La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2021 | FRANCE | N°447230

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 18 novembre 2021, 447230


Vu la procédure suivante :

Mme H... A... F... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, en premier lieu, de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution des deux arrêtés du 17 juillet 2020 par lesquels le recteur de l'académie de Nantes l'a affectée au collège Philippe Cousteau d'Ombrée d'Anjou (Maine-et-Loire) pour y effectuer un service à temps incomplet d'une durée hebdomadaire de sept heures et trente minutes, de la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'elle a formé contre ces a

ctes et sa demande tendant au maintien de son traitement à temps comp...

Vu la procédure suivante :

Mme H... A... F... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, en premier lieu, de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution des deux arrêtés du 17 juillet 2020 par lesquels le recteur de l'académie de Nantes l'a affectée au collège Philippe Cousteau d'Ombrée d'Anjou (Maine-et-Loire) pour y effectuer un service à temps incomplet d'une durée hebdomadaire de sept heures et trente minutes, de la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'elle a formé contre ces actes et sa demande tendant au maintien de son traitement à temps complet à compter du 1er septembre 2020 ainsi que l'exécution de son licenciement prononcé à la suite du refus qu'elle a opposé à la modification de son contrat, et en second lieu, d'enjoindre au recteur de l'académie de Nantes de procéder à la régularisation de sa situation administrative et financière, dans l'attente de la décision au fond. Par une ordonnance n° 2010035 du 23 novembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 et 21 décembre 2020 et le 23 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2014-940 du 20 août 2014 ;

- le décret n° 2016-1171 du 26 août 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme A... D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nantes que par deux arrêtés du recteur de l'académie de Nantes du 17 juillet 2020, Mme A... F..., professeure contractuelle dont le contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, conclu le 16 septembre 2019, prévoyait une durée de service de dix-huit heures hebdomadaires, a été affectée au collège Philippe Cousteau d'Ombrée d'Anjou (Maine-et-Loire) du 1er septembre 2020 au 31 août 2021, pour une quotité de service respectivement de quatre heures et de trois heures trente minutes, soit une quotité hebdomadaire totale de sept heures et trente minutes. A la suite du refus, par Mme A... F..., de la réduction de la quotité de travail prévue par son contrat à durée indéterminée, laquelle lui a été proposée par le rectorat dans des courriers datés du 17 juillet et du 25 août 2020 de façon à adapter les clauses de ce contrat aux arrêtés du 17 juillet 2020, l'intéressée a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution des deux arrêtés du recteur de l'académie de Nantes du 17 juillet 2020, de la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'elle a formé contre ces actes et sa demande tendant au maintien de son traitement à temps complet à compter du 1er septembre 2020 et de la décision par laquelle elle a été licenciée, révélée par une attestation du rectorat destinée à Pôle Emploi en date du 8 septembre 2020 mentionnant son licenciement au motif de la " baisse de quotité de travail ". Par une ordonnance du 23 novembre 2020, contre laquelle Mme A... F... se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Le premier alinéa de l'article R. 522-11 du code de justice administrative dispose que : " L'ordonnance du juge des référés porte les mentions définies au chapitre II du titre IV du livre VII. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 742-2 du code de justice administrative : " Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'au soutien de sa demande de suspension, Mme A... F... avait notamment fait valoir que le moyen tiré de ce que la réduction de la quotité de travail prévue par son contrat à durée indéterminée qui résultait des arrêtés du 17 juillet 2020 reposait sur une inexacte application des dispositions du 2° de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, sur le fondement desquelles sont son contrat à durée indéterminée avait été conclu, était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées. Toutefois, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés, qui a rejeté la demande de Mme A... F... au motif qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées, a omis de viser ce moyen. En outre, cette ordonnance ne mentionne pas la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dont elle a pourtant fait application. Par suite, le juge des référés a entaché son ordonnance d'irrégularité. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A... F... est donc fondée à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme A... F..., en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution des deux arrêtés du recteur de l'académie de Nantes du 17 juillet 2020 :

5. Il ressort des pièces du dossier que les deux arrêtés du recteur de l'académie de Nantes du 17 juillet 2020 ont affecté Mme A... F... au collège Philippe Cousteau d'Ombrée d'Anjou (Maine-et-Loire), pour un service hebdomadaire totale de sept heures et trente minutes, du 1er septembre 2020 au 31 août 2021. Par suite, la demande tendant à suspendre l'exécution de ces arrêtés, qui ne produisent plus d'effet, est devenue sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la décision implicite rejetant la demande de Mme A... F... tendant au maintien de sa rémunération :

6. Les dispositions du 3° du I de l'article 2 du décret du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré prévoient que le service d'enseignement maximum hebdomadaire des professeurs certifiés, adjoints d'enseignement et professeurs de lycée professionnel est de dix-huit heures. En vertu du premier alinéa de l'article 14 du décret du 26 août 2016 relatif aux agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans les écoles, les établissements publics d'enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l'éducation nationale, les obligations de service exigibles des agents contractuels entrant dans le champ d'application de ce décret et recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement sont les mêmes que celles définies pour les agents titulaires exerçant ces fonctions.

