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07/10/2021 | FRANCE | N°451585

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 07 octobre 2021, 451585


Vu la procédure suivante :

La société Disgroup a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des pénalités et amendes correspondantes. Par un jugement n° 1603139 du 27 février 2019, le tribunal administratif de Rennes a déchargé la société, au titre de ces deux années, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rectifications appliquées aux ventes des produits dénommés préparation végétale

" Douce Amie " et " Chocosmart ", ainsi que des intérêts de retard et des amendes ...

Vu la procédure suivante :

La société Disgroup a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des pénalités et amendes correspondantes. Par un jugement n° 1603139 du 27 février 2019, le tribunal administratif de Rennes a déchargé la société, au titre de ces deux années, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rectifications appliquées aux ventes des produits dénommés préparation végétale " Douce Amie " et " Chocosmart ", ainsi que des intérêts de retard et des amendes afférents, et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 19NT01605 du 11 février 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril 2021 et 12 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Disgroup demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 12 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Disgroup demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de ce pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du b) du 1° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- la loi n°2011-1978 du 28 décembre 2011, ainsi que la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-645 DC du 28 décembre 2011 ;

- le décret n°76-692 du 13 juillet 1976 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société par actions simplifiée (SAS) Disgroup ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Disgroup, qui exerce une activité de grossiste en produits alimentaires, a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, résultant de l'application par l'administration fiscale du taux normal de cette taxe à des ventes de produits de chocolat, ainsi que de l'amende de 5 % prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. Par l'arrêt du 11 février 2021 contre lequel la société se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par elle contre le jugement du 27 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités et amendes relatifs aux produits dénommés préparation végétale " Douce Amie " et " Chocosmart ", et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article 278-0 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : / A. ' Les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur : / 1° (...) les produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception des produits suivants auxquels s'applique le taux prévu à l'article 278 : / (...) / b) Les chocolats et tous les produits composés contenant du chocolat ou du cacao. Toutefois le chocolat, le chocolat de ménage au lait, les bonbons de chocolat, les fèves de cacao et le beurre de cacao sont admis au taux réduit de 5,5 % ; (...) ". Ces dénominations de vente sont définies à l'annexe I au décret du 13 juillet 1976 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires, en ce qui concerne les produits de cacao et de chocolat destinés à l'alimentation humaine.

4. A l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, la société requérante soutient que le b) du 1° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts méconnait les principes constitutionnels d'égalité devant l'impôt et d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, d'une part, en ce qu'il exclut par principe les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur le chocolat du champ d'application du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux produits destinés à l'alimentation humaine, et, d'autre part, en ce qu'il institue entre les différents produits de chocolat une différence de taux injustifiée.

5. Le Conseil constitutionnel a été saisi, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011. Les requérants contestaient notamment la conformité à la Constitution des dispositions de son article 13, qui a créé et inséré l'article 278-0 bis dans le code général des impôts. Dans les considérants 5 à 10 de sa décision du 28 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 13. L'article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article conforme à la Constitution. Par suite les dispositions du b) du 1° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts ont déjà été déclarées conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Ainsi, et alors qu'aucun changement de circonstances survenu depuis cette décision n'est de nature à justifier que la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel, et alors même que cette décision ne s'est pas expressément prononcée sur le moyen tiré de la violation des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, ce moyen doit être écarté, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

Sur les autres moyens du pourvoi :

6. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

7. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la société Disgroup soutient que la cour administrative d'appel de Nantes :

- l'a insuffisamment motivé et a commis une erreur de droit en jugeant que les produits " 3614 Reno Latte 34 % ", " 5619 Chocolat lait Corail 35 % ", " 1010 Reno Latte 34 % " et " 970 Reno Lactee Caramel " n'entraient pas dans la catégorie " chocolat de ménage au lait ", et a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que ces mêmes produits, ainsi que les produits " 3615 Reno Bianco ", " 5620 Chocolat blanc perle 28 % " n'entraient pas dans la catégorie " bonbon au chocolat " ;

- a appliqué le b) du 1° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts alors que ces disposition méconnaissent le principe d'égalité garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en tant d'une part, qu'il exclut par principe les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur le chocolat du champ d'application du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux produits destinés à l'alimentation humaine, et, d'autre part, en ce qu'il institue entre les différents produits de chocolat une différence de taux injustifiée ;

- a appliqué ces mêmes dispositions du code général des impôts, alors qu'elles méconnaissent le principe de neutralité fiscale inhérent au système européen de taxe sur la valeur ajoutée.

8. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Disgroup.

Article 2 : Le pourvoi de la société Disgroup n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Disgroup et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 451585
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2021, n° 451585
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451585.20211007
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