La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2021 | FRANCE | N°439405

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 04 novembre 2021, 439405


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 18 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. D... C... dirigées contre l'arrêt du 4 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur les modalités de contrôle de son assignation à résidence consistant dans la fréquence des présentations à la brigade de gendarmerie, fixées par l'arrêté du 23 septembre 2016 du préfet de la Haute-Vienne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu : <

br>
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fonda...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 18 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. D... C... dirigées contre l'arrêt du 4 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur les modalités de contrôle de son assignation à résidence consistant dans la fréquence des présentations à la brigade de gendarmerie, fixées par l'arrêté du 23 septembre 2016 du préfet de la Haute-Vienne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D... C..., ressortissant palestinien, a fait l'objet, le 26 mai 2015, d'une mesure d'expulsion du territoire français décidée par le préfet du Bas-Rhin le 26 mai 2015. Par arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 26 mai 2015, puis du 29 octobre suivant, il a été assigné à résidence Par un arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 23 septembre 2016, il a été assigné à résidence avec obligation de présentation quatre fois par jour à des horaires déterminés à la gendarmerie tous les jours de la semaine et de demeurer, tous les jours entre 21 heures et 7 heures, dans les locaux où il réside.

2. Aux termes de l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 731-3 : " L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays peut faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence dans les conditions prévues à l'article L. 561-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 561-1 du même code, repris notamment aux articles L. 731-3, L. 732-1 et L. 732-4 : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence (...). / La décision d'assignation à résidence est motivée (...) / L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction judiciaire ou administrative du territoire prononcés en tout point du territoire de la République peut, quel que soit l'endroit où il se trouve, être astreint à résider dans des lieux choisis par l'autorité administrative dans l'ensemble du territoire de la République (...) ". Il revient au juge administratif de s'assurer que les obligations de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, susceptibles d'être imparties par l'autorité administrative sur le fondement de ces dispositions, sont adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent.

3. Alors que l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 23 septembre 2016 obligeait, en son article 2, M. C... à se présenter quatre fois par jour, à 9 heures 15, 11 heures 45, 15 heures 15 et 17 heures 45, à la brigade de gendarmerie de Saint-Junien, tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés ou chômés, la cour administrative d'appel de Bordeaux ne pouvait légalement conclure, en l'absence de tout élément avancé par l'administration pour justifier la nécessité d'une telle fréquence, que cet arrêté ne portait pas une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir. Dès lors, son arrêt doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. C... dirigées contre les modalités de contrôle de son assignation consistant dans la fréquence des présentations à la brigade de gendarmerie, fixées par l'arrêté du 23 septembre 2016.

4. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans cette mesure.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'arrêté du 23 septembre 2016, en ce qu'en son article 2, il a fait obligation à M. C... de se présenter quatre fois par jour à la brigade de gendarmerie de Saint-Junien, tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés ou chômés, a porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir de l'intéressé.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à en demander l'annulation dans cette mesure.

7. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 novembre 2019 est annulé en tant qu'il a statué sur les modalités de contrôle de l'assignation à résidence de M. C... consistant dans la fréquence des présentations à la brigade de gendarmerie, fixées par l'arrêté du 23 septembre 2016 du préfet de la Haute-Vienne.

Article 2 : L'arrêté du 23 septembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a assigné à résidence M. C... sur le territoire de la commune de Saint-Junien est annulé en tant qu'en son article 2, il lui a fait obligation de se présenter quatre fois par jour à la brigade de gendarmerie de Saint-Junien, tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés ou chômés

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 octobre 2021 où siégeaient : Mme A... F..., assesseure, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Clément Tonon, auditeur-rapporteur.

Rendu le 4 novembre 2021.

La Présidente :

Signé : Mme A... F...

Le rapporteur :

Signé : M. Clément Tonon

La secrétaire :

Signé : Mme E... B...


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 439405
Date de la décision : 04/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 nov. 2021, n° 439405
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:439405.20211104
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award