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02/02/2022 | FRANCE | N°438866

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 02 février 2022, 438866


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février et 14 août 2020 et le 7 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société BP Gas Marketing Limited (BPGM) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 19 décembre 2019 portant sanction pécuniaire à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer cette décision en

réduisant le quantum de la sanction ;

3°) de mettre à la charge de la Commission de régulat...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février et 14 août 2020 et le 7 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société BP Gas Marketing Limited (BPGM) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 19 décembre 2019 portant sanction pécuniaire à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer cette décision en réduisant le quantum de la sanction ;

3°) de mettre à la charge de la Commission de régulation de l'énergie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 1227/2011 du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société BP Gas Marketing Limited (BPGM) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'après avoir constaté, dans le cadre de sa mission de surveillance des marchés de gros du gaz naturel, la formation d'écarts de prix importants sur les deux places de marché des points d'échange gaz (PEG) Nord et Sud au cours des années 2013 et 2014, la Commission de régulation de l'énergie a ouvert une enquête aux fins de déterminer si la société BP Gas Marketing Limited (BPGM) avait procédé, au cours de cette période, à des manipulations de marché constitutives d'infractions à l'article 5 du règlement (UE) n° 1227/2011 du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie. À l'issue de cette enquête, un procès-verbal d'infraction a été notifié à la société le 14 juin 2018. Le 12 février 2019, le président de la Commission de régulation de l'énergie a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions (" CoRDiS ") du manquement constaté. Le membre du comité chargé des fonctions de poursuite a notifié des griefs de manipulation de marché à la société le 23 septembre 2019. Par une décision du 19 décembre 2019, le CoRDiS a estimé que les manquements étaient caractérisés et a infligé à la société une sanction pécuniaire d'un million d'euros et ordonné la publication de sa décision. La société BGPM demande, à titre principal, l'annulation et, à titre subsidiaire, la réformation de cette décision.

Sur la régularité de la procédure suivie devant le comité de règlement des différends et des sanctions :

En ce qui concerne le respect du principe d'indépendance et d'impartialité :

2. Aux termes de l'article R. 134-30 du code de l'énergie : " Pour chaque affaire, le président du comité de règlement des différends et des sanctions désigne un membre de ce comité chargé, avec le concours des agents de la Commission de régulation de l'énergie, de l'instruction. Le cas échéant, ce membre adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 134-26 et notifie les griefs. Il peut ne pas donner suite à la saisine. " En application de l'article L. 133-5 du même code, " La Commission de régulation de l'énergie dispose de services qui sont placés (...), pour l'exercice des missions confiées au comité de règlement des différends et des sanctions, sous l'autorité du président du comité " et qui, aux termes de l'article L. 133-6, " exercent leurs fonctions en toute impartialité, sans recevoir d'instruction du Gouvernement, ni d'aucune institution, personne, entreprise ou organisme. " Enfin, l'article R. 134-34 du même code dispose : " Pour chaque affaire qui lui a été transmise, le président du comité de règlement des différends et des sanctions désigne un rapporteur parmi les agents de la Commission de régulation de l'énergie qui n'ont pas connu de la procédure antérieurement. / Ce rapporteur instruit l'affaire dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues à l'article R. 134-10 ", lequel prévoit notamment que l'instruction est menée en toute indépendance et dans le respect du principe du contradictoire.

3. En premier lieu, la requérante ne peut utilement soutenir qu'aucune disposition du code de l'énergie dans sa version applicable au litige ne faisait obstacle à la participation du membre désigné en vertu de l'article R. 134-30 du code de l'énergie au délibéré de la formation du CoRDiS, dès lors qu'il n'est pas contesté que le comité a délibéré sur les suites à donner aux griefs notifiés à la société BPGM hors la présence du membre désigné.

4. En deuxième lieu, le membre désigné par le président du comité n'étant pas soumis à l'autorité hiérarchique de ce dernier, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que son indépendance à l'égard du président du CoRDiS ne serait pas garantie du seul fait de sa désignation par ce dernier. En outre, la seule circonstance que les agents de la Commission de régulation de l'énergie qui apportent leur concours au membre désigné soient placés sous l'autorité du président de la Commission ne saurait, comme se borne à l'affirmer la requérante, faire naître des doutes quant à la séparation, au sein du comité, des autorités de poursuite et de jugement ni à l'indépendance du membre désigné.

