La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2021 | FRANCE | N°438902

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 10 décembre 2021, 438902


Vu la procédure suivante :

La société Bertrandt France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1429107, 1429218 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la société Bertrandt France à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance et déchargé la sociét

de l'imposition en litige.

Par un arrêt n° 16VE03269 du 19 décembre 2019, l...

Vu la procédure suivante :

La société Bertrandt France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1429107, 1429218 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la société Bertrandt France à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance et déchargé la société de l'imposition en litige.

Par un arrêt n° 16VE03269 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement, a remis à la charge de la société Bertrandt France l'imposition en litige, sous réserve d'une réduction de base, et réformé le jugement du tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il avait de contraire à son arrêt.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 20 mai 2020 et le 23 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bertrandt France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Bertrandt France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Bertrandt, qui exerce l'activité de bureau d'études et d'améliorations techniques dans le domaine de la construction automobile, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'éligibilité au crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2007 des dépenses engagées dans le cadre de certains projets. Par un jugement du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008 à laquelle la société Bertrandt France, en sa qualité de société mère du groupe fiscal auquel appartient la société Bertrandt, a été assujettie à la suite de cette rectification. La société Bertrandt France demande l'annulation de l'arrêt du 19 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel du ministre de l'action et des comptes publics contre le jugement du 20 septembre 2016, a remis à sa charge l'imposition en litige.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article L. 45 B du même livre : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie ".

3. La cour a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans commettre d'erreur de droit au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, d'une part, que tant la proposition de rectification du 19 octobre 2010 que la réponse aux observations du contribuable du 20 septembre 2011 étaient suffisamment motivées dès lors qu'elles détaillaient les motifs de l'exclusion du crédit d'impôt recherche de certaines des dépenses engagées par la société Bertrandt et d'autre part, qu'eu égard à cette motivation, l'administration avait exercé le pouvoir d'appréciation qu'il lui appartenait de mettre en œuvre.

4. En second lieu, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2007 : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) qui exposent des dépenses de recherche peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à la somme : / a. D'une part égale à 10 % des dépenses de recherche exposées au cours de l'année, dite part en volume ; / b. Et d'une part égale à 40 % de la différence entre les dépenses de recherche exposées au cours de l'année et la moyenne des dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation hors tabac, exposées au cours des deux années précédentes, dite part en accroissement (...) ".

5. Pour déterminer le montant de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche, égale à 40 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours de l'année par rapport à la moyenne des dépenses de même nature des deux années précédentes, il convient de retenir le montant des dépenses des années antérieures tel qu'il aurait dû normalement être calculé par l'entreprise. Par suite, lorsque, à la suite d'un contrôle, l'administration rectifie le montant des dépenses éligibles au crédit d'impôt exposées au cours de l'année vérifiée, la moyenne des dépenses exposées les deux années précédentes doit être corrigée dans la même mesure, alors même que ces années seraient prescrites et que l'erreur sur le montant de ces dépenses serait imputable à l'entreprise.

6. Par suite, en jugeant qu'il ne résultait pas de la rectification du montant des dépenses éligibles au titre de l'année 2007 une obligation pour l'administration de corriger dans la même mesure le montant des dépenses éligibles au titre des années 2005 et 2006 pour la détermination de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2007, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il statue sur la part en accroissement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2007.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Bertrandt France, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 décembre 2019 est annulé en tant qu'il statue sur la part en accroissement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2007.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la société Bertrandt France la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Bertrand France est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Bertrandt France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 novembre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. G... F..., M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre; Mme A... L..., M. D... E..., Mme I... B..., M. J... C..., Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 10 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Martin de Lagarde

La secrétaire :

Signé : Mme H... K...


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 438902
Date de la décision : 10/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2021, n° 438902
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Martin de Lagarde
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:438902.20211210
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award