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20/10/2021 | FRANCE | N°452053

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 20 octobre 2021, 452053


Vu la procédure suivante :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Louis, d'autre part, de prononcer la suspension de l'élection de Mme E... M'Doihoma et de ses colistiers, puis, de rejeter le compte de campagne de Mme M'Doihoma et de la déclarer inéligible. Par un jugement n° 2000511 du 26 février 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa protesta

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Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les...

Vu la procédure suivante :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Louis, d'autre part, de prononcer la suspension de l'élection de Mme E... M'Doihoma et de ses colistiers, puis, de rejeter le compte de campagne de Mme M'Doihoma et de la déclarer inéligible. Par un jugement n° 2000511 du 26 février 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa protestation.

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 avril et 28 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Saint-Louis.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. F... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Saint-Louis, 33 sièges de conseillers municipaux et 16 sièges de conseillers communautaires ont été attribués à des candidats de la liste " Ensemble, réveillons notre ville " conduite par Mme M'Doihoma, qui a obtenu 44,21 % des suffrages exprimés, tandis que 7 autres sièges de conseillers municipaux et 3 sièges de conseillers communautaires ont été attribués à des candidats de la liste " Alliance pour le développement ", conduite par M. C..., qui a obtenu 31,52 % des suffrages exprimés, et 5 sièges de conseillers municipaux et 2 sièges de conseillers communautaires ont été attribués à des candidats de la liste " Visons l'excellence : ensemble, on y arrivera ! " conduite par M. G..., qui a obtenu 24,26 % des suffrages exprimés. M. F... relève appel du jugement du 26 février 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 106 du code électoral : " Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d'emplois publics ou privés ou d'autres avantages particuliers, faits en vue d'influencer le vote d'un ou de plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d'obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l'entremise d'un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d'entre eux à s'abstenir, sera puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros. / Seront punis des mêmes peines ceux qui auront agréé ou sollicité les mêmes dons, libéralités ou promesses ". S'il n'appartient pas au juge de l'élection de faire application de cette disposition en ce qu'elle édicte des sanctions pénales, il lui revient, en revanche, de rechercher si des pressions telles que définies par celle-ci ont été exercées sur les électeurs et ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

3. Il résulte de l'instruction que si, pendant le confinement décidé pour lutter contre l'épidémie de covid-19, l'association Saint-Louis La Rivière (SLR) Dan' Ker, présidée par Mme M'Doihoma, par ailleurs candidate tête de liste aux élections municipales et communautaires, a conclu le 29 mars 2020 une convention de partenariat avec la boulangerie La Tentation ainsi qu'avec la société Poudroux Fruits et Légumes et la société KIT M, afin de mettre en place une action intitulée " Livraison solidaire " ayant pour but de distribuer des produits de première nécessité tels que du pain et des fruits et légumes dans certains quartiers de Saint-Louis, ces distributions, qui visaient à apporter une aide aux habitants de quartiers isolés pour faire face aux difficultés suscitées par l'épidémie de covid-19 et le confinement, ne se sont pas accompagnées d'une mise en valeur particulière auprès du public de la participation de Mme M'Doihoma à ces distributions. Dès lors, M. F... n'est pas fondé à soutenir qu'elles devraient être regardées comme des dons ou libéralités en nature faits en vue d'influencer les électeurs, prohibés par les dispositions précitées de l'article L. 106 du code électoral.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 52-1 du même code : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. (...) ". Selon l'article L. 48-1 du même code, " Les interdictions et restrictions prévues par le présent code en matière de propagande électorale sont applicables à tout message ayant le caractère de propagande électorale diffusé par tout moyen de communication au public par voie électronique ".

5. M. F... soutient que la boulangerie-pâtisserie La Tentation a effectué une importante publicité de ses actions sur sa page Facebook au profit de l'association SLR Dan' Ker et de sa présidente Mme M'Dhoihoma. Il ressort toutefois des éléments produits par le requérant que les messages litigieux avaient trait à la distribution de colis alimentaires. Si le requérant fait valoir, sans le démontrer, que la boulangerie disposait de plus 3 700 abonnés sur sa page Facebook, il ne fait état que d'une photographie de Mme M'Dhoihoma sur cette page Facebook, prise lors d'une distribution de produits alimentaires, et d'un message de remerciements de la boulangerie à l'attention de l'association et de ses membres, qui ne mentionne pas sa présidente et a fait l'objet de 95 partages. Aucun élément produit ne révèle une mise en valeur de l'action personnelle de Mme M'Dhoihoma et ne caractérise une opération de propagande électorale interdite par les dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 52-8 du même code : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ". Ainsi qu'il a été vu au point 5, les livraisons de produits alimentaires mises en place par l'association et les trois sociétés signataires de la convention ne présentent par le caractère d'une opération de propagande électorale. Par suite, les signataires de cette convention n'ont pas participé au financement de la campagne électorale de Mme M'Dhoihoma et le moyen tiré de la violation de l'article L. 52-8 du code électoral doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa protestation.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... F....

Copie en sera adressée à Mme E... M'Doihoma, à M. I... C..., à M. D... G..., au ministre de l'intérieur et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2021 où siégeaient : M. Gilles Pellissier, assesseur, présidant ; M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat et Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 20 octobre 2021.

Le président :

Signé : M. Gilles Pellissier

La rapporteure :

Signé : Mme Mélanie Villiers

La secrétaire :

Signé : Mme B... H...


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 452053
Date de la décision : 20/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2021, n° 452053
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mélanie Villiers
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:452053.20211020
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