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11/02/2022 | FRANCE | N°451181

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 11 février 2022, 451181


Vu la procédure suivante :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision notifiée le 24 septembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Nièvre a " clôturé sa demande " de revenu de solidarité active au 1er janvier 2016 et lui a indiqué qu'il était redevable d'une somme de 20 297,67 euros au titre d'un indu pour la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2019. Par une ordonnance n° 2001501 du 28 janvier 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

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urvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregis...

Vu la procédure suivante :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision notifiée le 24 septembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Nièvre a " clôturé sa demande " de revenu de solidarité active au 1er janvier 2016 et lui a indiqué qu'il était redevable d'une somme de 20 297,67 euros au titre d'un indu pour la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2019. Par une ordonnance n° 2001501 du 28 janvier 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mars, 15 juin et 28 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la caisse d'allocations familiales de la Nièvre et du département de la Nièvre la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. D... et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du département de la Nièvre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de M. D..., la caisse d'allocations familiales de la Nièvre a décidé, le 24 septembre 2019, de récupérer un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 20 297,67 euros pour la période du 1er juin 2016 au 30 juin 2019 au motif que l'intéressé ne résidait pas dans le département de la Nièvre. M. D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler cette décision et de condamner la caisse d'allocations familiales de la Nièvre à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de dommages et intérêts. Par une ordonnance du 28 janvier 2021 contre laquelle M. D... se pourvoit en cassation, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

2. D'une part, le premier alinéa de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles prévoit que : " Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l'objet, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, d'un recours administratif auprès du président du conseil départemental (...) ". Selon le premier alinéa de l'article R. 262-88 du même code : " Le recours administratif préalable mentionné à l'article L. 262-47 est adressé par le bénéficiaire au président du conseil départemental dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée (...) ". Ce recours administratif préalable obligatoire constitue une demande au sens de l'article L. 112-1 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes duquel : " Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande (...) peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi de correspondance, le cachet apposé par les prestataires de services postaux autorisés au titre de l'article L. 3 du code des postes et des communications électroniques faisant foi ". D'autre part, l'article L. 231-4 du même code dispose que vaut décision de rejet le silence gardé par l'administration pendant deux mois sur une demande qui présente le caractère d'un recours administratif. Ainsi, lorsque le bénéficiaire du revenu de solidarité active à qui une décision de récupération de sommes indûment perçues au titre de cette allocation a été notifiée adresse à une autorité administrative le recours administratif préalable prévu à l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles en vue de contester en tout ou partie le caractère indu des montants correspondants, ce recours préalable est réputé, à l'issue du délai de deux mois courant à compter de la date de sa réception par cette autorité, avoir été implicitement rejeté par l'autorité administrative compétente.

3 En l'espèce, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour juger que la demande de M. D... était entachée d'une irrecevabilité manifeste au sens du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative au motif que M. D... n'avait pas valablement procédé au recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon a retenu que l'intéressé avait, le 16 décembre 2019, saisi le département de la Nièvre d'un recours contre une décision de revenu de solidarité active sans produire la décision qu'il entendait contester et que l'accusé de réception de la demande de complément d'instruction envoyée par le département de la Nièvre le 17 février 2020 était revenu au département avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ".

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la contestation adressée par M. D... au président du conseil départemental, qui a été reçue par celui-ci non pas le 16 décembre 2019, mais le 15 novembre 2019 ainsi qu'en atteste le tampon apposé sur l'avis de réception par les services du département de la Nièvre, se référait, selon ses propres termes, au " courrier en AR numéro 2C1389443704 du 24/09/2019 " l'informant de " la décision de clôturer [sa] demande de RSA du 1er janvier 2016 au 30 juin 2019 " et lui demandant le " remboursement d'un indu de 20 297,67 euros ". Il en résulte que M. D... avait saisi le département d'une contestation suffisamment précise en l'espèce pour être regardée comme constituant le recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles, contestation qui, au demeurant, avait déjà été implicitement rejetée lorsque le département lui a adressé son courrier du 17 février 2020. Par suite, M. D... est fondé à soutenir qu'en jugeant que sa demande était entaché d'une irrecevabilité manifeste faute d'avoir été précédé du recours administratif préalable prévu par les dispositions précitées de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à demander l'annulation, pour ce motif, de l'ordonnance attaquée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge du département de la Nièvre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la caisse d'allocations familiales de la Nièvre, qui n'a pas la qualité de partie au sens de ces dispositions et n'a été appelée à la cause que pour présenter des observations. Elles font également obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante en la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 28 janvier 2021 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Dijon.

Article 3 : Le département de la Nièvre versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions présentées par le département de la Nièvre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... et au département de la Nièvre.

Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales de la Nièvre.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 janvier 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 11 février 2022.

La présidente:

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur

Signé : M. Damien Pons

La secrétaire:

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 451181
Date de la décision : 11/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2022, n° 451181
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:451181.20220211
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