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18/02/2022 | FRANCE | N°457578

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 18 février 2022, 457578


Vu la procédure suivante :

La société Philip Frères a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler les décisions se rapportant à la passation du marché de prestations de fauchage et de débroussaillage des dépendances sur les routes métropolitaines de Toulouse et d'enjoindre à l'administration de procéder à une nouvelle étude des candidatures et des offres.

Par une ordonnance n° 2105319 du 30 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif

de Toulouse a annulé la décision d'attribution du marché et enjoint à Toulouse Mé...

Vu la procédure suivante :

La société Philip Frères a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler les décisions se rapportant à la passation du marché de prestations de fauchage et de débroussaillage des dépendances sur les routes métropolitaines de Toulouse et d'enjoindre à l'administration de procéder à une nouvelle étude des candidatures et des offres.

Par une ordonnance n° 2105319 du 30 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision d'attribution du marché et enjoint à Toulouse Métropole de reprendre dans un délai d'un mois la procédure au stade de l'examen des offres, sauf à ce qu'elle renonce à poursuivre la procédure.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 29 octobre 2021 et le 26 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Toulouse Métropole demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Philip Frères ;

3°) de mettre à la charge de la société Philip Frères la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- l'arrêté du 9 octobre 2013 relatif aux conditions d'exercice de l'activité d'utilisateur professionnel et de distributeur de certains types de produits biocides ;

- l'arrêté du 22 décembre 2015 relatif à la lutte contre Ceratocystis platani, agent pathogène du chancre coloré du platane ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Toulouse Métropole et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Philip Frères ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 février 2022, présentée par la société Philip Frères.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. "

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Toulouse Métropole a engagé une consultation selon la procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la conclusion d'un marché de prestations de fauchage et de débroussaillage des dépendances des routes métropolitaines. Le marché a été attribué à la société Agri Sud-Ouest, l'offre de la société Philip Frères ayant été classée en deuxième position. Le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, saisi par cette dernière société sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la décision d'attribution du marché et enjoint à Toulouse Métropole de reprendre dans un délai d'un mois la procédure au stade de l'examen des offres, sauf à ce qu'elle renonce à poursuivre celle-ci.

3. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats

4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que Toulouse Métropole a attribué à l'offre de la société Agri Sud-Ouest la note maximale sur le sous-critère de la valeur technique relatif à la pertinence de la prise en compte du chancre coloré en tenant compte de ce que cette offre prévoyait la désinfection du matériel entre chaque arbre dans les opérations de fauchage et de débroussaillage, mais attribué une note plus faible à la société Philip Frères au motif qu'elle ne comportait pas un tel engagement. Le juge du référé précontractuel a estimé qu'il était " difficilement concevable " que de telles mesures soient mises en œuvre et en a déduit que Toulouse Métropole ne pouvait se fonder sur cet engagement pour noter les offres au titre du sous-critère relatif à la prise en compte du chancre coloré. En statuant ainsi, et en portant, ce faisant, une appréciation sur la valeur des offres, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a méconnu son office.

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. En premier lieu, d'une part, si l'exécution des prestations du marché en litige suppose que son titulaire puisse désinfecter ses outils et engins, il ne résulte pas de l'instruction que Toulouse Métropole aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la société Agri Sud-Ouest disposait de la capacité technique de l'exécuter alors même qu'aucun de ses salariés ne détiendrait le certificat prévu pour l'utilisation professionnelle de produits biocides, en application de l'arrêté du 9 octobre 2013 visé ci-dessus.

8. D'autre part, cette circonstance n'entache pas l'offre de la société Agri Sud-Ouest d'irrégularité, dès lors, d'une part, que la détention de ces certificats n'était pas exigée par les documents de la consultation et, d'autre part, que la réglementation applicable à la lutte contre le chancre coloré, notamment l'arrêté du 22 novembre 2015 relatif à la lutte contre cet agent pathogène, n'impose pas que les mesures de prophylaxie qu'elle prescrit pour prévenir la diffusion du chancre coloré soient mises en œuvre par l'usage exclusif de produits biocides.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution ".

10. Le sous-critère relatif à la pertinence de la prise en compte du chancre coloré, qui, contrairement à ce que soutient la société Philip Frères, n'implique pas seulement d'évaluer la régularité de l'offre, présente un lien avec l'objet du marché. Par suite, le moyen tiré de ce que ce sous-critère ne permettait pas de sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse doit être écarté.

11. En troisième lieu, d'une part, si, selon l'article 2.4 du projet de cahier des clauses techniques particulières, l'entreprise titulaire du marché est tenue de prendre certaines mesures de prophylaxie, " notamment " la désinfection des outils dans certaines circonstances, ces stipulations n'excluent pas la mise en œuvre de mesures plus contraignantes, telle que celle tenant à la désinfection des outils entre chaque arbre lors de prestations de fauchage ou de débroussaillage. De même, les prescriptions réglementaires régissant la lutte contre le chancre coloré n'interdisent pas la mise en œuvre de mesures de prophylaxie supplémentaires. La société Philip Frères n'est donc pas fondée à soutenir que l'offre de la société Agri Sud-Ouest serait irrégulière pour ce motif.

12. D'autre part, si la société Agri Sud-Ouest, dans son mémoire technique, mentionnait la désinfection de ses outils et de son matériel entre chaque arbre sur une zone dédiée à cette opération à propos d'un chantier d'abattage, de dessouchage ou de dévitalisation, elle indiquait également pouvoir intervenir " pour le fauchage tout en respectant la procédure de désinfection " sur son matériel. Par suite, Toulouse Métropole n'a pas dénaturé les termes de l'offre de cette société en estimant qu'elle devait être interprétée dans le sens mentionné au point 4.

13. Enfin, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de substituer sa propre appréciation des mérites des offres à celle du pouvoir adjudicateur. La société Philip Frères ne peut donc utilement soutenir que Toulouse Métropole n'aurait pas dû tenir compte, dans la notation du sous-critère relatif à la prise en compte du chancre coloré, de l'engagement tenant à la désinfection des outils et engins entre chaque arbre, dont elle considère qu'il serait irréaliste.

14. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la société Philip Frères devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse doit être rejetée.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Philip Frères la somme de 4 500 euros à verser à Toulouse Métropole sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Toulouse Métropole, qui n'est pas la partie perdante, à ce titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 30 septembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Philip Frères devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : La société Philip Frères versera la somme de 4 500 euros à Toulouse Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées au même titre sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Toulouse Métropole, à la société Philip Frères et à la société Agir Sud-Ouest AR siège.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 février 2022 où siégeaient : M. Gilles Pellissier, assesseur, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et M. François Lelièvre, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 18 février 2022.

Le président :

Signé : M. Gilles Pellissier

Le rapporteur :

Signé : M. François Lelièvre

La secrétaire :

Signé : Mme B... A...


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 457578
Date de la décision : 18/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2022, n° 457578
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:457578.20220218
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