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07/10/2021 | FRANCE | N°437867

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 07 octobre 2021, 437867


Vu la procédure suivante :

La société BNP Paribas a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos de 1999 à 2003. Par une ordonnance n° 0803463 en date du 4 octobre 2013, le président de la 2ème chambre de la 1ère section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA04417 en date du 8 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a donné acte à la société BNP Paribas du désistement de

ses conclusions relatives à l'exercice clos en 1999 et de ses conclusions relati...

Vu la procédure suivante :

La société BNP Paribas a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos de 1999 à 2003. Par une ordonnance n° 0803463 en date du 4 octobre 2013, le président de la 2ème chambre de la 1ère section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA04417 en date du 8 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a donné acte à la société BNP Paribas du désistement de ses conclusions relatives à l'exercice clos en 1999 et de ses conclusions relatives aux exercices clos de 2000 à 2003 à concurrence d'un montant de 17 858 611 euros, et d'autre part, a annulé l'ordonnance attaquée en tant qu'elle avait rejeté pour irrecevabilité le surplus de ses conclusions.

Par une décision n° 403356 en date du 28 janvier 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la société BNP Paribas contre l'arrêt précité, a annulé son article 3 et renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un nouvel arrêt n° 13PA04417 en date du 21 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a accordé à la société BNP Paribas la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle avait acquittées au titre des exercices clos de 2000 à 2003, à concurrence de la somme totale de 127 463 579 euros, mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la société.

Par un pourvoi enregistré le 22 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de limiter la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés acquittées par la société BNP Paribas à la somme de 100 192 071 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de société BNP Paribas ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société BNP Paribas, société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, a demandé la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés acquittées à raison du résultat d'ensemble du groupe au titre des exercices 1999 à 2003, correspondant à l'avoir fiscal auquel elle estimait avoir droit en application des dispositions alors en vigueur de l'article 158 bis du code général des impôts, à raison de dividendes versés à certaines de ses filiales membres du groupe et à elle-même par des sociétés ayant leur siège dans d'autres Etats membres de l'Union européenne. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur renvoi après cassation d'un premier arrêt par une décision du Conseil d'Etat du 28 janvier 2019, a accordé à la société BNP Paribas la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle avait acquittées au titre des exercices clos de 2000 à 2003, à concurrence de la somme totale de 127 463 579 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant que le montant de la restitution retenu par la cour comprend une somme de 26 607 760 euros correspondant à des impôts acquittés à raison de dividendes de source italienne versés à la société BNP Paribas Arbitrage dans le cadre d'une activité de prêt de titres dite de " stock lending ". Par un pourvoi incident la société BNP Paribas demande l'annulation du même arrêt en tant qu'il lui a refusé, à hauteur d'une somme évaluée à 411 797 euros, la restitution d'impôts prélevés à raison de dividendes reçus par plusieurs de ses filiales autres que la société BNP Paribas Arbitrage.

Sur le pourvoi du ministre :

2. En premier lieu, lorsqu'une société se prévaut, à l'appui d'une demande de restitution d'impôt sur les sociétés acquitté à raison de la distribution à l'une de ses filiales intégrées d'un dividende issu d'une société implantée dans un autre Etat membre de l'Union européenne, de l'impôt effectivement versé par cette société à raison des résultats ainsi distribués, il y a lieu de prendre en compte les stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et cet Etat dès lors que celle-ci prévoit la restitution lors de la distribution de ce dividende d'un crédit d'impôt prévu par la législation de cet Etat. Dans cette hypothèse le montant de l'avoir fiscal auquel la société peut prétendre en France doit être arrêté après déduction du montant du crédit d'impôt attaché à ce dividende dont elle a obtenu ou aurait pu obtenir la restitution auprès des autorités fiscales de cet Etat.

3. Aux termes du a) du paragraphe 4 de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne : " Un résident de France qui reçoit des dividendes distribués par une société résidente d'Italie, qui donneraient droit à un " crédit d'impôt " s'ils étaient reçus par un résident d'Italie, a droit à un paiement du Trésor italien égal à ce " crédit d'impôt ", diminué de la retenue à la source au taux prévu au paragraphe 2-b), lorsqu'il s'agit: / (...) ii) d'une société, autre que celles visées au paragraphe 2-a), qui inclut le montant brut des dividendes dans la base de l'impôt français sur les sociétés. (...) ". Les sociétés visées par ces dispositions sont celles détenant moins de 10 % du capital de la société qui paie les dividendes.

