Vu la procédure suivante :
Le syndicat Alliance plasturgie et composites du futur (Plastalliance), à l'appui de sa demande présentée le 15 novembre 2021 devant le Conseil d'Etat tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique, a produit un mémoire distinct, enregistré le 1er décembre 2021 au greffe du Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat du syndicat Alliance plasturgie et composites du futur (Plastalliance) ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du 16e alinéa du III de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement : " A compter du 1er janvier 2022, tout commerce de détail exposant à la vente des fruits et légumes frais non transformés est tenu de les exposer sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique. Cette obligation n'est pas applicable aux fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kilogramme ou plus ainsi qu'aux fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret. "
3. En premier lieu, le syndicat Alliance plasturgie et composites du futur soutient que l'obligation instaurée par le législateur à compter du 1er janvier 2022 méconnaît le préambule de la Charte de l'environnement ainsi que ses articles 1er, 2, 5 et 6 et l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement.
4. D'une part, ni le préambule de la charte, ni son article 6 n'instituent un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Ils ne peuvent dès lors être invoqués à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par ailleurs, les dispositions en cause, qui instituent une interdiction de nature pérenne, n'ont pas été prises en application du principe de précaution. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 5 de la Charte est dès lors inopérant.
5. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. " Aux termes de l'article 2 de la même charte : " Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ". La requérante fait valoir que le dispositif attaqué ne contribuera pas à la diminution des emballages qui pourront toujours entourer les produits jusqu'à leur livraison aux commerces de détail et, de surcroît, qu'il augmentera le gaspillage alimentaire puisque le plastique augmente la durée de vie des produits emballés. Toutefois, en adoptant les dispositions du 16e alinéa du III de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement, le législateur a entendu favoriser la réduction des déchets plastiques, dans un but de protection de l'environnement, d'une part, en considérant que les commerces de détails pourront ainsi choisir soit de passer des commandes livrées dans des contenants en bois, soit d'opter pour un déconditionnement des fruits et légumes dans le commerce, dans le respect des obligations de tri des déchets en plastique prévues par la loi, et d'autre part, en prenant en compte, au regard de l'état des connaissances, les conséquences susceptibles de résulter pour l'environnement de l'utilisation des produits plastiques. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance des articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement ne présente pas de caractère sérieux. Il en va de même, en tout état de cause, de l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement.
6. En deuxième lieu, le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que la Nation garantit à tous la protection de la santé. En se bornant à faire valoir que les substituts aux emballages plastiques pourraient avoir des conséquences néfastes sur la santé, alors que le législateur a seulement, au regard de l'état des connaissances scientifiques, souhaité diminuer les déchets plastiques, dans un but de protection de l'environnement et sans imposer aucun conditionnement de substitution, le syndicat requérant ne critique pas utilement ces dispositions. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel de protection de la santé comme, en tout état de cause, de l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, ne présente pas de caractère sérieux.
7. En troisième et dernier lieu, s'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, c'est à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi. En imposant à tout commerce de détail d'exposer les fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique, le législateur a entendu favoriser la réduction des déchets plastiques et a ainsi porté à la liberté d'entreprendre une atteinte qui est en lien avec les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l'environnement poursuivis. Par ailleurs, cette obligation n'est applicable ni aux fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kilogramme ou plus, ni aux fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret. En sus, ces dispositions, qui ont été introduites par l'article 77 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire, ont laissé plus de vingt-deux mois aux professionnels du secteur pour adapter leurs usages. Il suit de là qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas, compte tenu du champ de cette obligation, manifestement déséquilibrée, entre la liberté d'entreprendre et les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et de la santé. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions contestées ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Alliance plasturgie et composites du futur et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 28 février 2022.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...