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26/10/2021 | FRANCE | N°430511

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 26 octobre 2021, 430511


Vu la procédure suivante :

La société civile de construction vente (SCCV) La Crête du Berger a demandé au tribunal administratif de Marseille de la décharger de l'obligation de payer résultant de deux avis à tiers détenteur correspondant à des cotisations supplémentaires de taxe départementale des espaces naturels sensibles qui ont été mises à sa charge au titre d'un permis de construire délivré le 23 décembre 2005 et d'un permis de construire modificatif délivré le 4 décembre 2006. Par un jugement n° 1402458 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseil

le a rejeté sa demande.

Par une décision n° 395458 du 28 juillet 2017, le...

Vu la procédure suivante :

La société civile de construction vente (SCCV) La Crête du Berger a demandé au tribunal administratif de Marseille de la décharger de l'obligation de payer résultant de deux avis à tiers détenteur correspondant à des cotisations supplémentaires de taxe départementale des espaces naturels sensibles qui ont été mises à sa charge au titre d'un permis de construire délivré le 23 décembre 2005 et d'un permis de construire modificatif délivré le 4 décembre 2006. Par un jugement n° 1402458 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par une décision n° 395458 du 28 juillet 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la société La Crête du Berger, a annulé ce jugement du 15 octobre 2015 du tribunal administratif de Marseille et lui a renvoyé l'affaire.

Par un jugement n° 1705502 du 4 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a de nouveau rejeté la demande de la société La Crête du Berger.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 mai et 19 juillet 2019 et le 14 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Crête du Berger demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la société civile de construction vente La Crête du Berger ;

Considérant ce qui suit :

1. La société civile de construction vente (SCCV) La Crête du Berger a obtenu un permis de construire pour l'édification d'une résidence de tourisme, délivré le 23 décembre 2005 par le maire d'Agnières-en-Dévoluy (Hautes-Alpes), ainsi qu'un permis modificatif délivré le 4 décembre 2006. A raison de chacun de ces deux actes, elle a été assujettie à la taxe départementale des espaces naturels sensibles par deux titres de recette successifs. Toutefois, constatant une erreur dans le taux de cette taxe qui avait été augmenté de 0,5 % à 2 % par une délibération du 25 janvier 2005 du conseil général des Hautes-Alpes, la direction départementale de l'équipement a émis un avis de supplément d'imposition le 12 novembre 2008 pour le permis de construire initial et un autre avis de supplément d'imposition du 11 mars 2010 pour le permis de construire rectificatif. La société La Crête du Berger ne s'étant pas acquittée de ces suppléments de taxe, le comptable public lui a notifié une mise en demeure valant commandement de payer le 27 mars 2011 et un commandement de payer le 14 octobre 2011, suivi de deux avis à tiers détenteur notifiés le 21 octobre 2013. La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après cassation de son premier jugement du 15 octobre 2015 par décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 28 juillet 2017, a, après renvoi, rejeté sa demande en décharge de l'obligation de payer résultant de ces actes de poursuite.

2. En omettant de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que l'administration n'avait pas établi l'existence de titres de recette prévus par l'article L. 255 A du livre des procédures fiscales, le tribunal a entaché son jugement d'une irrégularité. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, ce jugement doit être annulé.

3. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

4. Aux termes de l'article L. 255 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les taxes, versements et participations prévus aux articles 1585 A et 1599 octies du code général des impôts et les taxes mentionnées au 1° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme sont assis, liquidés et recouvrés en vertu d'un titre de recette individuel ou collectif délivré par le directeur départemental de l'équipement (...) ". Ces dispositions sont rendues applicables à la taxe départementale des espaces naturels sensibles par l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige. Il résulte de ces dispositions que la taxe locale d'équipement et les autres taxes d'urbanisme établies selon les mêmes règles dont la taxe départementale des espaces naturels sensibles sont assises, liquidées et recouvrées en vertu d'un titre de recette individuel ou collectif délivré par le directeur départemental de l'équipement ou le maire. Ces taxes font ensuite l'objet d'un avis d'imposition, distinct du titre de recette, qui a pour seule fonction d'informer le contribuable du montant de l'imposition mis à sa charge par le titre de recettes.

5. Il résulte de l'instruction que l'administration n'établit pas l'existence des titres de recette prévus par les dispositions précitées de l'article L. 255 A du livre des procédures fiscales, ayant fait l'objet des avis d'imposition des 12 novembre 2008 et du 11 mars 2010. Il s'ensuit que les actes de poursuite contestés des 27 mars et 14 octobre 2011 et du 21 octobre 2013 ne pouvaient valablement être pris. Dès lors, la société La Crête du Berger est fondée à demander la décharge de l'obligation de payer les sommes de 62 448 et de 12 746 euros correspondant aux suppléments de taxe départementale sur les espaces naturels sensibles en litige.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros à verser à la société La Crête du Berger au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des deux instances.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 4 mars 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La société La Crête du Berger est déchargée de son obligation de payer les sommes de 62 448 euros et de 12 746 euros correspondant aux suppléments de taxe départementale sur les espaces naturels sensibles mis à sa charge par les avis d'imposition des 12 novembre 2008 et du 11 mars 2010.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 6 000 euros à la société La Crête du Berger au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile de construction vente La Crête du Berger, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2021 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat, présidant ; M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 26 octobre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Martin de Lagarde

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 430511
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 oct. 2021, n° 430511
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Martin de Lagarde
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:430511.20211026
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