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24/02/2022 | FRANCE | N°446616

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 24 février 2022, 446616


Vu la procédure suivante :

M. N... C... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2020 rejetant sa demande de réexamen de sa demande d'asile.

Par une décision n°20010100 du 21 septembre 2020, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 novembre 2020 et le 12 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annule

r cette décision ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la C...

Vu la procédure suivante :

M. N... C... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2020 rejetant sa demande de réexamen de sa demande d'asile.

Par une décision n°20010100 du 21 septembre 2020, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 novembre 2020 et le 12 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle sur la notion de " demande ultérieure " au sens de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. C... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des refugies et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 26 juillet 2004, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d'asile de M. C..., ressortissant turc d'origine kurde. La Commission de recours des réfugiés a rejeté, le 26 avril 2005, le recours formé par M. C... contre cette décision. M. C... a présenté deux demandes de réexamen en 2007 et 2009 qui ont fait l'objet de décisions de rejet de l'OFPRA devenues définitives. Il est ensuite rentré en Turquie en février 2012 avant de revenir en France en novembre 2019. Il a alors présenté, le 13 novembre 2019, une nouvelle demande d'asile analysée par l'OFPRA comme une troisième demande de réexamen et rejetée le 31 janvier 2020 pour irrecevabilité. M. C... se pourvoit en cassation contre la décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 21 septembre 2020 rejetant son recours contre cette décision.

2. En premier lieu, l'article L. 723-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable en l'espèce, pris pour la transposition du q) de l'article 2 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, dispose : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure, y compris lorsque le demandeur avait explicitement retiré sa demande antérieure, lorsque l'office a pris une décision définitive de clôture en application de l'article L. 723-13 ou lorsque le demandeur a quitté le territoire, même pour rejoindre son pays d'origine (...) ". Une demande tendant à l'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire présentée par une personne après une première demande qui a fait l'objet d'une décision définitive de refus de l'OFPRA ou après qu'il a été mis fin, par une décision définitive, à la protection internationale que l'OFPRA lui avait antérieurement accordée, constitue une demande de réexamen au sens de ces dispositions, alors même que l'intéressé est entre-temps rentré dans son pays d'origine.

3. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la demande de M. C... en date du 13 novembre 2019 constituait non pas une demande d'asile mais une demande de réexamen, alors même qu'il était rentré pendant sept ans dans son pays d'origine, après les décisions rejetant ses demandes précédentes, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier et a suffisamment motivé sa décision, n'a pas commis d'erreur de droit. Dès lors que l'OFPRA avait pris une décision d'irrecevabilité sur le fondement de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable, la cour a pu, sans erreur de droit, statuer dans le cadre de la procédure de juge unique prévue par le second alinéa de l'article L. 731-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable, sans renvoyer le jugement de la requête à une formation collégiale.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 723-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile./ L'office procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision./ (...) Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité ". Il résulte de ces dispositions que la recevabilité d'une demande de réexamen d'une demande d'asile est subordonnée, d'une part, à la présentation soit de faits nouveaux intervenus ou révélés postérieurement au rejet de la demande antérieure soit d'éléments de preuve nouveaux et, d'autre part, au constat que leur valeur probante est de nature à modifier l'appréciation du bien-fondé de la demande de protection au regard de la situation personnelle du demandeur et de la situation de son pays d'origine.

5. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que la cour a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part que, dans les circonstances de l'espèce, l'absence de précision sur les conditions d'obtention des documents présentés par le requérant comme émanant des autorités de police et des juridictions turques était de nature à mettre en doute leur valeur probante, et, d'autre part, que ces pièces ne permettaient pas de pallier le caractère imprécis et lacunaire de son récit. Elle a pu sans erreur de droit en déduire que les faits et éléments présentés par M. C... n'étaient pas susceptibles de modifier l'appréciation portée sur le bien-fondé de sa demande et, par suite, n'augmentaient pas de manière significative la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu, en l'absence de tout doute raisonnable quant à l'interprétation de la notion de " demande ultérieure " au sens de la directive du 26 juin 2013, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. C... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. N... C... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 janvier 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. I... H..., M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme K... E..., Mme A... L..., M. F... G..., M. B... D..., M. Bruno Delsol, conseillers d'Etat et M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 24 février 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Arno Klarsfeld

La secrétaire :

Signé : Mme J... M...


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 446616
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

095-02-08 - DEMANDE DE PROTECTION PRÉSENTÉE APRÈS UNE PREMIÈRE DEMANDE REFUSÉE PAR L’OFPRA OU APRÈS QUE CE DERNIER A MIS FIN À LA PROTECTION ANTÉRIEUREMENT ACCORDÉE – DEMANDE DEVANT ÊTRE REGARDÉE COMME UNE DEMANDE DE RÉEXAMEN – EXISTENCE, ALORS MÊME QUE L’INTÉRESSÉ EST ENTRE TEMPS RENTRÉ DANS SON PAYS D’ORIGINE.

095-02-08 Une demande tendant à l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire présentée par une personne après une première demande qui a fait l’objet d’une décision définitive de refus de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou après qu’il a été mis fin, par une décision définitive, à la protection internationale que l’OFPRA lui avait antérieurement accordée, constitue une demande de réexamen au sens de l’article L. 723-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dans sa version alors applicable, alors même que l’intéressé est entre temps rentré dans son pays d’origine.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 fév. 2022, n° 446616
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:446616.20220224
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