Vu la procédure suivante :
M. A... D... a demandé au tribunal des pensions de Limoges d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pensions militaires d'invalidité pour diverses infirmités. Par jugement n° 2017/4 du 15 mai 2019, le tribunal des pensions a accordé à M. D... un droit à pension au taux de 20 % à compter du 23 septembre 2010 pour l'affection " séquelles de coxarthrose droite traitée par prothèse de hanche, douleurs intermittentes avec limitation des activités sportives " et un droit à pension au taux de 15% pour l'affection " séquelles de lombosciatalgies traitées par cure de hernie discale L5-S1 ".
Par un arrêt n° 19/00002-3 du 28 octobre 2019, la cour régionale des pensions de Limoges a, sur appel de la ministre des armées et de M. D..., annulé partiellement le jugement du tribunal des pensions de Limoges et accordé une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité n° 3 : acouphènes bilatéraux, au taux d'invalidité de 10 %.
Par un pourvoi, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 30 décembre 2019, la ministre des armées demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,
- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ministre des armées a demandé à la cour régionale des pensions de Limoges l'annulation du jugement par lequel le tribunal des pensions de Limoges a annulé sa décision rejetant la demande de M. D... et reconnu imputable au service les " séquelles de coxarthrose droite traitée par prothèse de hanche, douleurs intermittentes avec limitation des activités sportives " et les " lombosciatalgies traitées par cure de hernie discale L5-S1 " dont souffre l'intéressé. M. D... a également fait appel du même jugement, en ce qu'il a confirmé la décision de rejet de sa demande de pension pour les acouphènes bilatéraux et ses hypoacousies bilatérales. Par un arrêt du 28 octobre 2019, la cour régionale des pensions a rejeté l'appel de la ministre et accordé à M. D... un droit à pension au titre des acouphènes bilatéraux au taux d'invalidité de 10 % à compter du 23 septembre 2010. La ministre des armées se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". En vertu de l'article L. L. 121-2 de ce code : " Est présumée imputable au service : 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; 4° Toute maladie constatée au cours d'une guerre, d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national, à compter du quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi du militaire dans ses foyers. En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'à compter du quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. "
3. Il résulte des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques.
4. En premier lieu, pour reconnaître à M. D... droit à pension au taux de 20 % pour la coxarthrose droite dont il souffre, la cour régionale des pensions de Limoges a retenu que cette pathologie se rattache par un lien direct et déterminant de cause à effet à la course de COVAPI (contrôle obligatoire de la valeur physique individuelle) du 13 novembre 2001, qu'elle a considéré comme un fait de service précis qui ne rentre pas dans les circonstances normales de service. Or il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'exercice de marche-course dite de Cooper, à laquelle l'intéressé a participé le 13 novembre 2001 est une modalité classique d'évaluation de l'aptitude physique des militaires, laquelle est obligatoire pour les militaires de moins de 50 ans. Les circonstances de la participation de l'intéressé à cette course, conjointe à celle d'autres militaires en service, se rattachent aux conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et ne peuvent être regardées ni comme un fait précis ni comme des circonstances particulières de service. C'est donc à tort que la cour régionale des pensions de Limoges s'est fondé sur la circonstance que cet exercice d'entraînement avait été réalisé hors conditions normales de service pour juger que l'affection était imputable au service.
5. En deuxième lieu, pour confirmer le taux d'invalidité de 15 % relatif à l'infirmité " lombosciatalgies traitées par cure de hernie discale L5-S1", la cour régionale des pensions de Limoges a souverainement constaté, sans dénaturer les pièces du dossier, que les lombosciatalgies traitées par cure de hernie discale dont souffre M. D..., sont apparues après le vol du 17 juillet 2006, avant de considérer que ce fait de service constituait la cause de cette infirmité. Toutefois, en se bornant à constater que les lombosciatalgies de l'intéressé sont apparues après ce vol pour juger que l'affection était imputable au service, sans démontrer qu'elles s'y rattachaient par un lien direct et certain, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
6. En dernier lieu, pour reconnaître à M. D... droit à pension au taux de 10 % pour les acouphènes bilatéraux dont il souffre, la cour régionale des pensions de Limoges a retenu que les entraînements à tirs réels sans protection auditive de M. D... lors d'une opération en République Centrafricaine en 1980 puis à Djibouti en 1982 et 1983 pouvaient être regardées comme une circonstance particulière de service permettant de l'indemniser au titre des infirmités invoquées. En déduisant de la seule exposition de M. D... à des nuisances sonores, qui constituent des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires de l'armée de terre sur un théâtre d'opération ou d'entraînement soumis, à cet égard, à des contraintes et sujétions identiques quelle que soit l'unité à laquelle ils appartiennent ou la mission qui leur est assignée, que la preuve de l'imputabilité à un fait précis de service des acouphènes était rapportée, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Limoges est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées, et à M. A... D....
Délibéré à l'issue de la séance du 7 janvier 2022 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.
Rendu le 31 janvier 2022.
Le président :
Signé : M. Fabien Raynaud
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme C... B...