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20/10/2021 | FRANCE | N°449470

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 20 octobre 2021, 449470


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 26 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 10 novembre 2020 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de lui accorder la nationalité française ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Bouzidi, Bouhanna, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du

code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 26 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 10 novembre 2020 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de lui accorder la nationalité française ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Bouzidi, Bouhanna, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 21-2 du code civil : " L'étranger (...) qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité (...) ". L'article 21-4 du même code prévoit toutefois que : " Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 ou, si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée (...) ".

2. Aux termes de l'article 15 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française dans sa version applicable au litige : " (...) En France, dès la production du formulaire de souscription et des pièces justificatives prévues à l'article 14-1, l'autorité compétente procède à une enquête, effectuée par les services de police ou de gendarmerie territorialement compétents, et, après réception des conclusions de celle-ci, à un entretien avec le déclarant et son conjoint, destinés à vérifier la continuité de la communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux depuis le mariage, et à permettre d'apprécier s'il y a lieu de s'opposer à l'acquisition de la nationalité française pour indignité ou défaut d'assimilation autre que linguistique. (...) Dans les six mois suivant la souscription de la déclaration, l'autorité compétente transmet l'entier dossier, assorti de son avis motivé, au ministre chargé des naturalisations. Celui-ci peut faire procéder à toute enquête complémentaire, notamment sociale, qu'il estime utile quant à la situation du déclarant au regard des motifs permettant de s'opposer à ce qu'il acquière la nationalité française ".

3. M. B..., ressortissant tunisien, a souscrit le 7 mai 2019 une déclaration d'acquisition de la nationalité française à raison de son mariage avec une ressortissante française. Par le décret attaqué, le Premier ministre s'est opposé à l'acquisition de la nationalité française au motif que M. B... ne pouvait être regardé comme digne de l'acquérir.

4. En premier lieu, le décret attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est ainsi suffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, la circonstance que le décret attaqué n'ait pas été précédé de l'enquête complémentaire, prévue par l'article 15 du décret 30 décembre 1993, est, contrairement à ce qui est soutenu, sans incidence sur sa légalité dès lors que, s'il était loisible au ministre de l'intérieur de faire procéder à cette enquête, il n'était pas tenu de le faire à peine d'irrégularité de la procédure.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été informé des motifs de droit et de fait pour lesquels le Gouvernement a entendu s'opposer, sur le fondement de l'article 21-4 du code civil, à ce qu'il acquière la nationalité française. Il a été mis à même de produire des observations, qu'il a transmises à l'administration le 8 juillet 2020. Par suite, aucune disposition législative ou règlementaire n'imposant que soit communiquée à l'intéressé l'intégralité de son dossier, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière.

7. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose qu'un décret pris sur le fondement de l'article 21-4 du code civil vise l'entretien individuel prévu par l'article 15 du décret du 30 décembre 1993. Au demeurant, il ressort des termes du décret attaqué qu'il a été procédé à cet entretien. Par suite le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d'un vice de forme doit être écarté.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des indications circonstanciées données par le ministre de l'intérieur, fondées sur une note blanche du 7 mai 2021 versée au débat contradictoire, que M. B... a hébergé à deux reprises, pendant plusieurs mois en 2015, des personnes avant leur départ pour la Syrie afin de rejoindre Daech et entretient des contacts avec des personnes impliquées dans des procédures judiciaires pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. En estimant, à la date du décret attaqué, que ces faits, eu égard à leur gravité, ainsi que leur caractère récent, et même s'ils n'ont pas fait l'objet de poursuites pénales, rendaient M. B... indigne d'acquérir la nationalité française, le Premier ministre n'a pas fait, en l'état, une inexacte application des dispositions de l'article 21-4 du code civil. La circonstance que M. B... est bien intégré à la société française est, par ailleurs, sans incidence sur la légalité du décret attaqué.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 10 novembre 2020 par lequel le Premier ministre lui a refusé l'acquisition de la nationalité française. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 449470
Date de la décision : 20/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2021, n° 449470
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:449470.20211020
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