Vu la procédure suivante :
M. et Mme A... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 26 mars 2020 par lequel le maire de Chauffry a accordé à M. D... un permis de construire un bâtiment à usage de stockage équipé d'une chambre froide. Par une ordonnance n° 2003798 du 12 juin 2020, le juge des référés a suspendu l'exécution de cet arrêté.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 13 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. et Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A..., la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Vaullerin, auditrice,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 26 mars 2020, le maire de la commune de Chauffry (Seine-et-Marne) a délivré à M. D... un permis de construire en vue de la construction d'un bâtiment à usage de stockage équipé d'une chambre froide. Par une ordonnance du 12 juin 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a, sur demande de M. et Mme A..., suspendu l'exécution de cet arrêté. M. D... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur l'intérêt pour agir de M. et Mme A... :
3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
4. Pour faire droit à la demande tendant à la suspension de l'exécution du permis de construire délivré le 26 mars 2020 par le maire de Chauffry, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a, aux termes d'une ordonnance suffisamment motivée, relevé que M. et Mme A... avaient la qualité de voisins immédiats du projet de construction et que celui-ci était de nature à préjudicier de manière suffisamment grave à leur situation. En l'absence de contestation par les défendeurs de l'intérêt à agir des requérants et au vu des pièces du dossier soumis au juge des référés, celui-ci n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant que M. et Mme A... justifiaient d'un intérêt suffisant à agir pour demander l'annulation de ce permis.
Sur l'urgence :
5. En vertu de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite s'agissant d'une requête en référé suspension d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir. En l'absence d'éléments tendant à établir que les travaux étaient achevés ou de circonstances faisant ressortir qu'un intérêt particulier s'attachait à l'achèvement rapide des travaux, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit, et a suffisamment motivé son ordonnance, en constatant que la condition d'urgence était remplie.
Sur les moyens de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée :
6. En premier lieu, en l'absence de toute production de la partie défenderesse, il appartient au juge des référés d'apprécier le bien-fondé des moyens présentés devant lui et susceptibles de créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en tenant compte des faits exposés par le requérant à la lumière des pièces du dossier. Le juge des référés, après avoir relevé que ni la commune de Chauffry, ni le bénéficiaire du permis de construire litigieux n'avaient produit de mémoire en défense, n'a ainsi pas commis d'erreur de droit en procédant à un examen du bien-fondé de chacun des moyens soulevés devant lui au vu des pièces du dossier qui lui était soumis, et en retenant plusieurs d'entre eux comme propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité la décision litigieuse.
7. En deuxième lieu, pour ordonner la suspension de l'arrêté du 26 mars 2020 du maire de Chauffry, le juge des référés a, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, désigné plusieurs moyens qui lui paraissaient susceptibles, en l'état de l'instruction, de fonder l'annulation de ces décisions, tirés de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué et de la méconnaissance du règlement national d'urbanisme, en particulier de la violation des articles R. 111-8, R. 111-12, R. 111-17 et R. 111-29 du code de l'urbanisme, et des articles R. 111-2, R. 111-3 et R. 111-14 du même code. En mentionnant avec précision ceux des moyens qu'il retenait, le juge des référés a suffisamment motivé son ordonnance et n'a pas méconnu son office.
8. En troisième lieu, le juge des référés a estimé que le moyen tiré de l'incompétence du maire pour délivrer le permis de construire litigieux était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté, du fait de la délégation de cette compétence à la communauté d'agglomération Coulommiers-Pays de Brie par délibération du conseil communautaire en date du 27 septembre 2018. Toutefois, il ressortait des pièces du dossier soumises au juge des référés que cette délibération confiait à la communauté d'agglomération l'instruction des demandes d'autorisations d'urbanisme mais ne constituait pas une délégation de compétence pour accorder ou refuser ces autorisations. Par suite, en jugeant que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté, alors que le maire de Chauffry n'avait pas délégué sa compétence à la communauté d'agglomération, le juge des référés a commis une erreur de droit.
9. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qui lui étaient soumises qu'eu égard à son office, le juge des référés aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en retenant comme de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des arrêtés litigieux, les moyens tirés de la méconnaissance de certaines dispositions du règlement national d'urbanisme, en particulier des articles R. 111-2, R. 111-3, R. 111-8, R. 111-12, R. 111-14, R. 111-17 et R. 111-29 du code de l'urbanisme. Ce motif suffit à justifier l'ordonnance de suspension. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation de cette ordonnance doivent être rejetées ainsi que les conclusions de M. D... tendant à ce que, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme soit mis à la charge de M. et Mme A....
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. D... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... D..., à M. et Mme B... A... et à la commune de Chauffry.