5. En troisième lieu, si la requérante soutient que les dispositions du code de l'énergie applicables ne permettent pas d'identifier l'autorité compétente pour instruire l'affaire ni ne garantissent l'indépendance du rapporteur désigné par le président du CoRDiS, il ressort clairement des dispositions des articles R. 134-30 et R. 134-34 du code de l'énergie que le membre désigné instruit l'affaire en amont de la notification des griefs, qu'il adresse le cas échéant à l'intéressé, tandis que le rapporteur instruit l'affaire postérieurement à cette notification, et que ce dernier agit en tout indépendance, notamment vis-à-vis du président du comité.

6. En quatrième lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir que la faculté du CoRDiS de se saisir d'office des manquements qu'il lui appartient de sanctionner, prévue par l'article L. 134-25 du code de l'énergie, méconnaît les principes d'indépendance et d'impartialité dès lors qu'en l'espèce, le comité a été saisi du manquement sanctionné par le président de la Commission de régulation de l'énergie.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la procédure de sanction aurait été conduite en méconnaissance des principes d'indépendance et d'impartialité garantis par le premier alinéa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faute de séparation entre l'autorité de poursuite et l'autorité de sanction au sein du comité, doit être écarté.

En ce qui concerne le délai laissé à la société pour présenter ses observations en défense :

8. En se bornant à invoquer en termes généraux la complexité et la technicité du litige, la société BPGM ne démontre pas en quoi auraient été insuffisants, d'une part, le délai qui lui a été imparti pour présenter ses observations en réponse à la notification des griefs, initialement fixé à cinq semaines, puis porté à huit semaines sur sa demande, et d'autre part, le délai de douze jours entre la convocation à la séance publique et sa tenue, dont la société n'a d'ailleurs pas demandé à ce qu'il soit prolongé.

Sur les manquements sanctionnés :

9. Le troisième alinéa de l'article L. 134-25 du code de l'énergie prévoit que le comité de règlement des différends et des sanctions peut sanctionner les manquements aux règles définies à l'article 5 du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie (REMIT). Aux termes de l'article 5 de ce règlement : " Il est interdit de procéder ou d'essayer de procéder à des manipulations de marché sur les marchés de gros de l'énergie ". Aux termes de l'article 2 du même règlement : " Aux fins du présent règlement, on entend par : / (...) 2) " manipulation de marché " : / a) le fait d'effectuer toute transaction ou d'émettre tout ordre pour des produits énergétiques de gros qui : / i) donne ou est susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l'offre, la demande ou le prix des produits énergétiques de gros (...) ".

10. Il résulte de l'instruction qu'au cours des années 2013 et 2014, le marché français de gros de gaz naturel était organisé en trois places de marché, dont les points d'échange gaz (PEG) Nord et Sud sur le réseau de la société GRTgaz. Les échanges étaient réalisés sur ces marchés au moyen de transactions de gré à gré, réalisées directement ou par l'intermédiaire de courtiers, ou par le biais du marché organisé, géré par la plateforme Powernext, qui concentrait la majeure partie de l'activité sur les marchés spot au PEG Sud, et sur laquelle la société BPGM exerçait près de la moitié de son activité sur le segment " spot ". Au cours de cette période, le marché du PEG Sud était caractérisé par une liquidité plus faible que celle du PEG Nord, du fait d'une moins bonne interconnexion avec les principales sources d'approvisionnement terrestre en gaz naturel, et par des tensions d'approvisionnement qui se sont traduites par un écart de prix (" spread ") important entre les marchés des PEG Nord et Sud ainsi qu'une forte volatilité des prix, amplifiée par l'incertitude quant à la disponibilité effective des capacités commercialisables, publiées par la société GRTgaz en milieu d'après-midi pour une livraison le lendemain. Ces contraintes ont conduit à la mise en place de mécanismes d'allocation de capacités de transport complémentaires entre les réseaux des zones Nord et Sud de la société GRTgaz pour une livraison le lendemain, correspondant, d'une part, à un produit spread Nord / Sud commercialisé en fin de journée et, d'autre part, à une enchère dite " JTS " (Joint Transport Storage) commercialisée en milieu d'après-midi.

