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18/02/2022 | FRANCE | N°443762

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 18 février 2022, 443762


Vu la procédure suivante :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant à cette année ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1303124, 1303125, 1303126 du 12 juillet 2016, ce tribunal a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 16BX03144 du 20 décembre 2018, la co

ur administrative d'appel de Bordeaux, après avoir constaté qu'il n'y avait plus ...

Vu la procédure suivante :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant à cette année ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1303124, 1303125, 1303126 du 12 juillet 2016, ce tribunal a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 16BX03144 du 20 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus de l'appel formé par M. D... contre ce jugement.

Par une décision n° 427995 du 17 octobre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi du pourvoi en cassation formé par M. D..., a annulé l'article 2 de cet arrêt et renvoyé l'affaire, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par un arrêt n° 19BX03957 du 9 juillet 2020, la cour administrative a rejeté les conclusions de l'appel formé par M. D... contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il portait sur les impositions et pénalités demeurant en litige.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 27 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Wilson, l'administration a procédé à un contrôle sur pièces de la situation fiscale personnelle de M. D..., son dirigeant. Elle a regardé la somme de un million d'euros perçue par ce dernier en application d'un " protocole d'accord transactionnel " signé le 11 août 2010 entre lui-même et la société Wilson, d'une part, M. B... C..., la société Plus Pharmacie et la société Phoenix Pharma France, d'autre part, comme un produit provenant de l'exploitation d'une marque commerciale, devant être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur le revenu. M. D... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat après cassation d'un premier arrêt, a rejeté son appel contre le jugement du 12 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la fraction demeurant en litige des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités prévues par le a de l'article 1729 du code général des impôts, auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Sur la régularité de l'arrêt :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 222-25 du code de justice administrative, relatif au fonctionnement des cours administratives d'appel : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair ". Aux termes de l'article R. 222-26 du même code : " La chambre siège en formation de jugement sous la présidence de son président ou, en cas d'absence ou d'empêchement, d'un magistrat désigné à cet effet par le président de la cour et ayant au moins le grade de président. Elle comprend, outre le président : / 1° Un magistrat affecté à la chambre, désigné en suivant l'ordre du tableau parmi les magistrats présents ; / 2° Le magistrat rapporteur. " Aux termes de l'article R. 741-7 du même code : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". L'article R. 741-8 précise que " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau ".

3. Il résulte de ces dispositions que si une chambre d'une cour administrative d'appel siègeant en formation de jugement doit comporter un président, un rapporteur, ainsi qu'un assesseur affecté à la chambre, aucune règle ni aucun principe ne fait pas obstacle à ce que les fonctions de rapporteur soient assurées par le magistrat qui préside la formation de jugement. M. D... n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêt attaqué serait entaché d'irrégularité au motif que son rapporteur était la présidente de la formation de jugement.

4. En second lieu, en communiquant aux parties un moyen d'ordre public, qu'elle a relevé d'office, tiré de ce que l'administration avait méconnu le champ d'application de la loi fiscale en soumettant la somme en litige à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux alors qu'elle relevait de la catégorie des bénéfices non commerciaux, la cour n'a ni méconnu son office, ni, en tout état de cause, porté atteinte au droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur le bien-fondé de l'arrêt :

