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12/10/2021 | FRANCE | N°448270

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 12 octobre 2021, 448270


Vu les procédures suivantes :

Mme AJ... Debord a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune du Pré-Saint-Gervais. Par un jugement n° 2003551 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune du Pré Saint-Gervais.

1° Sous le n°448270, par une requête so

mmaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les...

Vu les procédures suivantes :

Mme AJ... Debord a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune du Pré-Saint-Gervais. Par un jugement n° 2003551 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune du Pré Saint-Gervais.

1° Sous le n°448270, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 30 décembre 2020, 8 mars, 8 avril et 23 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AD... F..., Mme C... Koné, M. APKoné T..., Mme BD..., M. AH... BC..., Mme B... AR..., M. AV... AF..., Mme AE... Doine, M. AW... Robinet, Mme AB... AT..., M. AY... AC..., Mme AA... S..., M. L... R..., Mme AZ... O..., M. M... AX..., Mme AQ... G..., M. W... H..., M. K... Z..., M. Serge Robineau, Mme BA..., Mme P... AO..., Mme J... V..., M. AL... Y..., M. AK... AS..., M. A... AI..., Mme X... AU... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme AJ... Debord la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n°448217, par une requête sommaire, une requête additionnelle et deux mémoires complémentaires enregistrés les 29 et 31 décembre 2020 et les 29 janvier et 23 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... N... demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. AD... F... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de M. F... et autres et de M. N... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de la minute du jugement attaqué, d'une part, qu'elle contient le nom des parties, et, d'autre part, qu'elle est signée du président, du rapporteur et du greffier. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 741-2 et R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.

3. Aux termes de l'article R. 741-1 du code de justice administrative : " Sous réserve des cas où elle est lue sur le siège, la décision est prononcée par sa mise à disposition au greffe de la juridiction. La liste des décisions mises à disposition au greffe de la juridiction est affichée le jour même dans les locaux de la juridiction. ". La circonstance que le jugement n'aurait pas été rendu public, à la supposer établie, est dépourvue d'incidence sur la régularité de ce jugement.

4. Aux termes de l'article R. 751-7 du code de justice administrative : " Les tiers peuvent se faire délivrer, dans les conditions et limites prévues à l'article L. 10-1, une copie simple de décisions précisément identifiées. / Les éléments permettant d'identifier les personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu'elles sont parties ou tiers, sont préalablement occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage. En tout état de cause, il est procédé à cette occultation lorsqu'elle a été décidée, pour ces personnes, en application des articles R. 741-14 ou R. 741-15 ". La circonstance que le greffe du tribunal administratif de Montreuil a procédé à l'occultation des éléments permettant d'identifier les personnes physiques mentionnées dans la copie du jugement communiquée à M. N... à sa demande, alors qu'il s'agissait, comme il le fait valoir, de personnes connues du public en tant que candidats à des élections, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L.O. 247-1 du code électoral, applicable aux communes de plus de 1 000 habitants : " les bulletins de vote imprimés distribués aux électeurs comportent, à peine de nullité, en regard du nom des candidats ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, l'indication de leur nationalité ". L'article R. 66-2 du même code dispose que : " Sont nuls et n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement : / 1° Les bulletins ne répondant pas aux prescriptions légales ou réglementaires édictées pour chaque catégorie d'élections (...) ". Il résulte des termes de ces articles que l'omission sur les bulletins de vote de l'indication de la nationalité des candidats ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France constitue une règle de présentation matérielle à caractère substantiel, dont la méconnaissance entache, à elle seule, les bulletins de nullité.

6. Il résulte de l'instruction que la première série de bulletins imprimés pour la " liste citoyenne du Pré Saint-Gervais " conduite par Mme Debord ne mentionnait pas la nationalité d'un des colistiers ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France. En application des dispositions citées au point 5, ces bulletins étaient nuls. Alertée le 11 mars 2020, Mme Debord a fait réimprimer une seconde série de bulletins comportant la mention manquante. Ces nouveaux bulletins réguliers, imprimés alors que les opérations d'envoi par voie postale des documents électoraux étaient allées à leur terme, ont été disposés sur les tables de vote le jour du scrutin du 15 mars 2020. En dépit de l'information apportée par Mme Debord à ses électeurs par voie d'affichage, sur sa page Facebook et sur le site d'informations municipales avant les opérations électorales, 42 bulletins de sa liste, sur un total de 302, ont été déclarés nuls lors du dépouillement du vote, du fait de l'utilisation par les électeurs du bulletin irrégulier qui leur avait été envoyé par voie postale.

7. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les démarches d'information, rappelées au point 6 et effectuées par la candidate l'avant-veille du scrutin, ont été suffisantes pour informer l'ensemble des électeurs de l'irrégularité des bulletins de vote envoyés par voie postale et de la nécessité d'utiliser ceux qui étaient mis à leur disposition le jour du scrutin dans le bureau de vote, alors au surplus que, dans le contexte de la crise sanitaire, les électeurs avaient été incités à utiliser les bulletins de vote qui leur avaient été adressés à domicile. Par suite, il ne peut être soutenu, en tout état de cause, que l'utilisation des bulletins invalidés découlait d'une erreur imputable aux seuls électeurs.

8. En second lieu, l'irrégularité d'un certain nombre de bulletins pour absence de mention de la nationalité d'un candidat de la liste, dont la diffusion aurait dû être refusée par la commission créée en application de l'article L. 241 du code électoral, peut, en l'absence de manœuvre, entraîner une incertitude tant pour le calcul de la majorité absolue des suffrages exprimés que pour le décompte des voix obtenues par les listes en présence.

9. Il résulte de l'instruction que la prise en compte des 42 bulletins entachés de nullité aurait modifié le calcul de la majorité absolue, la portant à 1 822 voix au lieu de 1801. Par suite, la liste de M. F..., qui a obtenu 1 807 voix à l'issue du premier tour, n'aurait pas été élue à l'issue de ce premier tour. Dans ces conditions, compte tenu du nombre des électeurs qui n'ont pas été en mesure d'exprimer valablement leur suffrage pour la liste conduite par Mme Debord, cette irrégularité entraîne une incertitude tant pour le calcul de la majorité absolue des suffrages exprimés que pour le décompte des voix obtenues par les listes en présence, alors même que la prise en compte des bulletins erronés serait sans incidence tant sur le nombre de représentants de cette liste au sein du conseil municipal que sur l'éventualité de sa présence au second tour. Ainsi, du fait de cette irrégularité, la sincérité du scrutin a été altérée. Par suite, M. F... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées dans la commune du Pré Saint-Gervais le 15 mars 2020.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... et autres et M. N... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 15 mars 2020, pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune du Pré Saint-Gervais.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme Debord qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que Mme Debord a présentées à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de M. F... et autres et de M. N... sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme Debord au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. AD... F..., premier requérant dénommé, à Mme AJ... Debord et à M. E... N....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 septembre 2021 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 12 octobre 2021.

Le Président :

Signé : M. Guillaume Goulard

La rapporteure :

Signé : Mme Juliana Nahra

La secrétaire :

Signé : Mme AM... BB...


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 448270
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 oct. 2021, n° 448270
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliana Nahra
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:448270.20211012
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