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18/02/2022 | FRANCE | N°455740

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 18 février 2022, 455740


Vu la procédure suivante :

Mme B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui accorder un rendez-vous afin qu'elle puisse déposer sa demande de titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2107284 du 4 août 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté cette

demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire e...

Vu la procédure suivante :

Mme B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui accorder un rendez-vous afin qu'elle puisse déposer sa demande de titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2107284 du 4 août 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 août, 3 septembre et 29 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Melun que Mme D..., ressortissante malgache qui a régulièrement rejoint le territoire français le 19 août 2014 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiante a, avant l'expiration de son titre de séjour portant la mention " étudiant ", souhaité entreprendre des démarches afin de solliciter un changement de statut au titre des liens personnels et familiaux en France. N'étant pas parvenue à procéder aux formalités en ligne préalables au dépôt d'une demande de rendez-vous en préfecture, Mme D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui accorder un rendez-vous afin de déposer sa demande de titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Elle se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 4 août 2021 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins de non-lieu :

2. Contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance que Mme D... a, postérieurement à l'introduction de son pourvoi en cassation, déposé sur le site " démarches-simplifiées " une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de Français, faute pour ce site de lui permettre de déposer une demande au titre de ses liens personnels et familiaux en France, alors qu'il est constant que son conjoint n'est pas Français, n'a pas pour effet de priver d'objet sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Val-de-Marne de lui donner un rendez-vous pour qu'elle puisse déposer sa demande de titre de séjour au titre de ses liens personnels et familiaux en France.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".

4. Pour rejeter la demande présentée par Mme D..., le juge des référés du tribunal administratif de Melun a considéré que les conclusions de cette dernière tendant à obtenir un rendez-vous étaient dépourvues d'utilité dès lors que celle-ci n'avait pas déposé de demande par l'intermédiaire du site internet " démarches-simplifiées ", " lequel permet de demander une carte de séjour au titre d'un changement de statut au titre des liens personnels et familiaux en France ". En statuant ainsi, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que le site " démarches-simplifiées ", sur lequel la demande de changement de statut doit être déposée, comporte, parmi les choix offerts au demandeur dans le menu déroulant de sélection de la catégorie de titre à laquelle se rattache sa demande, celui correspondant à un changement de statut au titre des liens personnels et familiaux en France, le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme D... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Eu égard aux conséquences qu'a sur la situation d'un étranger, notamment sur son droit à se maintenir en France et, dans certains cas, à y travailler, la détention du récépissé qui lui est en principe remis après l'enregistrement de sa demande et au droit qu'il a de voir sa situation examinée au regard des dispositions relatives au séjour des étrangers en France, il incombe à l'autorité administrative, après lui avoir fixé un rendez-vous, de le recevoir en préfecture et, si son dossier est complet, de procéder à l'enregistrement de sa demande, dans un délai raisonnable.

8. Lorsque le rendez-vous ne peut être demandé qu'après avoir procédé en ligne à des formalités préalables, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que si l'étranger établit n'avoir pu les accomplir, notamment lorsque le site ne permet pas de sélectionner la catégorie de titre à laquelle la demande doit être rattachée, ce dysfonctionnement ayant été constaté à l'occasion de plusieurs tentatives n'ayant pas été effectuées la même semaine, il peut demander au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de lui communiquer, dans un délai qu'il fixe, une date de rendez-vous. Si la situation de l'étranger le justifie, le juge peut préciser le délai maximal dans lequel ce rendez-vous doit avoir lieu. Il fixe un délai bref en cas d'urgence particulière.

9. Il résulte de l'instruction que pour demander que lui soit fixé un rendez-vous en préfecture du Val-de-Marne en vue de déposer sa demande de titre de séjour, Mme D... justifie avoir été dans l'impossibilité de présenter sa demande au titre des liens personnels et familiaux en France sur le site " démarches-simplifiées " à l'occasion de plusieurs tentatives effectuées les 25 mars, 9 juillet et 9 septembre 2021. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui communiquer une date de rendez-vous dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 4 août 2021 du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de communiquer une date de rendez-vous à Mme D... pour le dépôt de sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme D... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 février 2022 où siégeaient : M. Gilles Pellissier, assesseur, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et M. François Lelièvre, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 18 février 2022.

Le président :

Signé : M. Gilles Pellissier

Le rapporteur :

Signé : M. François Lelièvre

La secrétaire :

Signé : Mme C... A...


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 455740
Date de la décision : 18/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2022, n° 455740
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455740.20220218
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