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29/12/2021 | FRANCE | N°439408

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 29 décembre 2021, 439408


Vu les procédures suivantes :

1° L'association Centre libre d'enseignement supérieur international (CLESI) a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 pour son établissement situé à La Garde (Var). Par un jugement n° 1701048 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19MA00017 du 4 février 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de l'association CLESI, annulé ce

jugement, déchargé l'association de la cotisation foncière des entreprises à l...

Vu les procédures suivantes :

1° L'association Centre libre d'enseignement supérieur international (CLESI) a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 pour son établissement situé à La Garde (Var). Par un jugement n° 1701048 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19MA00017 du 4 février 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de l'association CLESI, annulé ce jugement, déchargé l'association de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi, enregistré le 9 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 439408, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt.

2° L'association CLESI a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 pour son établissement situé à Béziers. Par un jugement n° 1802292 du 17 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19MA02948 du 4 février 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de l'association CLESI, annulé ce jugement, déchargé le CLESI de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi, enregistré le 9 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 439411, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt.

....................................................................................

3° L'association CLESI a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 pour son établissement situé à La Garde (Var), d'ordonner le sursis à paiement de l'impôt, d'ordonner le remboursement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre de l'année 2015 pour un montant de 12 267 euros et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice économique et matériel. Par un jugement n° 1601684 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA05543 du 4 février 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de l'association CLESI, annulé ce jugement, déchargé le CLESI de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi, enregistré le 9 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 439413, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association Centre libre d'enseignement international ;

Considérant ce qui suit :

1. Les trois pourvois du ministre présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association Centre libre d'enseignement supérieur international (CLESI), créée sous le régime de la loi de 1901, organise en France depuis 2012 des enseignements d'odontologie et de kinésithérapie en collaboration avec des universités européennes, permettant ainsi à des étudiants français n'ayant pas intégré la première année commune aux études de santé d'obtenir le cas échéant un diplôme européen leur permettant d'exercer en France les professions de chirurgien-dentiste ou masseur-kinésithérapeute. L'association a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 pour son établissement situé à La Garde (Var) et au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 pour son établissement situé à Béziers. Le tribunal administratif de Toulon, par deux jugements du 10 décembre 2018, et le tribunal administratif de Montpellier, par un jugement du 17 juin 2019, ont rejeté ses demandes. Par trois arrêts du 4 février 2020 contre lesquels le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ces jugements et déchargé le CLESI de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017.

3. Aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...) ". Les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés et de la contribution foncière des entreprises que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et que, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et de la cotisation foncière des entreprises si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

4. Par les arrêts attaqués, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que les services rendus par l'association CLESI étaient destinés à des étudiants qui ont échoué aux concours français de la première année commune aux études de santé ou estiment ne pouvoir les réussir, c'est-à-dire à une population d'étudiants différente de celle des établissements proposant des enseignements tendant à obtenir un diplôme délivré par les universités françaises, qui ne peut être obtenu qu'après la réussite aux concours de première année. En déduisant de cette circonstance que l'association exerçait son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, sans rechercher si elle s'adressait à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les arrêts du 4 février 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'association CLESI au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à l'association Centre libre d'enseignement supérieur international.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 novembre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. I... C..., M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. G... K..., M. H... E..., M. D... J..., M. B... L..., M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 29 décembre 2021.

La Présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Rose-Marie Abel

La secrétaire :

Signé : Mme A... F...


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 439408
Date de la décision : 29/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - ASSOCIATIONS - EXONÉRATION - NON-LUCRATIVITÉ [RJ1] - CAS D'UNE ASSOCIATION INTERVENANT DANS UN DOMAINE D'ACTIVITÉ ET DANS UN SECTEUR GÉOGRAPHIQUE OÙ EXISTENT DES ENTREPRISES COMMERCIALES - ESPÈCE.

19-03-045-01 Association créée sous le régime de la loi de 1901 organisant en France des enseignements d'odontologie et de kinésithérapie en collaboration avec des universités européennes, permettant ainsi à des étudiants français n'ayant pas intégré la première année commune aux études de santé d'obtenir le cas échéant un diplôme européen leur permettant d'exercer en France les professions de chirurgien-dentiste ou masseur-kinésithérapeute.......Cour ayant relevé que les services rendus par l'association étaient destinés à des étudiants qui ont échoué aux concours français de la première année commune aux études de santé ou estiment ne pouvoir les réussir, c'est-à-dire à une population d'étudiants différente de celle des établissements proposant des enseignements tendant à obtenir un diplôme délivré par les universités françaises, qui ne peut être obtenu qu'après la réussite aux concours de première année. ......Pour déterminer si l'association exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, il convient de rechercher si elle s'adresse à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - PERSONNES MORALES ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - ASSOCIATIONS - EXONÉRATION - NON-LUCRATIVITÉ [RJ1] - CAS D'UNE ASSOCIATION INTERVENANT DANS UN DOMAINE D'ACTIVITÉ ET DANS UN SECTEUR GÉOGRAPHIQUE OÙ EXISTENT DES ENTREPRISES COMMERCIALES - ESPÈCE.

19-04-01-04-01 Association créée sous le régime de la loi de 1901 organisant en France des enseignements d'odontologie et de kinésithérapie en collaboration avec des universités européennes, permettant ainsi à des étudiants français n'ayant pas intégré la première année commune aux études de santé d'obtenir le cas échéant un diplôme européen leur permettant d'exercer en France les professions de chirurgien-dentiste ou masseur-kinésithérapeute.......Cour ayant relevé que les services rendus par l'association étaient destinés à des étudiants qui ont échoué aux concours français de la première année commune aux études de santé ou estiment ne pouvoir les réussir, c'est-à-dire à une population d'étudiants différente de celle des établissements proposant des enseignements tendant à obtenir un diplôme délivré par les universités françaises, qui ne peut être obtenu qu'après la réussite aux concours de première année. ......Pour déterminer si l'association exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, il convient de rechercher si elle s'adresse à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires.


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant des critères de non-lucrativité, CE, Section, 1er octobre 1999, Association Jeune France, n° 170289, p. 285 ;

CE, 13 février 2013, Association groupe de plongée de Carantec, n° 342953, T. pp. 552-561-582.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2021, n° 439408
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rose-Marie Abel
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:439408.20211229
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