4. Pour juger qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte d'un crédit d'impôt italien pour le calcul de l'avoir fiscal auquel la société BNP Paribas pouvait prétendre en France, la cour administrative d'appel de Paris a relevé qu'une transaction avait été conclue le 26 septembre 2014 entre la société BNP Paribas Arbitrage et les autorités fiscales italiennes excluant le bénéfice de tout crédit d'impôt attaché aux dividendes perçus dans le cadre de son activité de " stock lending ". La cour a ensuite relevé que l'administration ne contestait pas sérieusement que la société BNP Paribas ne pouvait pas légalement prétendre en Italie à la restitution d'un crédit d'impôt attaché à ce type de dividendes pour les années en cause. Ainsi, en intégrant au montant total des restitutions dues à raison des impôts acquittés en Italie sur les dividendes perçus par la société BNP Paribas Arbitrage la somme évaluée par le ministre à 26 607 760 euros, la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, ni entaché son arrêt d'erreur de droit.

5. En deuxième lieu, la société BNP Paribas ne peut bénéficier d'un avoir fiscal au titre de dividendes reçus par l'une de ses filiales intégrées provenant d'un autre Etat membre de l'Union européenne que si ces distributions remplissent les conditions posées par le droit interne à l'attribution de l'avoir fiscal.

6. Il résulte des dispositions des articles 158 bis, 158 ter et 209 bis du code général des impôts, alors en vigueur et relatives à l'avoir fiscal, que celui-ci était exclusivement attaché aux produits distribués par une société à ses associés à titre de dividendes, en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires ou porteurs de parts, dans les conditions prévues par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. L'octroi d'un avoir fiscal est ainsi subordonné à la condition que les produits distribués par la filiale établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne aient le caractère de dividendes alloués en vertu d'une décision régulière des organes compétents de cette société.

7. Le moyen tiré de ce que, dans le cadre de son activité de prêt de titres, la société BNP Paribas Arbitrage ne pouvait être considérée comme actionnaire des sociétés italiennes dont elle encaissait les dividendes et de ce que, par conséquent, les conditions fixées par les dispositions mentionnées au point précédent n'étaient pas remplies, est nouveau en cassation et, par suite, sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué. En ne soulevant pas d'office ce point, la cour n'a, par ailleurs, ni méconnu son office, ni entaché son arrêt de contradiction de motifs.

8. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêt litigieux que la cour a estimé, au vu de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise établi par le cabinet Ernst et Young à partir des données financières disponibles, telles que les rapports annuels des sociétés distributrices, que les sommes perçues par la société BNP Paribas Arbitrage devaient être regardées, selon toute vraisemblance, comme des distributions ordinaires de dividendes. Pour le calcul de l'avoir fiscal attaché aux dividendes d'origine italienne reçus par cette filiale dans le cadre de son activité de prêt de titres, elle a retenu, pour les motifs exposés au point 4, que l'administration n'était pas fondée à demander qu'il soit tenu compte d'un crédit d'impôt italien. Ce faisant, compte tenu des termes de la transaction conclue entre la société BNP Paribas Arbitrage et l'administration fiscale italienne, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas méconnu son office.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1 et 2 de l'arrêt attaqué.

Sur le pourvoi incident de la société BNP Paribas :

10. Pour écarter la demande de restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté à raison des dividendes perçus par les filiales de la société BNP Paribas autres que la société BNP Paribas Arbitrage, savoir les sociétés SCI, SFA, SGCF, BNP Paribas Equities France, BNP Paribas SA, BNP Paribas Securities Services, Cortal Consors, Cardif RD, Natio Vie et Cardif SA, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la société BNP Paribas n'apportait aucun élément sur le taux d'imposition appliqué et sur le montant de l'impôt acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales de ces sociétés installées dans d'autres États membres de l'Union européenne d'une part, et qu'elle ne justifiait pas de l'impossibilité matérielle de produire ces justificatifs d'autre part. Si la société BNP Paribas soutient que, contrairement à ce qu'a jugé la cour, le rapport d'expertise réalisé par le cabinet Ernst et Young pouvait être utilisé pour partiellement documenter lesdites distributions, il ressort du dossier d'appel que le détail de la demande de restitution correspondant à ces dividendes, évaluée à la somme de 411 797 euros, n'a été précisément formalisé devant la cour que dans une note en délibéré en date du 18 octobre 2019 produite postérieurement à la clôture de l'instruction. Dans ces conditions, la cour a pu estimer, sans dénaturer les pièces du dossier dont elle était saisie, que la société ne justifiait pas, à ce titre, du bien-fondé de sa demande de restitution.

11. Il suit de là que la société BNP Paribas n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que le montant de la restitution qu'il retient n'intègre pas les impôts étrangers acquittés au titre des distributions reçues par ses filiales autres que la société BNP Paribas Arbitrage.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société BNP Paribas au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de la société BNP Paribas présentées par la voie du pourvoi incident et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et la société BNP Paribas.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 437867
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2021, n° 437867
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Guiard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:437867.20211007
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