7. Ces dispositions, qui prévoient la quotité maximale hebdomadaire de service d'enseignement des agents contractuels recrutés dans les établissements publics d'enseignement du second degré pour exercer des fonctions d'enseignement, ne faisaient pas obstacle à ce que les deux arrêtés du 17 juillet 2020 du recteur de l'académie de Nantes attribuent à Mme A... F..., pour l'année scolaire 2020-2021, une quotité hebdomadaire de service inférieure à la quotité maximale qu'elles définissent. Par suite, Mme A... F... n'est pas fondée à soutenir que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° du I de l'article 2 du décret du 20 août 2014 et du premier alinéa de l'article 14 du décret du 26 août 2016 était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision implicite rejetant sa demande tendant au maintien de sa rémunération.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie de Nantes aux conclusions de Mme A... F... tendant à la suspension de l'exécution de la décision implicite rejetant sa demande tendant au maintien de sa rémunération, celles-ci doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la décision de licenciement de Mme A... F... :

9. Si le recteur de l'académie de Nantes soutient que le licenciement de Mme A... F... n'est pas intervenu et que l'attestation d'employeur destinée à Pôle Emploi est un acte préparatoire au licenciement, il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de l'attestation au nom de Mme A... F..., remplie par le rectorat de Nantes en date du 8 septembre 2020 et destinée à Pôle Emploi, que cette attestation a été établie de façon à ce que l'intéressée puisse faire valoir ses droits à la suite de son licenciement au motif de la " baisse de sa quotité de travail ", et doit ainsi être regardée comme révélant la décision de licencier l'intéressée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée aux conclusions de Mme A... F... tendant à ce que l'exécution du licenciement soit suspendue doit être écartée.

10. D'une part, il résulte des pièces du dossier que la décision de licencier Mme A... F... a pour effet de priver celle-ci de son traitement et porte à sa situation financière une atteinte grave et immédiate, que ne suffisent pas à compenser l'allocation de retour à l'emploi, et les revenus de son conjoint. La condition d'urgence fixée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit, par suite, être regardée comme remplie.

11. D'autre part, l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au cas d'espèce, prévoit les cas dans lesquels des agents contractuels peuvent être recrutés sur des emplois permanents à temps complet par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, au nombre desquels " 2° Lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, notamment : / a) Lorsqu'il s'agit de fonctions nécessitant des compétences techniques spécialisées ou nouvelles ; / b) Lorsque l'autorité de recrutement n'est pas en mesure de pourvoir l'emploi par un fonctionnaire présentant l'expertise ou l'expérience professionnelle adaptée aux missions à accomplir à l'issue du délai prévu par la procédure mentionnée à l'article 61 ; ". L'article 6 de la même loi dispose : " Les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet d'une durée n'excédant pas 70 % d'un service à temps complet, sont assurées par des agents contractuels. "

12. Si l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984, y compris dans sa rédaction résultant de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, permet, dans des cas limitativement énumérés, de recruter des agents contractuels sur des emplois permanents à temps complet et ainsi de déroger aux dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, en vertu desquelles, s'agissant de la fonction publique d'Etat, les emplois permanents à temps complet sont occupés par des fonctionnaires, cet article n'a ni pour objet, ni pour effet, de permettre le recrutement d'agents contractuels pour assurer des fonctions qui, tout en correspondant à un besoin permanent, impliquent un service pour une durée n'excédant pas 70 % d'un temps complet, un tel recrutement devant intervenir sur le fondement de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984.

13. Il ressort des pièces du dossier que la durée hebdomadaire de services de Mme A... F... résultant des arrêtés du recteur de l'académie de Nantes du 17 juillet 2020, qui s'élevait à sept heures et trente minutes, soit un service à temps incomplet d'une durée n'excédant pas 70 % d'un service à temps complet, impliquait que le rectorat propose à l'intéressée un contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite des arrêtés du recteur de l'académie de Nantes du 17 juillet 2020, le rectorat de Nantes a proposé à Mme A... F... de réduire la quotité de travail prévue par son contrat à durée indéterminée conclu pour un service à temps complet en septembre 2019, en signant un avenant au contrat conclu sur le fondement du 2° de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984. Par suite, le moyen tiré de ce que la réduction de la quotité de service hebdomadaire de Mme A... F... induite par les arrêtés du 17 juillet 2020 et correspondant à un service à temps incomplet d'une durée n'excédant pas 70 % d'un service à temps complet, reposait sur une inexacte application des dispositions du 2° de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, de sorte que Mme A... F... était fondée à la refuser, est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a, suite au refus de l'intéressée, procédé à son licenciement, ainsi que le révèle l'attestation du rectorat destinée à Pôle Emploi en date du 8 septembre 2020.

14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens présentés au soutien de ses conclusions relatives à la suspension de l'exécution de son licenciement, Mme A... F... est fondée à demander la suspension de la décision par laquelle le recteur de l'académie de Nantes l'a licenciée et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de la rétablir, dans le délai d'un mois, dans ses droits. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions du pourvoi tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme A... F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 23 novembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution des deux arrêtés du recteur de l'académie de Nantes du 17 juillet 2020.

Article 3 : L'exécution de la décision par laquelle Mme A... F... a été licenciée est suspendue.

Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de rétablir Mme A... F... dans les droits qu'elle tient du contrat à durée indéterminée conclu le 16 septembre 2019, dans un délai d'un mois.

Article 5 : L'Etat versera à Mme A... F... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la demande présentées par Mme A... F... est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme E... F... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 octobre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Thalia Breton, auditrice-rapporteure.

Rendu le 18 novembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : M. Mme Thalia Breton

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 447230
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2021, n° 447230
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Thalia Breton
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:447230.20211118
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award