Vu la procédure suivante :
L'association Sainte-Anne et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2015 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a autorisé la société Travaux publics des Pays-de-la-Loire (TPPL) à exploiter une carrière et ses installations connexes sur le territoire de la commune de Mozé-sur-Louet, au lieu-dit Pont Chauveau.
Par un jugement n° 1600397 du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 18NT02025 du 20 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'association Sainte-Anne et M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 20 février et 24 juillet 2020 et 4 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Sainte-Anne et M. B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels ;
- le code de l'environnement ;
- le code minier ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,
- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association Sainte-Anne et autre et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Travaux publics des Pays-de-la-Loire ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 21 février 1975, la société Travaux publics des Pays-de-la-Loire (TPPL) s'est vu délivrer une autorisation d'exploiter une carrière de microgranite sur le territoire de la commune de Mozé-sur-Louet, au lieu-dit Pont Chauveau, sur un site déjà exploité auparavant. Postérieurement à cette autorisation, la société TPPL a bénéficié de plusieurs autorisations complémentaires. Le 31 mai 2012, elle a sollicité du préfet de Maine-et-Loire le renouvellement, pour une durée de trente ans, de l'autorisation d'exploitation qui lui avait été délivrée, en dernier lieu, le 4 décembre 2000. Par un arrêté du 25 novembre 2015, le préfet de Maine-et-Loire a accordé l'autorisation sollicitée. L'association Sainte-Anne et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 23 mars 2018, le tribunal a rejeté leur requête. L'association Sainte-Anne et M. B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur appel contre ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : (...) 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme. Dans le cas d'avis très volumineux, une consultation peut en être organisée par voie électronique dans les locaux de consultation du dossier ; / (...) " Aux termes de l'article L. 515-1 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Toute autorisation ou enregistrement d'exploitation de carrières est soumise, dans les vignobles classés appellation d'origine contrôlée, vin délimité de qualité supérieure, et dans les aires de production de vins de pays, à l'avis de l'Institut national de l'origine et de la qualité et de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer. ".
3. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances du dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de cette enquête publique que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'alors que la carrière dont la poursuite de l'exploitation était recherchée se situe à proximité de 563 hectares de vignoble en appellation d'origine contrôlée, l'avis de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) n'a pas été sollicité préalablement à l'ouverture de l'enquête publique et, par suite, n'a pas été versé au dossier soumis à cette enquête. Pour juger que l'absence de cet avis au dossier d'enquête publique n'avait pas nui à l'information de la population, la cour administrative d'appel s'est fondée, d'une part, sur le fait que l'autorisation attaquée n'avait pas pour effet d'étendre l'emprise de la carrière et que les conditions d'exploitation n'étaient pas substantiellement modifiées, et d'autre part, sur le fait que postérieurement à l'intervention de l'arrêté attaqué, le préfet avait saisi cet établissement, pour avis, par un courrier du 2 juin 2016, et qu'en l'absence de toute réponse, celui-ci devait être regardé comme ne s'opposant pas au projet. En prenant ainsi en compte un élément postérieur à l'arrêté attaqué afin d'apprécier si l'omission de l'avis de FranceAgrimer au dossier soumis à enquête publique avait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit. En estimant souverainement qu'il n'avait pas nui à l'information du public, il n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ". Le respect du principe de participation du public ainsi défini s'apprécie au regard des dispositions législatives prises afin de préciser, pour ce type de décisions, les conditions et les limites d'applicabilité de ce principe. Aux termes de l'article R. 123-13 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Pendant la durée de l'enquête, le public peut consigner ses observations, propositions et contre-propositions sur le registre d'enquête, établi sur feuillets non mobiles, coté et paraphé par le commissaire enquêteur ou un membre de la commission d'enquête, tenu à leur disposition dans chaque lieu où est déposé un dossier. / Les observations, propositions et contre-propositions peuvent également être adressées par correspondance au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête au siège de l'enquête, et le cas échéant, selon les moyens de communication électronique indiqués dans l'arrêté d'ouverture de l'enquête. Elles sont tenues à la disposition du public au siège de l'enquête dans les meilleurs délais. / (...) "
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a formé des observations dans le registre d'enquête publique le 6 février 2015, à l'appui desquelles il a produit différentes pièces dont un jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 7 décembre 2010 et une ordonnance du juge des référés de la cour d'appel d'Angers du 6 avril 2011. Il ressort par ailleurs des énonciations de l'arrêt attaqué que ces pièces ont été retirées pendant quatre jours du registre par le commissaire enquêteur afin qu'il puisse en prendre connaissance. En jugeant, par adoption des motifs du jugement du tribunal administratif de Nantes, que cette circonstance n'avait pas entaché la procédure d'irrégularité dès lors que ce retrait, intervenu au début de l'enquête publique, avait été de durée limitée et que les pièces avaient ensuite été consultables pendant plusieurs semaines, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
7. D'autre part, si les requérants soutenaient en appel, sans que ce point soit contesté, que le projet aurait donné lieu à une majorité d'observations défavorables au cours de l'enquête publique, cette observation ne constituait qu'un argument au soutien d'un autre moyen. Par suite, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier, ni insuffisamment motivé son arrêt en ne répondant pas expressément à cette argumentation pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe de participation du public et des dispositions des articles L. 110-1 et L. 120-1 du code de l'environnement, qui en précisent la portée.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 173-5 du code minier, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Tout titulaire d'un permis exclusif de recherches, d'une concession de mines ou d'une des autorisations prévues aux articles L. 124-4 et L. 134-4, tout titulaire d'une autorisation d'amodiation de titre minier peut, après mise en demeure, se voir retirer son titre ou son autorisation s'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Infractions graves aux prescriptions de police, de sécurité ou d'hygiène ou inobservation des mesures imposées en application de l'article L. 173-2 ; (...) / 7° Inobservation des conditions fixées dans l'acte institutif et non-respect des engagements mentionnés à l'article L. 132-2. " En jugeant que la circonstance que la société TPPL n'aurait pas respecté les prescriptions auxquelles elle était soumise dans le cadre des autorisations qui lui ont été antérieurement délivrées était sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral attaqué, alors au demeurant qu'elle n'était pas saisie d'un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 173-5 du code minier, la cour administrative d'appel administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
9. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, l'article 1er de son premier protocole additionnel stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ".
11. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'afin de prévenir les incidences que certaines installations sont susceptibles d'entraîner notamment pour la commodité du voisinage ainsi que pour la santé, la sécurité et la salubrité publiques, le législateur a instauré un régime complet, destiné notamment, préalablement à la délivrance d'une autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, à évaluer l'ensemble des incidences d'un projet sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, à consulter les autorités ou entités compétentes et intéressées et à soumettre ces différents éléments d'appréciation ainsi que l'ensemble des aspects du projet à la participation du public. Au terme de ces étapes préalables, dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation d'exploiter délivrée en application de l'article L. 512-1 du code de l'environnement des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. En revanche, dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de telles prescriptions ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation aux dispositions de l'article L. 511-1, il ne peut légalement délivrer cette autorisation.
12. D'autre part, il ressort des énonciations, non contestées sur ce point, de l'arrêt attaqué, que, s'agissant des nuisances sonores, l'arrêté du 25 novembre 2015 attaqué prévoit en son chapitre 3.5 " Bruits " des prescriptions destinées à ce que les installations soient " construites, équipées et exploitées de façon que leur fonctionnement ne puisse être à l'origine de bruits transmis par voie aérienne ou souterraine susceptibles de compromettre la santé ou la sécurité du voisinage ou de constituer une gêne pour la tranquillité de celui-ci ". Il fixe ainsi, en fonction du niveau de bruit ambiant existant, des valeurs d'émergence admissible des bruits émis par les installations à l'intérieur des locaux riverains habités ou occupés par des tiers, que les fenêtres soient ouvertes ou fermées et prévoit un contrôle annuel de la situation acoustique par une personne ou un organisme qualifié selon une procédure spécifique, pendant une phase représentative d'activité. S'agissant des vibrations provoquées par les tirs de mine, les prescriptions prévues limitent la charge instantanée d'explosif et fixent des valeurs à ne pas dépasser pour que les tirs de mine ne soient pas à l'origine de vibrations susceptibles d'engendrer, dans les constructions avoisinantes, des vitesses particulaires pondérées excessives, chaque tir devant en outre donner lieu à des mesures de vibration et à l'établissement par l'exploitant d'une fiche technique tenue à la disposition de l'inspection des installations classées. Enfin, s'agissant des poussières, l'arrêté attaqué fixe un ensemble de prescriptions destinées à limiter leur émission et leur propagation et prévoit que les émissions captées doivent être canalisées et dépoussiérées afin de maintenir une concentration du rejet pour les poussières inférieure à 30 mg/Nm3.
13. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, pour juger que l'intensité des nuisances auxquelles les riverains sont susceptibles d'être exposés en vertu de l'autorisation attaquée n'excède pas les niveaux autorisés et, par suite, ne caractérise pas une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 1er de son premier protocole additionnel, la cour administrative d'appel ne s'est pas bornée à reprendre les prescriptions ainsi fixées par l'arrêté du 25 novembre 2015 attaqué mais a en outre examiné, pour chacune des nuisances invoquées, les différents éléments versés au dossier, notamment les conclusions du commissaire enquêteur et les diverses pièces produites par les requérants, afin de déterminer si ces prescriptions permettaient d'assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Au terme de cette analyse exempte d'erreur de droit, elle n'a pas inexactement qualifié les faits d'espèce en jugeant que compte tenu des conditions d'exploitation de la carrière, les prescriptions ainsi contenues dans l'arrêté attaqué permettaient d'assurer une protection suffisante de ces intérêts et que les nuisances néanmoins susceptibles d'affecter les riverains ne conduisaient pas à les priver de la jouissance de leur domicile ou à porter atteinte à leur vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations par l'arrêté attaqué doivent être écartés.
14. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaitrait le principe de non-régression reconnu par l'article 2 de la Charte de l'environnement et l'article L. 110-1 du code de l'environnement est nouveau en cassation. Les requérants ne peuvent donc en tout état de cause l'invoquer utilement.
15. Il résulte tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association Sainte-Anne et autre une somme de 2 000 euros à verser à la société TPPL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'association Sainte-Anne et autre est rejeté.
Article 2 : L'association Sainte-Anne et autre verseront à la société Travaux publics des Pays-de-la-Loire une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Sainte-Anne, première requérante dénommée, à la société Travaux publics des Pays-de-la-Loire et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré à l'issue de la séance du 2 décembre 2021 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Pauline Hot, Auditrice-rapporteure.
Rendu le 29 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Cyril Roger-Lacan
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme C... D...