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20/10/2021 | FRANCE | N°438668

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 20 octobre 2021, 438668


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Essonne, d'une part, a décidé sa remise aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assignée à résidence, et d'enjoindre au préfet de l'Essonne, à titre principal, de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de 10 jours et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 10 jours. Par un jugement n° 1807927 du 19 novembre 2018,

le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 13 novembre...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Essonne, d'une part, a décidé sa remise aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assignée à résidence, et d'enjoindre au préfet de l'Essonne, à titre principal, de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de 10 jours et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 10 jours. Par un jugement n° 1807927 du 19 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 13 novembre 2018 portant assignation à résidence et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par une ordonnance n° 19VE01205 du 5 septembre 2019, le président-assesseur de la 7e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer sur l'appel de Mme A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 17 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi, Texier, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... A..., ressortissante ivoirienne née en 1994, a déposé le 14 septembre 2018 une demande d'asile auprès du préfet de l'Essonne. La consultation du système Eurodac a révélé que les empreintes digitales de l'intéressée avaient été relevées le 12 mars 2017 par les autorités italiennes, à l'occasion d'une demande de protection internationale de l'intéressée. Le 9 octobre 2018, les autorités italiennes, qui lui avaient accordé le bénéfice de la protection subsidiaire et un titre de séjour, ont rejeté pour ce motif la demande de reprise en charge de l'intéressée présentée en application du règlement (UE) n° 603/2013 par les autorités françaises, et les ont invitées à présenter le cas échéant une demande de réadmission dans le cadre approprié. Le préfet de l'Essonne, par deux arrêtés du 13 novembre 2018, a décidé de remettre Mme A... aux autorités italiennes dans le cadre d'une demande de réadmission et l'a assignée à résidence dans le département. Par un jugement du 19 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté assignant Mme A... à résidence, et rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté décidant de sa remise aux autorités italiennes et ses conclusions à fin d'injonction. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 5 septembre 2019 par laquelle le président-assesseur de la 7e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer sur son appel contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. ". Aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions, telle qu'éclairées par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, qu'un Etat membre ne peut valablement requérir un autre Etat membre au fin de reprendre en charge, dans le cadre des procédures définies par ce règlement, un ressortissant d'un pays tiers qui a introduit une demande de protection internationale dans ce premier Etat membre après s'être vu octroyer le bénéfice de la protection internationale par ce second Etat membre.

3. L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 572-1, dispose que : " (...) L'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. ".

4. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne qui est entré irrégulièrement en France " peut être remis aux autorités compétentes de l'État membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. ".

5. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée qu'elle se fonde, pour juger qu'il n'y a pas lieu à statuer sur la requête d'appel de Mme A..., sur les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au demande de transfert en application de ce règlement. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision attaquée a été prise non sur le fondement de ces dispositions, qui lui étaient au demeurant inapplicables, mais de celles de l'article L. 531-1 du même code précité. Mme A... est, par suite, fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée méconnaît le champ d'application de la loi et à en demander l'annulation.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il ressort du mémoire en défense du 29 juillet 2021 du ministre de l'intérieur que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a enregistré la demande d'asile présentée par Mme A... le 31 décembre 2020, qu'une attestation de demande d'asile lui a été délivrée et que l'arrêté du 13 novembre 2018 a été abrogé. Par suite, les conclusions de la requête d'appel de Mme A... étant devenues sans objet, il n'y a pas lieu d'y statuer.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la SCP Zribi, Texier, avocat de Mme A..., qui déclare renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance n° 19VE01205 du 5 septembre 2019 du président-assesseur de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles est annulée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête d'appel de Mme A....

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Zribi, Texier la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 438668
Date de la décision : 20/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2021, n° 438668
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:438668.20211020
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