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31/01/2022 | FRANCE | N°445691

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 31 janvier 2022, 445691


Vu la procédure suivante :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Drap (Alpes-Maritimes) en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires et de prononcer l'inéligibilité de M. C... D... pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2001403 du 25 septembre 2020, le tribunal administratif a rejeté sa protestation.

Par un mémoire sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 octobre et 26 nove

mbre 2020 et 23 mars 2021, Mme F... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Drap (Alpes-Maritimes) en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires et de prononcer l'inéligibilité de M. C... D... pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2001403 du 25 septembre 2020, le tribunal administratif a rejeté sa protestation.

Par un mémoire sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 octobre et 26 novembre 2020 et 23 mars 2021, Mme F... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit aux conclusions de sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. D... et de ses colistiers la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de Mme F... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du premier tour des élections municipales du 15 mars 2020 dans la commune de Drap (Alpes-Maritimes), la liste conduite par M. D... a été proclamée élue après avoir obtenu 60,63 % des suffrages exprimés. Mme F..., qui conduisait la liste " Drap ensemble ", laquelle a obtenu 39,36 % des suffrages exprimés, relève appel du jugement du 25 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales et à ce que M. D... soit déclaré inéligible pour une durée de trois ans.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 51 du code électoral, dans sa version applicable au litige : " Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe ".

3. Si Mme F... fait valoir que douze affiches appelant à voter en faveur de la liste conduite par M. D... étaient apposées dans les jours précédant le scrutin en dehors des emplacements spéciaux réservés à cet effet, il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que la plupart de ces affiches étaient apposées sur des panneaux d'affichage libre, ainsi que le permettent les dispositions précitées, et, d'autre part, que si quelques affiches ont été ponctuellement apposées en méconnaissance de ces mêmes dispositions, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, ne saurait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant pu vicier la sincérité des élections.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. / A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ".

5. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la poursuite de la diffusion, dans les six mois précédant le scrutin, du Journal de Drap, magazine municipal destiné à informer la population sur les réalisations et les actualités de la commune, puisse être regardée, eu égard à son contenu, dénué de toute polémique électorale, et nonobstant la circonstance que chaque numéro comporte un éditorial signé de M. D..., maire en exercice, et que le nom ou la photographie de ce dernier y apparaisse à plusieurs reprises, comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la commune dont l'organisation serait proscrite en application des dispositions précitées. Il en va de même de l'utilisation du réseau social " Facebook " à des fins de propagande électorale par l'équipe de M. D..., effectuée dans des termes et selon des modalités insusceptibles d'introduire une confusion dans l'esprit des électeurs avec la communication institutionnelle de la commune. D'autre part, si la diffusion de plusieurs tracts, dénommés " Flash'Info ", vantant les réalisations et la gestion de la commune par M. D... peut être regardée, eu égard à son contenu, comme une campagne de promotion publicitaire au sens du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral précité, nonobstant la circonstance qu'elle n'ait pas été financée par la commune, cette diffusion ne méconnaît pas l'interdiction posée par ces dispositions dès lors qu'elle entre dans le champ de la dérogation qu'elles prévoient et qui autorisent la présentation par un candidat du bilan de la gestion de son mandat. Enfin, la diffusion à l'ensemble des habitants de la commune, par l'équipe de M. D..., d'une brochure de 52 pages quelques jours avant le scrutin n'a pu, même en conjonction avec le précédent grief, porter atteinte à la sincérité du scrutin, alors que l'écart de voix constaté entre les candidats était de 347 voix pour 1670 votants.

6. En troisième lieu, si Mme F... fait valoir que M. D... et son équipe se sont livrés à des manœuvres frauduleuses en diffusant de fausses nouvelles et des bruits calomnieux concernant essentiellement les conditions dans lesquelles l'ancienne majorité municipale à laquelle elle appartenait aurait procédé à la cession de deux terrains de la commune en 2013, il ne résulte pas de l'instruction que les propos et agissements qu'elle met en cause aient dépassé les limites acceptables de la polémique électorale.

7. En quatrième lieu, l'article L. 11 du code électoral prévoit que sont notamment inscrits sur la liste électorale de la commune, à leur demande, tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou qui y habitent depuis six mois au moins, ainsi que leurs enfants de moins de 26 ans. Il n'appartient pas au juge de l'élection, en l'absence de manœuvre de nature à fausser les résultats du scrutin, d'apprécier si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement la condition de domicile exigée par ces dispositions.

8. Eu égard à l'écart de voix obtenues par les deux listes concurrentes, la circonstance, à la supposer établie, que trois électeurs auraient figuré sur les listes électorales de la commune en méconnaissance des dispositions précitées ne peut être regardée, en tout état de cause, comme une manœuvre de nature à fausser les résultats du scrutin.

9. En cinquième lieu, l'article L. 228 du code électoral prévoit notamment que " sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection ".

10. D'une part, la circonstance, à la supposer établie, que M. H..., inscrit en vingt-deuxième position sur la liste conduite par M. D..., serait inéligible faute de répondre aux conditions posées par l'article L. 228 du code électoral précité, ne saurait, en tout état de cause, être regardée, eu égard à l'écart de voix obtenues entre les deux listes concurrentes et à la place de l'intéressé sur la liste proclamée élue, comme une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que M. H..., dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il avait acquis sur le territoire de la commune un bien par la voie d'une vente en l'état futur d'achèvement, n'aurait pas été inscrit, à ce titre, au rôle des contributions de la commune ; de la circonstance qu'il aurait été exonéré d'une taxe est dès lors sans incidence sur son éligibilité à ce titre.

11. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que les premiers juges, dans les circonstances de l'espèce, n'ont pas méconnu leur office en ne précisant pas, dans leur décision, que la combinaison de l'ensemble des griefs qu'ils avaient retenus n'était, eu égard à l'écart de voix, pas susceptible d'avoir exercé un effet sur le résultat du scrutin, dès lors que cette appréciation se déduisait clairement de l'ensemble de la décision.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Drap en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires et à ce que M. C... D... soit déclaré inéligible pour une durée de trois ans. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... une somme au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme E... F..., à M. C... D..., à M. G... H... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 janvier 2022 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 31 janvier 2022.

Le président :

Signé : M. Fabien Raynaud

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme B... A...


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 445691
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 jan. 2022, n° 445691
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:445691.20220131
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