Vu la procédure suivante :
L'association Ecole Hanned-Acces a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre la décision du 10 mai 2017 par laquelle le préfet du Val-d'Oise lui a refusé le bénéfice d'un contrat simple avec l'Etat pour son établissement scolaire du premier degré d'Argenteuil et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de la placer sous contrat simple et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation.
Par un jugement n° 1710427 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision implicite et a enjoint au préfet du Val-d'Oise de conclure un contrat simple pour l'établissement scolaire du premier degré d'Argenteuil de l'association requérante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Par un arrêt n°s 19VE01874, 19VE01876 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, sur l'appel du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, a annulé ce jugement en tant qu'il a prononcé cette injonction, a enjoint au préfet du Val-d'Oise de réexaminer, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son arrêt, la demande de l'association Ecole Hanned-Acces tendant à la conclusion d'un contrat simple avec l'Etat, a rejeté le surplus des conclusions du ministre et a dit n'y avoir lieu à statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 février et 13 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 13 mars 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de l'association Ecole Hanned-Acces ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association Ecole Hanned-Acces a saisi le préfet du Val-d'Oise d'un recours préalable obligatoire contre sa décision du 10 mai 2017 refusant de conclure un contrat simple pour l'école primaire qu'elle gère à Argenteuil. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé l'annulation, par le jugement du 13 mars 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, de la décision implicite de refus opposée au recours préalable de l'association, tout en réformant l'injonction faite au préfet par ce jugement de conclure ce contrat, pour la limiter à une injonction de réexaminer la demande de l'association de conclusion du contrat.
2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " (...) / Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté. / (...) ". Aux termes de l'article L. 131-1-1 du même code : " Le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d'exercer sa citoyenneté. / Cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignement ". Aux termes de l'article L. 442-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le contrôle de l'Etat sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des maîtres, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public et des bonnes mœurs, à la prévention sanitaire et sociale. / L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation peut prescrire chaque année un contrôle des classes hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l'article L. 131-1-1 et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article L. 111-1. / (...) / Les résultats de ce contrôle sont notifiés au directeur de l'établissement avec l'indication du délai dans lequel il sera mis en demeure de fournir ses explications ou d'améliorer la situation et des sanctions dont il serait l'objet dans le cas contraire. / En cas de refus de sa part d'améliorer la situation et notamment de dispenser, malgré la mise en demeure de l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini par les articles L. 131-1-1 et L. 131-10, l'autorité académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale. / Dans cette hypothèse, les parents des élèves concernés sont mis en demeure d'inscrire leur enfant dans un autre établissement ". Aux termes de l'article L. 442-12 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les établissements d'enseignement privés du premier degré peuvent passer avec l'Etat un contrat simple suivant lequel les maîtres agréés reçoivent de l'Etat leur rémunération qui est déterminée compte tenu notamment de leurs diplômes et des rémunérations en vigueur dans l'enseignement public. / Le contrat simple (...) entraîne le contrôle pédagogique et le contrôle financier de l'Etat. / Peuvent bénéficier d'un contrat simple les établissements justifiant des seules conditions suivantes : durée de fonctionnement, qualification des maîtres, nombre d'élèves, salubrité des locaux scolaires. Ces conditions sont précisées par décret. / (...) ". Aux termes de l'article L. 442-13 du même code : " La conclusion des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12 est subordonnée, en ce qui concerne les classes des écoles privées, au respect des règles et critères retenus pour l'ouverture et la fermeture des classes correspondantes de l'enseignement public, toutes conditions de fonctionnement étant égales. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 442-14 du même code : " Le montant des crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants des classes, faisant l'objet d'un des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12, au titre de leurs tâches d'enseignement, est déterminé chaque année par la loi de finances. (...). Aucun nouveau contrat ne peut être conclu que dans la limite des crédits mentionnés au présent article ".
3. Il résulte de ces dispositions que la demande d'octroi d'un contrat simple présentée par un établissement privé d'enseignement est examinée par l'administration au regard des seules conditions limitativement fixées par les articles L. 442-12, L. 442-13 et L. 442-14 du code de l'éducation. Cependant, l'administration peut, également, prendre en considération dans son appréciation, sous le contrôle du juge, la capacité de l'établissement à respecter le principe du droit à l'éducation et à garantir l'acquisition des normes minimales de connaissances, en vertu des exigences posées par les articles L. 111-1 et L. 131-1-1 de ce code. A cet égard, elle peut tenir compte de l'existence d'une mise en demeure adressée par l'Etat au directeur de cet établissement, en application de l'article L. 442-2 du même code, à la suite des contrôles que les autorités académiques doivent mener sur les établissements d'enseignement privés demeurés hors-contrat et portant, notamment, sur le respect de telles normes minimales de connaissances et sur l'accès au droit à l'éducation.
4. Dès lors, en jugeant que le motif tiré de ce que l'enseignement dispensé par l'association Ecole Hanned-Acces ne respecte pas les normes minimales de connaissances requises par l'article L. 131-1-1 du code de l'éducation, n'est pas au nombre de ceux qui, limitativement énumérés par les dispositions de l'article L. 442-12 de ce code, peuvent justifier légalement un refus de contrat simple, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis au juge du fond que le directeur de l'établissement scolaire du premier degré d'Argenteuil géré par l'association Ecole Hanned-Acces avait fait l'objet, en application de l'article L. 442-2 du même code, d'une mise en demeure de remédier aux carences pédagogiques mises en évidence par les contrôles réalisés par l'Etat, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit. Par suite, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions de l'association Ecole Hanned-Acces présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ainsi qu'à l'association Ecole Hanned-Acces.