Vu la procédure suivante :
L'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 février 2018 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bourgogne Franche-Comté relative à la liste des organisations syndicales pouvant désigner un membre au sein des observatoires départementaux d'analyse et d'appui au dialogue social de la région en tant qu'elle autorise l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) à désigner un représentant au sein de l'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation de la Haute-Saône. Par un jugement n° 1800616, 1800617, 1800618 du 25 juillet 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 18NC02603 du 9 juillet 2020 la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté cette demande et annulé la décision du 9 février 2018 en tant qu'elle autorise l'UNSA à désigner un représentant au sein de l'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation de la Haute-Saône.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 8 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'UNSA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône ;
3°) de mettre à la charge de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Union nationale des syndicats autonomes et à Me Haas, avocat de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 2234-4 du code du travail : " Un observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation est institué au niveau départemental par décision de l'autorité administrative compétente. Il favorise et encourage le développement du dialogue social et la négociation collective au sein des entreprises de moins de cinquante salariés du département ". Aux termes de l'article L. 2234-5 de ce code : " L'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation est composé : / 1° De membres, salariés et employeurs ayant leur activité dans la région, désignés par les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau interprofessionnel et du département et par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national interprofessionnel et multiprofessionnel. Chaque organisation répondant à ces critères dispose d'un siège au sein de l'observatoire (...) ". Aux termes de l'article R. 2234-1 du même code : " L'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation est composé au plus de treize membres : / - jusqu'à six membres représentants des salariés ; / - jusqu'à six membres représentants des employeurs. / (...) ". Aux termes de l'article R. 2234-2 : " Le directeur régional des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi, sur proposition du responsable de l'unité départementale, publie tous les quatre ans la liste des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau départemental et interprofessionnel ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 9 février 2018, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bourgogne Franche-Comté a dressé la liste des organisations syndicales pouvant désigner un représentant au sein des observatoires départementaux d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation de la région. S'agissant, en particulier, de l'observatoire départemental de la Haute-Saône, il a autorisé à désigner un représentant la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) et la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC). Par un jugement du 25 juillet 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle autorise l'UNSA à désigner un représentant au sein de l'observatoire de ce département. L'UNSA se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône, annulé ce jugement et la décision du directeur régional du 9 février 2018 en tant qu'elle autorise l'UNSA à désigner un représentant au sein de l'observatoire départemental de la Haute-Saône.
3. Il résulte des dispositions citées au point 1 que seules les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau interprofessionnel et du département peuvent, dans la limite de six organisations par département, désigner un membre pour siéger au sein d'un observatoire départemental d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation. Il revient à l'autorité administrative compétente, chargée de dresser la liste des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau départemental et interprofessionnel, de prendre en considération à cette fin l'ensemble des critères de représentativité mentionnés à l'article L. 2121-1 du code du travail, c'est-à-dire le respect des valeurs républicaines, l'indépendance, la transparence financière, l'ancienneté dans le champ professionnel et géographique concerné, l'audience, l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience, et, enfin, les effectifs d'adhérents et les cotisations. Si elle doit, à ce titre, tenir compte de l'audience, déterminée en fonction des résultats aux élections professionnelles, les différents seuils d'audience auxquels le 5° de l'article L. 2121-1 du code du travail se réfère selon les niveaux de négociation sont sans objet et ne sont pas applicables.
4. Tout d'abord, il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour apprécier si l'UNSA avait vocation à siéger au sein de l'observatoire du département de la Haute-Saône, la cour a apprécié l'importance de son audience au vu des résultats des élections professionnelles dans ce département, sans faire application, contrairement à ce que soutient la requérante, d'aucun des seuils auxquels renvoie le 5° de l'article L. 2121-1 du code du travail. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la cour aurait, pour ce motif, commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 2234-5 de ce code.
5. Ensuite, en estimant que l'audience de l'UNSA, qui avait obtenu 2,82 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles dans le département de la Haute-Saône, pouvait être regardée comme faible, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis. Elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en ne déduisant pas que l'UNSA était représentative au niveau départemental et interprofessionnel de la seule circonstance que cette audience la plaçait au rang des six premières organisations syndicales de salariés du département.
6. En revanche, et alors que le ministre du travail faisait valoir devant elle que l'UNSA avait été regardée comme représentative au niveau départemental et interprofessionnel au vu de l'ensemble des critères de représentativité, en tenant compte également à ce titre, notamment, de son activité dans le département, qui n'était au demeurant pas contestée, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant qu'elle ne satisfaisait pas à la condition de représentativité posée à l'article L. 2234-5 du code du travail pour désigner un représentant au sein de l'observatoire départemental d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'UNSA est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'UNSA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Union départementale de la CGT-FO de la Haute-Saône une somme de 3 000 euros à verser à l'UNSA au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 9 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : L'Union départementale de la CGT-FO de la Haute-Saône versera à l'Union nationale de syndicats autonome une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des syndicats autonomes et à l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 octobre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la Section du Contentieux, présidant ; Mme A... M..., Mme D... L..., présidentes de chambre ; M. B... K..., Mme C... F..., Mme H... J..., M. I... G..., M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 19 novembre 2021.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Damien Pons
Le secrétaire :
Signé : Mme N... E...
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour le secrétaire du contentieux, par délégation :