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21/12/2021 | FRANCE | N°456269

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 21 décembre 2021, 456269


Vu la procédure suivante :

Mme A... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de non-admission en filière médecine la concernant, ainsi que de la délibération du jury du parcours accès spécifique sante´ (PASS) de l'université de Paris se prononçant sur l'admission des candidats et leur classement, ensemble des décisions d'admission en deuxième année des étudiants prises en application de cette délib

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Vu la procédure suivante :

Mme A... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de non-admission en filière médecine la concernant, ainsi que de la délibération du jury du parcours accès spécifique sante´ (PASS) de l'université de Paris se prononçant sur l'admission des candidats et leur classement, ensemble des décisions d'admission en deuxième année des étudiants prises en application de cette délibération, d'autre part, d'enjoindre à l'université de Paris de réexaminer sa situation, de déterminer les modalités selon lesquelles les résultats aux deux groupes d'épreuves seront pris en compte pour établir les listes définitives d'admission, de procéder à l'organisation de nouvelles épreuves orales et d'établir un nouveau classement. Par une ordonnance n° 2117109/1 du 17 août 2021, le juge de référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 et 14 septembre et 5 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme de Jaeger demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Paris la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme de Jaeger et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de l'université de Paris ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que Mme Alix de Jaeger, étudiante inscrite en parcours accès santé spécifique (PASS) au titre de l'année universitaire 2020-2021 à l'université de Paris, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de non-admission en filière médecine de la deuxième année des études de santé la concernant, ainsi que de la délibération du jury du PASS se prononçant sur l'admission des candidats et leur classement, de même que des décisions d'admission en deuxième année des étudiants prises en application de cette délibération. Par une ordonnance du 17 août 2021 contre laquelle Mme de Jaeger se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande pour défaut d'urgence.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

4. Aux termes de l'article R. 631-1 du code de l'éducation : " I.-Les catégories de parcours de formation permettant d'accéder aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique sur le fondement du troisième alinéa de l'article L 631-1 sont les suivantes : / 1° Une formation du premier cycle de l'enseignement supérieur dans les conditions prévues au I de l'article R. 631-1-1 et de l'article R. 631-1-2 et conduisant à un diplôme national de licence dispensée dans une université comportant ou non une unité de formation et de recherche de médecine, de pharmacie, d'odontologie, une structure de formation en maïeutique ou une composante qui assure ces formations au sens de l'article L. 713-4 ; / 2° Une année de formation du premier cycle de l'enseignement supérieur spécialement proposée par les universités comportant une unité de formation et de recherche de médecine, de pharmacie, d'odontologie, une structure de formation en maïeutique ou une composante qui assure ces formations au sens de l'article L. 713-4. (...) / Les universités proposent aux candidats ayant validé le parcours de formation mentionné au 2°, mais ne poursuivant pas en deuxième année d'une formation de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique, une poursuite d'études dans un ou plusieurs parcours de formation relevant du 1°. / Les candidats n'ayant pas validé ou n'ayant validé que partiellement le parcours de formation mentionné au 2° participent à la procédure nationale de préinscription mentionnée au I de l'article L. 612-3 ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 631-1-1 du même code : " Tout candidat peut présenter deux fois sa candidature pour une admission dans les formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique sous réserve d'avoir validé au moins 60 crédits ECTS supplémentaires lors de sa seconde candidature ".

5. Il ressort des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a estimé que la condition d'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était pas remplie au motif que Mme de Jaeger pouvait présenter deux fois sa candidature à l'admission en deuxième année des études de santé et que, dès lors, le refus de l'admettre opposé lors de sa première tentative ne pouvait être regardé comme de nature à créer une situation d'urgence au sens de ces dispositions. En se fondant sur ce seul motif, qui ne peut à lui seul permettre d'écarter l'urgence, alors que, en application des dispositions citées au point 4, de première part, Mme de Jaeger ne peut redoubler dans la même formation de PASS au titre de l'année universitaire 2021-2022, de deuxième part, elle doit poursuivre ses études dans une formation dont les enseignements sont sensiblement différents de ceux qu'elle a suivis en PASS, de troisième part, il ne lui reste qu'une seule possibilité de présenter sa candidature pour une admission en deuxième année des études de santé, enfin, elle doit valider au moins soixante crédits ECTS [European Crédit Transfer System : système européen de transfert d'unités de cours capitalisables] supplémentaires avant de pouvoir présenter une seconde candidature, le juge des référés a omis d'apprécier l'ensemble des circonstances de l'espèce et a entaché son ordonnance d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme de Jaeger est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 17 août 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme de Jaeger, en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.

8. A l'appui de sa demande de suspension, Mme de Jaeger soutient principalement, pour démontrer que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie, que le refus de l'admettre en deuxième année des études de médecine obère ses chances d'y être admise à l'avenir et qu'il y a urgence à ce qu'il soit remédié aux irrégularités ayant entaché la procédure d'admission des étudiants en deuxième année des études de santé à l'université de Paris. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en premier lieu, que, dès lors que le nombre d'étudiants admis en deuxième année des études de santé (dit numerus apertus) fixé par l'université de Paris est limitatif, la suspension de l'exécution de la décision de non-admission concernant Mme de Jaeger et son éventuelle admission en filière médecine, aurait nécessairement pour effet d'affecter la situation d'étudiants admis en deuxième année des études de santé. En second lieu, la suspension de la délibération du jury du PASS de l'université de Paris se prononçant sur l'admission des candidats et leur classement aurait pour effet, d'une part, de remettre en cause les décisions d'admission notifiées aux étudiants de PASS, qui ont déjà réalisé leur stage infirmier au cours de l'été 2021 et commencé à suivre les enseignements de la deuxième année des études de santé, et, d'autre part, de rendre nécessaire l'organisation de nouvelles épreuves orales et l'établissement d'un nouveau classement, ce qui perturberait significativement l'organisation de la filière santé de l'université de Paris. Par suite, l'intérêt public s'oppose à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution des décisions contestées. Dans ces conditions, la condition d'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut plus, à la date de la présente décision, être regardée comme remplie.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande présentée par Mme de Jaeger, ni sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées, la demande de suspension de Mme de Jaeger doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme de Jaeger à l'encontre de l'université de Paris qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l'université de Paris.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 17 août 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme de Jaeger devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'université de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Alix de Jaeger et à l'université de Paris.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et Mme Thalia Breton, auditrice-rapporteure.

Rendu le 21 décembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Thalia Breton

La secrétaire :

Signé : Mme Romy Raquil


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 456269
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2021, n° 456269
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Thalia Breton
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:456269.20211221
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