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06/10/2021 | FRANCE | N°445737

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 06 octobre 2021, 445737


Vu la procédure suivante :

Mme E... C... et M. B... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de l'arrêté du 6 juin 2019 par lequel le maire de Nogent-sur-Marne a délivré un permis de construire à M. F... A....

Par une ordonnance n° 2008138 du 14 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Par un pourvoi, enregistré le 28 octobre 2020, Mme C... et M. D... demandent au Conseil d

'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de suspendre ...

Vu la procédure suivante :

Mme E... C... et M. B... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de l'arrêté du 6 juin 2019 par lequel le maire de Nogent-sur-Marne a délivré un permis de construire à M. F... A....

Par une ordonnance n° 2008138 du 14 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Par un pourvoi, enregistré le 28 octobre 2020, Mme C... et M. D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de suspendre l'exécution de l'arrêté du maire de Nogent-sur-Marne en date du 6 juin 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Benabent, avocat de Mme C... et de M. D..., et au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d'aménager ou de démolir ne peut être assorti d'une requête en référé suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. / La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite ".

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. La construction d'un bâtiment autorisée par un permis de construire présente un caractère difficilement réversible. Par suite, lorsque la suspension de l'exécution d'un permis de construire est demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d'urgence est en principe satisfaite ainsi que le prévoit l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme. Il ne peut en aller autrement que dans le cas où le pétitionnaire ou l'autorité qui a délivré le permis justifie de circonstances particulières. Il appartient alors au juge des référés, pour apprécier si la condition d'urgence est remplie, de procéder à une appréciation globale de l'ensemble des circonstances de l'espèce qui lui est soumise

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 6 juin 2019, le maire de Nogent-sur-Marne a délivré un permis de construire à M. F... A.... Par une ordonnance du 14 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté la demande, fondée sur l'article L. 521-1 du code de justice administrative, présentée par Mme C... et M. D... tendant à la suspension de l'exécution de ce permis de construire. Mme C... et M. D... se pourvoient en cassation contre cette ordonnance.

4. Pour rejeter cette demande de suspension, le juge des référés, devant lequel les requérants faisaient valoir que la préparation du chantier avait commencé et que le début des travaux était imminent, s'est fondé sur leur absence de diligence pour le saisir compte tenu du délai de plusieurs mois s'étant écoulé depuis l'enregistrement de leur recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire. En estimant que cette seule circonstance était de nature à renverser la présomption d'urgence prévue par l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme, le juge des référés a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme, citées au point 1, que l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés dans le cadre du recours au fond dirigé contre un permis de construire a pour effet de rendre irrecevable l'introduction d'une demande en référé tendant à la suspension de l'exécution de ce permis.

8. Aux termes de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense (...) ". Il résulte de ces dispositions que la cristallisation des moyens qu'elles prévoient intervient à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense produit dans l'instance par l'un quelconque des défendeurs.

9. Il résulte des éléments versés au dossier que la demande de Mme C... et de M. D... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire délivré à M. A... a été enregistrée le 19 novembre 2019 et que le délai de deux mois au terme duquel intervient la cristallisation des moyens a commencé de courir le 9 mars 2020, date de la communication aux parties du premier mémoire produit par l'un des défendeurs à l'instance, en l'occurrence celui du pétitionnaire. Par suite, à la date à laquelle Mme C... et M. D... ont présenté leurs conclusions aux fins de suspension, soit le 12 octobre 2020, le délai fixé pour la cristallisation des moyens était expiré, y compris en tenant compte de sa prorogation par l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant l'état d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette période. Dans ces conditions, la demande en référé tendant à la suspension du permis délivré à M. A... était, à la date à laquelle elle a été introduite, irrecevable par application de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme. Elle ne peut, par suite, qu'être rejetée.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de Mme C... et de M. D... une somme de 750 euros à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A....

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance n° 2008138 du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 14 octobre 2020 est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme C... et M. D... devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun et le surplus de leurs conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : Mme C... et M. D... verseront une somme de 750 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... D..., représentant unique désigné, à M. F... A... et à la commune de Nogent-sur-Marne.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 445737
Date de la décision : 06/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 oct. 2021, n° 445737
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP BENABENT ; CABINET MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445737.20211006
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