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23/12/2021 | FRANCE | N°449505

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 23 décembre 2021, 449505


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 8 février et le 3 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national unitaire de la Territoriale (SNUTER-FSU) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont rejeté sa demande du 8 octobre 2020 tendant à ce que soient adoptées " toutes les mesures qui s'imposent " pour permettre le rattachement au niveau de formation II de c

eux des diplômes mentionnés aux articles D. 451-29, D. 451-41, D. 451-47, D...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 8 février et le 3 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national unitaire de la Territoriale (SNUTER-FSU) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont rejeté sa demande du 8 octobre 2020 tendant à ce que soient adoptées " toutes les mesures qui s'imposent " pour permettre le rattachement au niveau de formation II de ceux des diplômes mentionnés aux articles D. 451-29, D. 451-41, D. 451-47, D. 451-52 et D. 451-57-1 du code de l'action sociale et des familles qui ont été obtenus à l'issue de formations engagées avant le 1er septembre 2018 ;

2°) d'enjoindre au pouvoir réglementaire de prescrire que soient prises les mesures demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2018-734 du 22 août 2018 ;

- le décret n° 2019-14 du 8 janvier 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat du Syndicat national unitaire de la Territoriale ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre du litige :

1. En vertu du deuxième alinéa de l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles, les diplômes et titres de travail social sont délivrés par l'Etat conformément aux dispositions du I de l'article L. 335-16 du code de l'éducation, désormais repris en substance à l'article L. 6113-5 du code du travail, qui prévoit que les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'Etat sont créés par décret et organisés par arrêté des ministres compétents. Le premier alinéa de l'article R. 451-1 du code de l'action sociale et des familles précise que les diplômes délivrés par l'Etat garantissant la qualification des professionnels et des personnels mentionnés à l'article L. 451-1 sont créés par décret et organisés par arrêté du ministre chargé des affaires sociales. Le premier alinéa du II de l'article L. 335-16 du code de l'éducation, également repris en substance à l'article L. 6113-5 du code du travail, crée en outre un répertoire national des certifications professionnelles, dans lequel les diplômes et titres à finalité professionnelle sont classés par domaine d'activité et par niveau, ceux délivrés au nom de l'Etat y étant enregistrés de droit. Cet enregistrement est prononcé, en vertu de l'article R. 335-20 du code de l'éducation alors applicable, par arrêté ministériel.

2. Tout d'abord, par un arrêté du 27 mars 2017 portant classification de certains diplômes du travail social selon la nomenclature des niveaux de formation, la ministre des affaires sociales et de la santé a prévu que les diplômes d'Etat, mentionnés respectivement aux articles D. 451-29, D. 451-41, D. 451-47, D. 451-52 et D. 451-57-1 du code de l'action sociale et des familles, d'assistant de service social, d'éducateur spécialisé, d'éducateur de jeunes enfants, d'éducateur technique spécialisé et de conseiller en économie sociale familiale obtenus à l'issue d'une formation entamée à compter de la rentrée scolaire de septembre 2018 seraient classés au niveau II de la nomenclature des niveaux de formation, correspondant à un niveau comparable à celui de la licence ou de la maîtrise selon la nomenclature approuvée le 21 mars 1969 par le groupe permanent de la formation professionnelle et de la promotion sociale, servant à la date d'édiction de l'arrêté à classer les certifications par niveau en application de l'article R. 335-13 du code de l'éducation, et non plus au niveau III, correspondant au niveau du diplôme des instituts universitaires de technologie, du brevet de technicien supérieur ou de fin de premier cycle de l'enseignement supérieur.

3. Ensuite, le décret du 22 août 2018 relatif aux formations et diplômes du travail social a modifié les dispositions régissant les mêmes diplômes, notamment pour prévoir que ces diplômes reposent sur l'acquisition d'un socle commun de connaissances et de compétences et que le grade de licence est conféré de plein droit à leur titulaire, en précisant à son article 3 que les formations préparant à ces diplômes engagées avant le 1er septembre 2018, et avant le 1er décembre 2020 pour le diplôme de conseiller en économie sociale familiale, ainsi que les modalités selon lesquelles ils sont délivrés, restent soumises aux dispositions antérieures. Un arrêté du 22 août 2018 de la ministre des solidarités et de la santé et de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, entré en vigueur le 1er septembre 2018, a précisé, en application de ce décret, les connaissances et les compétences du socle commun. Cinq arrêtés du même jour relatifs à ces diplômes respectifs, pris par les mêmes ministres, ont, à compter du 1er septembre 2018, ou du 1er septembre 2020 pour le diplôme d'Etat de conseiller en économie sociale familiale, classé chacun de ces diplômes au niveau II de la nomenclature, fixé les conditions d'accès à la formation y conduisant, précisé son contenu et son organisation, ainsi que les modalités des épreuves conférant le diplôme, et abrogé à compter du 1er septembre 2017 l'arrêté du 27 mars 2017 mentionné au point précédent.

