l'émission de l'avis de mise en recouvrement. L'avis de mise en recouvrement doit être émis dans les deux ans qui suivent soit la délivrance du permis de construire, soit la non-opposition à la déclaration préalable prévue à l'article L 421-4, soit le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 520-9, soit, à défaut, le début des travaux. (...) ". Aux termes de l'article L. 520-9 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Est assimilé, pour l'application du présent titre, à la construction de locaux à usage de bureaux, de locaux de recherche, de locaux commerciaux ou de locaux de stockage le fait de transformer en de tels locaux des locaux précédemment affectés à un autre usage. / Les transformations de locaux visées au présent article devront à défaut d'une demande de permis de construire, faire l'objet d'une déclaration dont les modalités seront déterminées par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 520-11. (...) ". Aux termes de l'article R. 520-1-1 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont considérés comme locaux à usage de bureaux en vue de l'application de l'article L. 520-1 (...) : / 1. Tous les locaux et leurs annexes tels que couloirs, dégagements, salles de réunion, d'exposition, d'archives, salles d'attente et de réception, où sont exercées des activités de direction, de services, de conseil, d'étude, d'ingénierie, de traitement mécanographique ou d'informatique de gestion (...) ".

3. D'autre part, les dispositions du 1° du III de l'article 231 ter du code général des impôts, dans leur rédaction applicable en l'espèce, définissent les locaux à usage de bureaux comme " d'une part, des bureaux proprement dits et (...) leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et, d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif ". Les dispositions du 2° du même article définissent les locaux commerciaux comme " des locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de services à caractère commercial ou artisanal ainsi que (...) leurs réserves attenantes couvertes ou non et des emplacements attenants affectés en permanence à la vente ".

4. Il résulte des dispositions du 2° du III de l'article 231 ter du code général des impôts que sont regardés comme commerciaux les locaux destinés à accueillir une clientèle pour l'exercice d'une activité de vente ou la réalisation de prestations commerciales ou artisanales.

5. Il ressort des énonciations du jugement attaqué qu'après avoir décrit la consistance physique des locaux après réalisation des travaux, telle qu'elle figurait dans le dossier de demande du permis de construire, et relevé qu'il y était mentionné l'activité de généalogiste commercial du futur occupant, le tribunal a jugé que la société n'établissait pas que, contrairement à sa déclaration initiale, les travaux entrepris ne conduisaient pas à une transformation de locaux commerciaux en bureaux, en se bornant à soutenir que la notice de sécurité pour les établissements recevant du public figurant dans le dossier de demande du permis de construire établissait que la moitié des locaux serait accessible au public, que l'activité de généalogiste successoral était, comme la précédente, de nature commerciale et que le bail commercial conclu avec le futur occupant mentionnait la réception de clientèle dans les locaux. Il en a déduit que la société n'était pas fondée à demander à être déchargée de l'obligation de payer la redevance prévue par l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme.

6. En statuant ainsi sans rechercher si l'activité de généalogiste successoral impliquait, dans tout ou partie des locaux en litige, l'accueil d'une clientèle pour la réalisation de prestations commerciales, le tribunal a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Apler est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Apler au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société Apler la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Apler et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée à la Ville de Paris.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 3 mars 2022.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme B... A...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 435318
Date de la décision : 03/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 mar. 2022, n° 435318
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:435318.20220303
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