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04/10/2021 | FRANCE | N°437893

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 04 octobre 2021, 437893


Vu les procédures suivantes :

1°, Sous le n° 437893, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 janvier et 24 juillet 2020 et 18 janvier et 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 8 janvier 2020 par laquelle l'Autorité des marchés financiers lui a retiré l'agrément qui lui avait été délivré le 20 octobre 2004 en qualité de société de gestion de portefeuille, ensemble la d

écision du 9 mars 2020 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge d...

Vu les procédures suivantes :

1°, Sous le n° 437893, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 janvier et 24 juillet 2020 et 18 janvier et 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 8 janvier 2020 par laquelle l'Autorité des marchés financiers lui a retiré l'agrément qui lui avait été délivré le 20 octobre 2004 en qualité de société de gestion de portefeuille, ensemble la décision du 9 mars 2020 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°, Sous le n° 439490, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mars et 24 juillet 2020 et 18 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 mars 2020 par laquelle le collège de l'Autorité des marchés financiers a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 8 janvier 2020 prononçant le retrait de son agrément en qualité de société de gestion de portefeuille ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi et Texier, avocat de la Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de la Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne étant dirigées contre des décisions ayant le même objet, il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

2. Par une lettre du 8 janvier 2020, le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a informé la Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne que, lors de sa séance du 17 décembre 2019, le collège de l'Autorité avait décidé de retirer l'agrément qui lui avait été délivré le 20 octobre 2004 en qualité de société de gestion de portefeuille au motif, d'une part, que la société n'était pas dirigée effectivement par deux personnes, d'autre part, qu'elle ne démontrait pas disposer de fonds propres réglementaires placés en actifs liquides. Par un courrier du 9 mars 2020, le président de l'AMF a informé la même société du rejet du recours gracieux qu'elle avait formé contre la décision de retrait d'agrément. La Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne demande l'annulation de ces deux décisions.

3. Aux termes du II de l'article L. 532-9 du code monétaire et financier : " II. - Les sociétés de gestion de portefeuille sont agréées par l'Autorité des marchés financiers. / Pour délivrer l'agrément à une société de gestion de portefeuille, l'Autorité vérifie si celle-ci : / (...) 2. Dispose d'un capital initial suffisant ainsi que des moyens financiers adaptés et suffisants ; / (...) 4. Est dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate à leur fonction, en vue de garantir sa gestion saine et prudente (...) ". Aux termes du I de l'article 321-11 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : " I. - Les fonds propres d'une société de gestion de portefeuille doivent être placés dans des actifs liquides ou des actifs aisément convertibles en liquidités à court terme et ne comportant pas de positions spéculatives ". En vertu de l'article L. 932-10 du même code, le retrait d'agrément d'une société de gestion de portefeuille peut être décidé d'office par l'Autorité des marchés financiers si la société ne remplit plus l'une ou plusieurs des conditions ou des engagements auxquels était subordonné son agrément.

Sur la procédure :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 321-5 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : " Hors le cas où le retrait est demandé par la société, l'Autorité des marchés financiers, lorsqu'elle envisage de retirer l'agrément d'une société de gestion de portefeuille en application de l'article L. 532-10 du code monétaire et financier, en informe la société en précisant les motifs pour lesquels cette décision est envisagée. La société dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette notification pour faire connaître ses observations éventuelles ". Par un courrier du 16 septembre 2019, le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a informé la société requérante que l'Autorité envisageait de retirer l'agrément dont elle disposait en qualité de société de gestion de portefeuille en lui en précisant les motifs et en lui indiquant qu'elle disposait d'un délai d'un mois pour faire connaître ses éventuelles observations. Par un courrier du 18 octobre 2019, la société requérante a présenté des observations à l'AMF en lui indiquant notamment que les actionnaires avaient décidé de nommer Mme A... comme directeur général délégué à compter du 1er octobre 2019, et de procéder à une augmentation de capital. Il ressort également des pièces du dossier qu'au cours d'un entretien téléphonique, le 11 décembre 2019, les services de l'AMF ont fait savoir au président de la société requérante que les éléments qu'elle avait apportés en réponse aux manquements relevés étaient insuffisants. La circonstance que l'AMF se soit notamment fondée sur les rapports hebdomadaires de l'administrateur provisoire qu'elle avait nommé le 28 mai 2019, ainsi que sur une attestation en date du 28 octobre 2020 du commissaire aux comptes, postérieurs à l'ouverture de la procédure, pour estimer que l'augmentation de capital annoncée par la société n'était pas effective et que Mme A... n'exerçait pas effectivement les fonctions de second dirigeant de la société, n'est pas de nature à vicier la procédure suivie, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société, qui a elle-même transmis à l'AMF l'attestation du commissaire aux comptes, n'aurait pas été en mesure de discuter de ces éléments, notamment lors de l'échange téléphonique qu'elle a eu avec les services de l'AMF avant la réunion du collège le 17 décembre 2019. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de retrait d'agrément a été prise au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article 321-5 du règlement général de l'AMF et des droits de la défense.