11. L'agent enquêteur de la Commission de régulation de l'énergie a constaté que la société BPGM avait mis en œuvre sur la plateforme Powernext, au cours de la période du 1er octobre 2013 au 1er mars 2014, des stratégies présentant des éléments caractéristiques de la technique dite de " l'empilement ", qui correspond à l'émission d'ordres non authentiques à plusieurs niveaux de prix d'un côté du carnet d'ordres, dans le but d'influencer le comportement des autres acteurs pour réaliser ensuite, de l'autre côté du carnet d'ordres, une transaction à des conditions, de prix ou de volume, plus avantageuses. En l'espèce, le procès-verbal de constat a retenu que la société BPGM, qui disposait alors de besoins structurellement acheteurs sur le marché spot du PEG Sud, avait mis en œuvre une stratégie d'empilement à la vente destinée à exercer une pression à la baisse sur les prix. Pour établir le caractère non authentique des ordres passés par la société BPGM, l'agent enquêteur a identifié au cours de la période en litige 37 journées d'échange, portant sur des produits spot de type PEG Sud pour des maturités respectives de type " day-ahead ", " intraday " et " week-end ", durant lesquelles a été observée la combinaison, en tout ou partie, des comportements suspects suivants : l'émission d'ordres et / ou de transactions à la vente ; l'annulation d'ordres de vente peu de temps avant ou après avoir procédé à des transactions portant sur des volumes importants à l'achat ; des actions de type aller-retour dans un intervalle de temps court qui ne semblent pas suivre une logique économique rationnelle, notamment des achats effectués peu de temps avant l'émission d'ordres de vente à des niveaux de prix similaires ou inférieurs ; le retrait ou le décalage de prix d'ordres de vente afin de ne pas être au meilleur prix ; l'annulation d'ordres de vente lors de mouvements rapides de hausse des prix ; enfin, la présence ou le renforcement d'un empilement d'ordres à la vente après 14 heures. Le comité de règlement des différends et des sanctions a estimé que ces pratiques, mises en œuvre dans un marché caractérisé par une faible liquidité et par l'anonymat des ordres émis et qui portaient sur d'importants volumes de gaz, généralement cachés à l'achat par l'utilisation de la fonctionnalité " iceberg ", étaient susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l'abondance de l'offre et le prix du gaz naturel au cours des journées en cause et, comme telles constitutives de manipulations de marché au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous a), i) du règlement (UE) n° 1227/2011.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

12. Il résulte des dispositions énoncées au point 9 que l'infraction de manipulation de marché est caractérisée dès lors que la transaction effectuée ou l'ordre émis est susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l'offre, la demande ou le prix des produits énergétiques de gros, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si le comportement incriminé a effectivement produit cet effet ni s'il procède d'une intention manipulatoire. En particulier, une manipulation de marché peut être établie sur la base d'un faisceau d'indices concordants tirés de la combinaison ou de la réitération de comportements susceptibles de donner des indications trompeuses aux autres acteurs du marché.

13. Au cas d'espèce, les six types de comportements suspects décrits au point 11 et constatés au cours de 56 cas répartis sur 37 journées prises en compte dans la décision attaquée, qui ont été analysés au regard des conditions concrètes de fonctionnement du marché du PEG Sud, permettaient, compte tenu de leur combinaison ainsi que de leur réitération, d'établir que la société BPGM avait émis des ordres de vente sans avoir l'intention de les exécuter, ce qui était susceptible de conduire à des conditions de transaction avantageuses à l'achat en créant l'apparence artificielle d'une offre abondante, sans qu'il soit nécessaire de démontrer que ce comportement n'était explicable que par une manipulation de marché, à l'exclusion d'autres explications plausibles. En se fondant sur la réunion de tels éléments pour caractériser ce manquement et en relevant, au regard de ces constats, que la société ne démontrait pas la cohérence et la rationalité économique de ses interventions, le comité n'a ni commis d'erreur de droit, ni méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve et le principe de présomption d'innocence.

En ce qui concerne la qualification de manipulation de marché :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 13 que le comité a caractérisé l'existence d'une manipulation de marché pour chacun des 56 cas répartis sur 37 journées. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le comité aurait fondé son appréciation sur la seule répétition d'ordres d'annulation au cours de l'ensemble de la période visée.

15. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 13 que le fait que de nombreux ordres n'aient pas été exécutés constitue, combiné avec d'autres comportements, un indice de manipulation de marché, sans qu'il y ait lieu de prendre en compte la proportion d'ordres effectivement exécutés. Par suite, le comité n'a pas commis d'erreur de droit sur ce point.

16. En troisième lieu, lorsque le CoRDiS sanctionne un manquement en application des dispositions citées au point 9, le juge vérifie si la règle en cause est suffisamment claire, de sorte qu'il apparaisse de façon raisonnablement prévisible par les professionnels concernés, eu égard aux textes définissant leurs obligations professionnelles et à l'interprétation en ayant été donnée jusqu'alors par la CRE ou le CoRDiS, que le comportement litigieux constitue un tel manquement.