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêt du 31 mars 2010, la cour d'appel de Pau a constaté qu'en dépit de l'expiration de la protection des droits que détenait M. D... sur la marque " PharmaVie ", qui résultait du dépôt de ce nom et du logo associé que celui-ci avait effectué en 1989 auprès de l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) et qu'il n'avait pas renouvelé en 1999, il demeurait titulaire de droits d'auteur sur les éléments de cette marque et que, par suite, la dénomination et la représentation du logo correspondant devaient être retirées du réseau commercial exploité par ailleurs par M. C.... La cour a par ailleurs estimé que M. D... et la société Wilson n'avaient pas subi, du fait de cette atteinte à la protection de ces droits d'auteur, d'autre préjudice indemnisable que celui lié à l'obligation de recourir à la justice pour faire valoir leurs droits et a condamné M. C... et la société Plus Pharmacie à verser solidairement à chacun d'eux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux à cette fin. Par un protocole conclu le 11 août 2010, M. D... et la société Wilson se sont engagés à permettre l'utilisation, sous toutes leurs formes, de la dénomination et du logo " PharmaVie " par M. C... et les deux sociétés commerciales qu'il dirigeait, l'une d'entre elles s'engageant, " à titre d'indemnité transactionnelle et de compensation du préjudice subi ", à verser à M. D... une somme de un million d'euros. Par ce protocole, les parties ont renoncé, pour l'une, à poursuivre l'exécution de la cour d'appel de Pau, pour l'autre, à se pourvoir en cassation.

6. En premier lieu, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Il résulte de ces dispositions que le versement d'une somme par un débiteur à son créancier ne peut être regardé comme la contrepartie d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée qu'à la condition qu'il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable. N'est, en revanche, pas soumis à cette taxe le versement d'une indemnité qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le créancier du fait du débiteur.

7. Il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Pau, dont les énonciations sont rappelées au point 5, que M. D... était toujours titulaire, au moment où il a conclu le protocole du 11 août 2010, de l'ensemble des droits d'auteur attachés à la marque " PharmaVie " et que la renonciation de M. D... et de la société Wilson à poursuivre l'exécution de cet arrêt ne les a privés définitivement que du versement d'une somme de 3 000 euros tandis que le pourvoi formé contre celui-ci par M. C... et abandonné en application du protocole n'était pas susceptible de conduire à une condamnation plus élevée à leur profit. Il suit de là que la cour administrative d'appel, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a ni dénaturé le protocole d'accord transactionnel en cause, ni commis d'erreur de droit en regardant la somme de un million d'euros stipulée par ce protocole non comme la réparation d'un préjudice subi mais comme la rémunération d'une renonciation de la part de M. D... à la protection de ses droits d'auteur sur la dénomination " Pharmavie " et sur le logo associé et d'une concession de droits d'utilisation de ces dénomination et logo, constituant ainsi la contrepartie d'une prestation de services à titre onéreux passible de la taxe sur la valeur ajoutée.

8. Par ailleurs, en se fondant sur ce que M. D... était le seul créateur de la dénomination et du logo " Pharmavie ", et donc le seul détenteur de droits d'auteur sur ces signes, pour en déduire qu'il était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur la totalité de la somme en litige, dont le versement était prévu par la transaction à son seul profit, et en écartant comme dépourvue d'incidence à cet égard la circonstance qu'il en avait reversé une partie à la société Wilson, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. D... a autorisé M. C..., en vertu du protocole du 11 août 2010, à faire une exploitation commerciale de la dénomination " PharmaVie " et du logo associé, sur lesquels il détenait des droits d'auteur, moyennant le paiement d'une somme de un million d'euros. La cour administrative d'appel a dès lors pu juger, sans commettre d'erreur de droit, ni inexactement qualifier les faits, que la somme perçue en contrepartie de cette concession de droits avait la nature d'un revenu imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que la transaction n'aurait pas respecté les conditions auxquelles le code de la propriété intellectuelle subordonne la validité d'un contrat de cession de droits d'auteur.

11. En troisième et dernier lieu, en jugeant, après avoir relevé par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation que M. D... ne pouvait ignorer, lorsqu'il a déclaré ses revenus au titre d'année 2010, que la somme de un million d'euros qu'il avait perçue en exécution du protocole signé le 11 août de la même année constituait la contrepartie de services rendus par lui et présentait le caractère d'un revenu imposable, que l'administration avait pu à bon droit l'assujettir à la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts, la cour administrative n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. D... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 443762
Date de la décision : 18/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2022, n° 443762
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jonathan Bosredon
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:443762.20220218
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