Sur la légalité interne :

5. Il résulte de la recommandation n° 2012-19 de l'Autorité des marchés financiers, intitulée " Guide d'élaboration du programme d'activité des sociétés de gestion de portefeuille et des placements collectifs autogérés ", que les dirigeants de ces sociétés sont des personnes physiques investies de fonctions effectives, et que l'un au moins des dirigeants doit être actif à temps plein dans la société. Il ressort également de cette recommandation, ainsi que de l'ensemble des recommandations de l'AMF, qu'une société de portefeuille requiert la présence de deux dirigeants effectifs, dont l'un au moins doit être présent à temps plein, les fonctions de second dirigeant étant compatibles avec une fonction à temps partiel n'exigeant pas sa présence physique régulière dans l'entreprise. Pour retenir que Mme A..., nommée le 1er octobre 2019 aux côtés de M. B... pour assurer la direction de la société à la suite d'une première demande de l'AMF adressée à la société requérante pour qu'elle se conforme à l'obligation des deux dirigeants effectifs, n'en assurait pas la direction effective, l'AMF s'est principalement fondée sur deux rapports hebdomadaires établis en novembre 2019 par l'administrateur provisoire, selon lesquels il n'avait jamais rencontré l'intéressée ni dans les locaux de l'entreprise ni en dehors et qu'il en allait de même des salariés qu'il avait interrogés. Si la société requérante fait valoir que l'administrateur provisoire était lui-même peu présent dans les locaux de l'entreprise au cours de cette période et produit un courriel adressé par Mme A... aux services de l'AMF, dans lequel elle assurait être au courant des discussions et problèmes concernant la société, ainsi qu'un décompte de ses jours de présence dans les locaux de l'entreprise faisant état de ce qu'elle aurait été présente six jours au mois d'octobre et sept jours au cours de chacun des mois de novembre et décembre, ces seuls éléments ne suffisent pas à démontrer que Mme A... exerçait effectivement ses fonctions de directeur général délégué de la société requérante, alors en outre qu'il ressort également des pièces du dossier qu'elle s'est abstenue de participer à une réunion téléphonique avec les services de l'AMF concernant le retrait de l'agrément de la société, à laquelle les dirigeants de la société étaient invités. La société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'AMF a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur de d'appréciation en retenant ce premier motif au soutien de sa décision.

6. En troisième lieu, pour estimer que cette société ne démontrait pas disposer de fonds propres réglementaires placés en actifs liquides, le collège de l'AMF a relevé qu'au 30 novembre 2019, seuls les 181 828 euros de fonds propres de trésorerie de la société présentaient les caractéristiques d'actifs liquides ou aisément convertibles en liquidités à court terme. S'il a également relevé que la société disposait par ailleurs de créances détenues sur des fonds dont elle assurait la gestion, il a estimé que ces créances ne pouvaient présenter un caractère de liquidité suffisant tant que les fonds n'auraient pas mené à terme la cession de leurs participations. Il ressort des pièces du dossier que la société requérante n'a pas démontré qu'elle disposait d'un montant de 325 000 euros de créances sur les fonds qu'elle gérait correspondant à des actifs réalisables à court terme De même, la société requérante n'ayant communiqué, ni avant que le collège de l'AMF ne statue, ni à l'appui de son recours gracieux, aucun engagement ferme concernant la participation d'investisseurs à l'augmentation de son capital, elle n'établit pas que des investisseurs auraient été susceptibles de souscrire à une augmentation de capital permettant de garantir la réalisation imminente d'un apport de capitaux. Par suite, l'Autorité des marchés financiers a pu légalement estimer que la Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne ne démontrait pas disposer de fonds propres réglementaires placés en actifs liquides.

7. Il résulte de ce qui précède que les requêtes de la société requérante doivent être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne et à l'Autorité des marchés financiers.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 437893
Date de la décision : 04/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 2021, n° 437893
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:437893.20211004
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