Vu la procédure suivante :
La société Bellevue Distribution a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) de lui rembourser, à concurrence de la somme de 10 237 euros, la contribution au service public de l'électricité (CSPE) qu'elle a acquittée au cours de l'année 2014, assortie des intérêts moratoires. Par un jugement n° 1603674 du 8 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18PA02686 du 9 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Bellevue Distribution contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 septembre et 7 décembre 2020 ainsi que le 31 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bellevue Distribution demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 du Parlement européen et du Conseil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'énergie ;
- le décret n° 2004-90 du 28 janvier 2004 ;
- le décret n° 2006-1118 du 5 septembre 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Bellevue Distribution ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 février 2022, présentée par la société Bellevue Distribution ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Bellevue Distribution a demandé à la Commission de régulation de l'énergie (CRE), sur le fondement de l'article L. 121-22 du code de l'énergie, le remboursement partiel à concurrence de 10 237 euros, de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) qu'elle a acquittée au titre de l'électricité qu'elle a acquise pour le site qu'elle exploite à Plouhinec entre les mois d'avril et décembre 2014. A la suite du rejet implicite de cette demande, elle a sollicité du tribunal administratif de Paris la restitution de cette somme. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juillet 2020 par lequel la cour administrative de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 8 juin 2018 rejetant sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 121-22, alors en vigueur, du code de l'énergie : " Les consommateurs finals d'électricité acquérant de l'électricité produite à partir d'une source d'énergie renouvelable (...) dans un Etat membre de l'Union européenne peuvent demander le remboursement d'une part de la contribution acquittée en application de l'article L. 121-10 pour cette électricité lorsqu'ils en garantissent l'origine (...) ". Aux termes de l'article 14 bis, alors en vigueur, du décret du 28 janvier 2004 relatif à la compensation des charges de service public de l'électricité : " (...) les échanges intracommunautaires de l'électricité produite soit à partir d'énergies renouvelables, soit à partir de cogénération, sont soumis aux dispositions du présent chapitre, dès lors que l'électricité considérée bénéficie d'une garantie d'origine légalement instituée dans les Etats membres de l'Union européenne. / I. Un consommateur final d'électricité, installé sur le territoire national, qui acquiert de l'électricité produite dans un autre Etat membre à partir d'une source d'énergie renouvelable ou par cogénération, peut demander le remboursement d'une partie de la contribution qu'il a acquittée au cours de l'année d'acquisition de cette électricité, dès lors que l'électricité en cause bénéfice d'une garantie d'origine. Le montant du remboursement est égal au produit du nombre de kilowattheures d'électricité, produite à partir d'une source d'énergie renouvelable ou par cogénération, acquis dans un autre Etat membre par la part de la contribution unitaire de l'année considérée correspondant aux charges imputables au soutien de la catégorie d'électricité considérée, telles que déterminées en application du deuxième alinéa du II de l'article 6. / La demande de remboursement est adressée à la Commission de régulation de l'énergie. Elle est accompagnée des documents permettant l'identification du demandeur et la localisation précise du site d'origine de l'électricité délivrée par l'organisme compétent de l'Etat membre et des copies des factures afférentes à l'achat de l'électricité considérée. / (...) ". Ces dispositions ont été adoptées dans le but d'éviter qu'une taxe d'effet équivalent à des droits de douane à l'importation ne s'applique, en méconnaissance de l'article 30 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à l'électricité acquise par les consommateurs finals français et produite à partir d'une source d'énergie renouvelable dans un autre Etat membre de l'Union européenne.
3. Aux termes de l'article 15 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables: " 1. Aux fins de démontrer aux clients finals la part ou la quantité d'énergie produite à partir de sources renouvelables que contient le bouquet énergétique d'un fournisseur d'énergie, conformément à l'article 3, paragraphe 6, de la directive 2003/54/CE, les États membres font en sorte que l'origine de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables puisse être garantie comme telle au sens de la présente directive, selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. / (...) / 3. Une garantie d'origine ne peut être utilisée que dans les douze mois suivant la production de l'unité d'énergie correspondante. Une garantie d'origine est annulée dès qu'elle a été utilisée. / (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article 1er du décret du 5 septembre 2006 relatif aux garanties d'origine de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables ou par cogénération, pris pour la transposition de cette directive : " Une garantie d'origine est un document électronique servant uniquement à prouver au client final qu'une part ou une quantité déterminée d'énergie a été produite à partir de sources renouvelables ou par cogénération ". Aux termes de l'article 8-1 du même décret : " Une garantie d'origine peut, après sa délivrance, être transférée ".
4. Eu égard à l'objet et à la portée de ces garanties d'origine et compte tenu du rôle joué par les fournisseurs d'électricité, en application notamment des dispositions de l'article L. 321-9 du code de l'énergie, en matière d'équilibre entre la consommation nationale et les programmes d'appel et d'approvisionnement, un consommateur final français qui a acquis de l'électricité, pour un site et une période donnés, auprès d'un fournisseur, sans engagement de la part de ce dernier quant à l'origine et au mode de production de l'énergie consommée, ne saurait, en dépit de la nature fongible de l'électricité présente sur les réseaux de transport et de distribution, bénéficier du remboursement partiel de CSPE prévu par l'article L. 121-22 du même code, du seul fait qu'il a acquis et utilisé, en application des dispositions citées au point 3, des garanties d'origine attestant de la production d'électricité à partir de sources renouvelables dans un autre Etat membre de l'Union européenne pour des quantités équivalentes.
5. Par suite, après avoir relevé que la société requérante s'était bornée à produire à l'appui de sa demande de remboursement de CSPE, les factures de son fournisseur d'électricité justifiant uniquement qu'elle avait acquis 5 223 119 kWh d'électricité au cours de la période litigieuse et des attestations d'utilisation de garanties d'origine justifiant qu'une quantité d'énergie correspondante avait été produite, au cours de la même période, à partir de sources d'énergie renouvelables situées en Finlande, en Slovénie et en Suède, la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit, que cette demande avait pu légalement être rejetée en application des dispositions mentionnées au point 2. En jugeant, par ailleurs, que ces dispositions dont il ne ressort ni des éléments produits devant les juges du fond ni de ceux qui ont été produits dans la présente instance qu'elles imposeraient de produire une preuve impossible, n'étaient pas incompatibles avec le droit de l'Union, la cour, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures dont elle était saisie, n'a pas commis d'erreur de droit.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bellevue Distribution n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative de Paris qu'elle attaque. Par suite, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Bellevue Distribution est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Bellevue Distribution et à la Commission de régulation de l'énergie.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. G... F..., M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme A... K..., M. D... E..., Mme H... B..., M. J... C..., M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 2 mars 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme I... L...