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25/02/2022 | FRANCE | N°435781

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 25 février 2022, 435781


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner à l'Etat de lui attribuer un logement tenant compte de ses besoins et capacités, en application de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation. Par un jugement n° 1907949/4 du 24 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 5 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 7...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner à l'Etat de lui attribuer un logement tenant compte de ses besoins et capacités, en application de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation. Par un jugement n° 1907949/4 du 24 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 5 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1226 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de Mme B... A....

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, l'article R. 411-16-1 du code de la construction et de l'habitation dispose : " (...), le recours devant la juridiction administrative prévu au I de l'article L. 441-2-3-1 peut être introduit par le demandeur qui n'a pas reçu d'offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités passé un délai de trois mois à compter de la décision de la commission de médiation le reconnaissant comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence. (...) dans les départements comportant au moins une agglomération, ou une partie d'une agglomération, de plus de 300 000 habitants, ce délai est de six mois ". Aux termes de l'article R. 778-1 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du présent code, sous réserve des dispositions particulières du code de la construction et de l'habitation et des dispositions du présent chapitre : / 1° Les requêtes introduites par les demandeurs reconnus par la commission de médiation prévue à l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation comme prioritaires et devant se voir attribuer un logement en urgence, en application des dispositions du II du même article, et qui n'ont pas, passé le délai mentionné à l'article R. 441-16-1 du même code, reçu une offre de logement tenant compte de leurs besoins et de leurs capacités ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 778-2 de ce code : " Les requêtes mentionnées à l'article R. 778-1 sont présentées dans un délai de quatre mois à compter de l'expiration des délais prévus aux articles R. 441-16-1, (...) du code de la construction et de l'habitation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris dispose d'un délai de six mois à compter de la date de la décision reconnaissant un demandeur comme prioritaire et devant être relogé en urgence pour lui proposer un logement. A l'expiration de ce délai, le demandeur dispose d'un délai de quatre mois pour introduire un recours devant la juridiction administrative compétente pour que soit ordonné à l'administration de lui proposer un logement.

2. D'autre part, aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (...) / c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". En vertu du premier alinéa de l'article 56 du même décret, le délai de ce recours est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé.

3. Il résulte de ce qui précède qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.

4. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points précédents que lorsque le demandeur reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et devant se voir attribuer un logement en urgence, qui n'a pas reçu une offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités dans le délai mentionné à l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation, forme une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de quatre mois prévu par l'article R. 778-2 du code de justice administrative, il dispose, pour saisir le tribunal administratif sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, d'un nouveau délai de quatre mois dont le point de départ est fixé par les dispositions de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision du 19 avril 2018 par laquelle la commission de médiation de Paris a désigné Mme A... comme prioritaire et devant être logée en urgence lui a été notifiée le 18 mai 2018. Cette décision mentionnait qu'à défaut de proposition adaptée à la date du 19 octobre 2018, l'intéressée pourrait saisir le tribunal administratif du recours prévu au I de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation jusqu'au 20 février 2019. Dans ce délai, Mme A... a présenté, le 8 février 2019 une demande d'aide juridictionnelle. L'aide juridictionnelle lui a été accordée par une décision du 13 mars 2019 du bureau d'aide juridictionnelle, qui désignait également l'avocat chargé de l'assister. En application des dispositions du c) et du d) de l'article 38 précité du décret du 19 décembre 1991, le nouveau délai de quatre mois pour saisir le tribunal administratif n'a couru qu'à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressée de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle, c'est-à-dire au plus tôt le 29 mars 2019. Ainsi, la requête de Mme A..., enregistrée le 12 avril 2019 au greffe du tribunal administratif de Paris, n'était pas tardive. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que le jugement attaqué, qui a rejeté sa demande comme tardive, a méconnu les règles énoncées ci-dessus et doit être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à la SCP Le Griel, avocat de Mme A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mai 2019 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SCP Le Griel, avocat de Mme A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la ministre de la transition écologique.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 435781
Date de la décision : 25/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2022, n° 435781
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:435781.20220225
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