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29/12/2021 | FRANCE | N°446541

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 29 décembre 2021, 446541


Vu la procédure suivante :

Par une requête et quatre autres mémoires, enregistrés les 17 novembre 2020 et les 17 février, 15 juin, 13 octobre et 8 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H... J... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 2 juin 2020 par laquelle le comité de sélection a établi une liste de trois candidats parmi les candidats auditionnés en vue du recrutement, par l'université d'Orléans, sur le poste n° 4432 de professeur des universités en mécanique, génie mécanique, génie

civil, la délibération du 26 juin 2020 par laquelle le conseil d'administration de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et quatre autres mémoires, enregistrés les 17 novembre 2020 et les 17 février, 15 juin, 13 octobre et 8 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H... J... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 2 juin 2020 par laquelle le comité de sélection a établi une liste de trois candidats parmi les candidats auditionnés en vue du recrutement, par l'université d'Orléans, sur le poste n° 4432 de professeur des universités en mécanique, génie mécanique, génie civil, la délibération du 26 juin 2020 par laquelle le conseil d'administration de l'université d'Orléans a donné un avis favorable à cette liste, la " décision " du 17 septembre 2020 du président de l'université lui indiquant son classement sur cette liste, ainsi que le décret du 23 octobre 2020 portant nomination et affectation (enseignements supérieurs) en tant qu'il nomme M. P... E... à ce poste ;

2°) de mettre à la charge de l'université d'Orléans la somme de 3 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le décret n° 2020-437 du 16 avril 2020 ;

- l'arrêté du 17 novembre 2008 fixant les modalités de recours aux moyens de télécommunication pour le fonctionnement des comités de sélection et pris pour l'application de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Vaiss, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. J... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'université d'Orléans et de M. P... E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier qu'en 2020, l'université d'Orléans a ouvert au recrutement, sous le n° 4432, un poste de professeur des universités en mécanique, génie mécanique, génie civil. Par une délibération du 2 juin 2020, le comité de sélection de cette université a établi, après audition de cinq candidats, une liste de trois candidats dans laquelle M. P... E... a été classé en première position et M. H... J..., maître de conférences en fonctions à l'université d'Orléans, figurait en deuxième position. Par une délibération du 26 juin 2020, le conseil d'administration de l'université siégeant en formation restreinte a émis un avis favorable à cette liste. Par décret du 23 octobre 2020 portant nomination et affectation (enseignements supérieurs), M. E... a été nommé professeur des universités sur le poste ainsi ouvert au recrutement par l'université d'Orléans. M. J... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du comité de sélection du 2 juin 2020, de la délibération du conseil d'administration de l'université siégeant en formation restreinte du 26 juin 2020, de la " décision " du 17 septembre 2020 par laquelle le président de l'université d'Orléans a indiqué à M. J... son classement par le comité de sélection et du décret du 23 octobre 2020 en tant qu'il nomme M. E... professeur des universités dans la spécialité " mécanique, génie mécanique, génie civil " à l'université d'Orléans.

Sur les conclusions à fins d'annulation de la " décision " du président de l'université d'Orléans du 17 septembre 2020 :

2. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 17 septembre 2020, le président de l'université d'Orléans, d'une part, a indiqué à M. J... que le classement établi par le comité de sélection n'était pas accessible sur l'application Galaxie entre le 30 juin 2020, date à laquelle le directeur de l'institut universitaire de technologie (IUT) d'Orléans avait opposé son veto au recrutement d'un professeur des universités sur le poste n° 4432, et le 21 juillet 2020, date à laquelle ce veto a été levé, et d'autre part, a informé l'intéressé que, dans le cadre de ce processus de recrutement, le comité de sélection l'avait classé deuxième. Eu égard à sa teneur, ce courrier est dépourvu de caractère décisoire et n'est, par suite, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Dès lors, les conclusions présentées par M. J... et tendant à l'annulation de la " décision " du président de l'université d'Orléans en date du 17 septembre 2020 sont irrecevables.

Sur les conclusions à fins d'annulation de la délibération du comité de sélection du 2 juin 2020, de la délibération du conseil d'administration du 26 juin 2020 et du décret du 23 octobre 2020 en tant qu'il nomme M. E... professeur des universités dans la spécialité " mécanique, génie mécanique, génie civil " à l'université d'Orléans :

3. Aux termes du quatrième alinéa de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences : " Les membres de comité de sélection peuvent participer aux réunions par tous moyens de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective selon des modalités précisées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Les membres qui participent par ces moyens aux séances du comité sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité mentionnés à l'alinéa précédent. Toutefois, le comité ne peut siéger valablement si le nombre des membres physiquement présents est inférieur à quatre ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 17 novembre 2008 fixant les modalités de recours aux moyens de télécommunication pour le fonctionnement des comités de sélection et pris pour l'application de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 : " Les moyens de visioconférence et de télécommunication utilisés doivent satisfaire à des caractéristiques techniques garantissant une participation effective aux réunions du comité de sélection, dont les délibérations doivent être retransmises à la ou aux personnes non présentes physiquement de façon continue. Ces moyens doivent permettre, en temps simultané, réel et continu, la transmission de la voix et de l'image des membres du comité de sélection et des candidats ". Aux termes de l'article 5 de ce même arrêté : " Pour garantir la participation effective des membres du comité de sélection, il convient de pouvoir identifier à tout moment les personnes participant à la réunion et de s'assurer que seules les personnes autorisées sont présentes dans les salles équipées de matériel de visioconférence. Chaque membre siégeant avec voix délibérative doit avoir la possibilité d'intervenir et de participer effectivement aux débats. / Les établissements publics d'enseignement supérieur doivent notamment s'assurer : / - d'un débit continu des informations visuelles et sonores ; / (...) - de l'authentification des participants aux réunions. ".

4. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 27 mars 2020 relative à l'organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 : " Sauf mentions contraires, les dispositions de la présente ordonnance sont applicables du 12 mars au 31 décembre 2020 inclus (...) à toutes les voies d'accès aux corps, cadres d'emplois, grades et emplois de la fonction publique ". Aux termes de l'article 5 de cette même ordonnance : " Nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, peuvent être prévues des dérogations à l'obligation de la présence physique des candidats ou de tout ou partie des membres du jury ou de l'instance de sélection, lors de toute étape de la procédure de sélection. Les garanties procédurales et techniques permettant d'assurer l'égalité de traitement des candidats et la lutte contre la fraude sont fixées par décret ". Aux termes de l'article 12 du décret du 16 avril 2020 pris pour l'application des articles 5 et 6 de l'ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 : " (...) II.- Le recours à la visioconférence doit satisfaire à des caractéristiques techniques garantissant : / 1° La transmission de la voix et de l'image du ou des candidats et du jury ou de l'instance de sélection en temps simultané, réel et continu (...) / Toute défaillance technique rencontrée lors de l'épreuve, de l'audition ou de l'entretien ainsi que les suites, prévues aux alinéas précédents, qui y ont été données, sont portées dans un procès-verbal. Le procès-verbal fait état, à sa demande, de la perception exprimée par le candidat dès la fin de l'épreuve, de l'audition ou de l'entretien, des conditions de déroulement de celle-ci ou de celui-ci ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Il ressort des pièces du dossier que le 2 juin 2020, le comité de sélection de l'université d'Orléans réuni pour le recrutement sur le poste de professeur des universités n° 4432 ouvert par cette université a procédé par visioconférence à l'audition de cinq candidats, chacune de ces auditions comprenant un exposé présenté par le candidat et un échange entre celui-ci et les membres du comité de sélection. M. J... soutient, sans être contredit, que les membres du comité de sélection, après une brève présentation de chacun d'entre eux, ont éteint leur caméra durant l'exposé qu'il a présenté, de sorte que, sur l'écran de son ordinateur, n'étaient affichées que des vignettes noires comportant uniquement les initiales des noms et prénoms des membres du comité de sélection, et que ceux-ci, à la demande expresse de l'intéressé, ont ré-ouvert leur caméra durant la phase d'échanges ayant suivi son exposé. Dès lors, l'audition de M. J... en visioconférence s'est déroulée sans que " la transmission de la voix et de l'image " des membres du comité de sélection ait eu lieu " en temps simultané, réel et continu ", ce qui ne lui a ainsi pas permis de pouvoir identifier à tout moment l'ensemble des membres du comité de sélection et de s'assurer de leur participation effective à l'audition. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, M. J..., alors même qu'il n'a pas apporté au procès-verbal de son audition de mentions relatives aux conditions de son déroulement, est fondé à soutenir que la délibération du comité de sélection du 2 juin 2020, adoptée à l'issue de cette audition qui s'est déroulée en méconnaissance des dispositions citées aux points 3 et 4, est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie, et à en demander l'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, celle de la délibération du conseil d'administration de l'université siégeant en formation restreinte du 26 juin 2020 et du décret du 23 octobre 2020 en tant qu'il nomme M. E... professeur des universités dans la spécialité " mécanique, génie mécanique, génie civil " à l'université d'Orléans.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. J... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université d'Orléans une somme de 3 000 euros à verser à M. J... au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La délibération du 2 juin 2020 du comité de sélection de l'université d'Orléans, la délibération du 26 juin 2020 du conseil d'administration de cette même université, la décision du 17 septembre 2020 du président de l'université d'Orléans et le décret du 23 octobre 2020 en tant qu'il nomme M. E... à l'université d'Orléans sont annulés.

Article 2 : L'université d'Orléans versera à M. J... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'université d'Orléans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. J... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. H... J..., à l'université d'Orléans, à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, au Premier ministre et à M. P... E....

Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2021 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du Contentieux, présidant ; Mme A... Q..., Mme D... O..., présidentes de chambre ; M. M... I..., Mme L... N..., Mme B... G..., Mme B... K..., M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et M. Pierre Vaiss, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 29 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Pierre Vaiss

La secrétaire :

Signé : Mme C... F...


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 446541
Date de la décision : 29/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2021, n° 446541
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Vaiss
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:446541.20211229
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