4. Enfin, le décret du 8 janvier 2019 relatif au cadre national des certifications professionnelles a modifié la nomenclature des certifications professionnelles à compter du 1er janvier 2020. En vertu de ce décret, les niveaux III et II de la nomenclature servant jusqu'alors à classer les certifications correspondent désormais aux niveaux 5 et 6 du cadre national des certifications professionnelles défini à l'article D. 6113-19 du code du travail, issu de ce décret.

5. Par un courrier du 8 octobre 2020, le Syndicat national unitaire de la Territoriale (SNUTER-FSU) a demandé au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé d'adopter les mesures réglementaires propres à permettre aux titulaires des diplômes en cause acquis à l'issue des formations engagées avant le 1er septembre 2018 de bénéficier d'un rattachement de leur formation au niveau II de la nomenclature. Ce syndicat demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites rejetant sa demande.

Sur le litige :

6. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

7. Il ressort des pièces du dossier que le décret du 22 août 2018 et les arrêtés du même jour, mentionnés au point 3, modifient le contenu des cinq formations concernées par l'adjonction d'un socle commun de compétences et de connaissance, composé de compétences communes et de compétences partagées, les compétences communes étant identiques dans tous les diplômes et nécessaires à l'acquisition des compétences partagées, celles-ci intégrant des spécificités selon les métiers auxquels ces diplômes préparent. Les compétences communes portent sur l'histoire du travail social et des métiers, sur l'éthique et les valeurs en travail social, sur les connaissances des publics, sur l'initiation à la démarche de recherche, sur l'accès aux droits ainsi que sur la participation et la citoyenneté des personnes accompagnées. Les formations incluent également un enseignement de langue vivante étrangère et un enseignement relatif aux pratiques numériques. Le nombre d'heures de formation et le nombre d'épreuves sanctionnant l'obtention du diplôme sont accrus. L'organisation des formations est elle-même modifiée s'agissant de la composition des équipes pédagogiques, du rattachement des établissements dispensant les formations à des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ainsi que du suivi pédagogique. Il en va de même des modalités de composition des jurys.

8. Ainsi, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, les diplômes obtenus à l'issue d'une formation engagée après le 1er septembre 2018, ou après le 1er septembre 2020 s'agissant du diplôme d'Etat de conseiller en économie sociale familiale, ne peuvent être regardés comme délivrés à l'issue d'une formation identique et comme ne présentant pas de différence avec ceux obtenus à l'issue de formations engagées avant cette date. Dès lors, les titulaires de diplômes obtenus à l'issue de formations engagées après ou avant cette date sont dans une situation différente au regard du niveau de formation dont ils sont susceptibles de se prévaloir en vue, notamment, de poursuivre leur formation en master.

9. La différence de traitement consistant à classer au niveau II, devenu 6, les diplômes obtenus à l'issue d'une formation engagée après le 1er septembre 2018, ou avant le 1er septembre 2020 pour le diplôme d'Etat en économie sociale familiale, alors que ceux obtenus à l'issue d'une formation engagée antérieurement demeurent classés au niveau III, devenu 5, est ainsi fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la règlementation. Cette différence de traitement n'interdit pas aux titulaires de diplômes obtenus à l'issue de formations engagées antérieurement de poursuivre une formation en master au bénéfice, le cas échéant, de la validation des acquis de l'expérience qui leur est ouverte après un an d'activité par les articles D. 451-28-7 et D. 451-28-10 du code de l'action sociale et des famille, créés par le décret du 22 août 2018, et demeure sans incidence sur le fait que les intéressés, lorsqu'ils sont agents de la fonction publique territoriale, relèvent, quelle que soit la date à laquelle leur formation a été engagée, du même cadre d'emploi social, désormais de catégorie A, leur permettant de prétendre aux mêmes emplois d'encadrement. Elle n'est donc pas manifestement disproportionnée.

10. Par suite, le syndicat requérant n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que les décisions contestées méconnaîtraient le principe d'égalité. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

11. Enfin, si l'arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master prévoit que les unités d'enseignement validées donnent lieu à l'obtention de crédits européens et que la licence correspond à l'obtention de 180 crédits européens, il n'a pas pour objet de déterminer ce faisant les conditions selon lesquelles une formation correspondant à un tel nombre de crédits se voit attribuer le niveau de certification professionnelle prévu pour ce diplôme. Dès lors, la circonstance, à la supposer établie, que les diplômes acquis à l'issue des formations engagées avant les dates mentionnées au point 9 ne bénéficient pas du niveau de certification professionnelle prévu pour la licence alors qu'ils auraient permis d'acquérir 180 crédits européens ne méconnaît pas l'arrêté du 22 janvier 2014.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du SNUTER-FSU doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat national unitaire de la Territoriale dans la Fédération syndicale unitaire est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national unitaire de la Territoriale et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 décembre 2021 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 23 décembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 449505
Date de la décision : 23/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2021, n° 449505
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:449505.20211223
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