17. En l'espèce, la règle méconnue est suffisamment claire. Ni la circonstance que le règlement REMIT était en vigueur depuis seize mois lorsque les manquements allégués sont supposés avoir été commis, ni que sa méconnaissance par une autre société n'ait été sanctionnée pour la première fois que postérieurement aux faits litigieux, ni le fait que le comité exige a posteriori que la société mise en cause fasse la démonstration de la cohérence et de la rationalité économique de son comportement, ne font obstacle à ce que la sanction de sa méconnaissance puisse être regardée comme ayant été raisonnablement prévisible. Par suite, en estimant que le comportement de la société BPGM constituait un manquement, susceptible d'être sanctionné, à l'article 5 du règlement REMIT, le comité n'a pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines.

18. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit, notamment aux points 10, 11 et 13 que c'est sans erreur d'appréciation que le comité a estimé que le comportement de la société BPGM était constitutif d'une pratique de placement d'ordres sans intention de les exécuter.

19. Il résulte de ce qui précède que le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie a pu légalement estimer que la société BPGM avait procédé à des manipulations de marché, en méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie.

Sur le quantum de la sanction prononcée :

20. Aux termes de l'article 18 du règlement REMIT : " Les Etats membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en œuvre. Les sanctions prévues doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives et tenir compte de la nature, de la durée et de la gravité de l'infraction, du préjudice causé aux consommateurs et des gains potentiels tirés de la transaction sur la base d'informations privilégiées et d'une manipulation du marché. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 134-27 du code de l'énergie dans sa version applicable au litige : " (...) en cas de manquement constaté dans les conditions prévues à l'article L. 135-12, et après l'envoi d'une notification des griefs à l'intéressé, le comité peut prononcer à son encontre, en fonction de la gravité du manquement : / (...) si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale, une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés. / Ce montant ne peut excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes lors du dernier exercice clos (...) dans le cas d'un manquement aux obligations de transmission d'informations ou de documents ou à l'obligation de donner accès à la comptabilité, ainsi qu'aux informations économiques, financières et sociales prévues à l'article L. 135-1. (...) / Dans le cas des autres manquements, il ne peut excéder 8 % du chiffre d'affaires hors taxes lors du dernier exercice clos (...). "

21. En l'espèce, le comité a caractérisé la gravité de la pratique de la société BPGM par le fait qu'elle avait eu pour effet, au moins potentiel, d'entraver le libre fonctionnement du marché et de tromper les acteurs présents sur le marché au cours de la période concernée sur l'état de l'offre et de la demande sur la plateforme Powernext, qu'elle relevait d'une manipulation de marché au sens de l'article 2 du règlement REMIT et qu'elle avait été mise en œuvre sur 56 cas répartis sur 37 journées. La société BPGM n'est donc pas fondée à soutenir que le comité aurait insuffisamment motivé le montant de la sanction et sa publication au Journal officiel en omettant de prendre en compte la gravité du manquement.

22. Aux termes du premier considérant du règlement REMIT : " Il est important que les consommateurs et d'autres acteurs du marché puissent avoir confiance dans l'intégrité des marchés de l'électricité et du gaz, que les prix fixés sur les marchés de gros de l'énergie reflètent une interaction équilibrée et concurrentielle entre l'offre et la demande et que nul abus de marché ne puisse donner lieu à des profits. " Il en résulte que l'objectif de confiance des acteurs dans l'intégrité des marchés des produits énergétiques de gros constitue un des fondements de ce règlement, et qu'une atteinte à cette confiance constitue un préjudice aux consommateurs au sens de l'article 18 de ce même règlement, indépendamment d'un préjudice financier éventuel.

23. Compte tenu du caractère répété des comportements constitutifs d'une manipulation de marché, observés dans 56 cas répartis sur 37 journées d'échange durant la période du 1er octobre 2013 au 1er mars 2014, de leur effet potentiel sur les prix dans un contexte de marché peu liquide, de l'atteinte à la confiance des consommateurs qui en résulte, ainsi que du gain qui en a été tiré, évalué à 367 570 euros par l'agent enquêteur, la sanction pécuniaire d'un million d'euros prononcée à l'encontre de la société BPGM, qui représentait alors moins de 0,02 % de son dernier chiffre d'affaires connu, et sa publication au Journal officiel, ne sont pas disproportionnées. En outre, la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

24. Il résulte de toute ce qui précède que la requête de la société BPGM doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Société Bp Gas Marketing Limited est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société BP Gas Marketing Limited, à la Commission de régulation de l'énergie et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 janvier 2022 où siégeaient : M. Frédéric Aladjidi, président de chambre, présidant ; M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 2 février 2022.

Le président :

Signé : M. Frédéric Aladjidi

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Fischer-Hirtz

La secrétaire :

Signé : Mme B... A...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 438866
Date de la décision : 02/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2022, n° 438866
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Fischer-Hirtz
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:438866.20220202
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