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06/08/2021 | FRANCE | N°439211

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 06 août 2021, 439211


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-1508 du 30 décembre 2019 modifiant le décret n° 66-874 du 21 novembre 1966 relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administra

tive.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauveg...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-1508 du 30 décembre 2019 modifiant le décret n° 66-874 du 21 novembre 1966 relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 66-874 du 21 novembre 1966 ;

- le code de justice administrative ;

Vu la décision du 5 novembre 2020 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat national pénitentiaire Force ouvrière ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat du syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, modifiée par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Toute cessation concertée du service, tout acte collectif d'indiscipline caractérisée de la part des personnels des services extérieurs de l'administration pénitentiaire est interdit. / Ces faits peuvent être sanctionnés sans consultation préalable de l'organisme siégeant en conseil de discipline prévu au troisième alinéa de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Les personnes mises en cause sont mises à même de présenter leurs observations sur les faits qui leur sont reprochés. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. " En application de ces dispositions, le Gouvernement a, par le décret attaqué, modifié l'article 86 du décret du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire pour prévoir que, en cas de méconnaissance de l'interdiction de toute cessation concertée du service ou d'acte collectif d'indiscipline caractérisée, lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination décide de prononcer une sanction, le fonctionnaire en cause doit être informé de l'engagement d'une procédure de sanction à son encontre par lettre recommandée, comportant les faits qui lui sont reprochés ainsi que les pièces sur lesquelles l'administration se fonde, l'intéressé, qui peut se faire assister par un défenseur de son choix, ayant la possibilité, dans un délai de dix jours, de présenter ses observations écrites et, si la sanction envisagée est une révocation, d'être entendu lors d'un entretien avec l'autorité investie du pouvoir de nomination. Le syndicat requérant demande au Conseil d'Etat d'annuler ce décret pour excès de pouvoir, au motif qu'il méconnait, en ayant seulement prévu, d'une part, un délai de dix jours pour permettre au fonctionnaire de faire part de ses observations écrites et, d'autre part, un entretien avant une révocation, les exigences qui découlent du principe général des droits de la défense et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2. Le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande.

3. Il résulte des dispositions de l'article 86 du décret du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, dans sa rédaction issue du décret attaqué, que le fonctionnaire de l'administration pénitentiaire à l'encontre duquel l'autorité investie du pouvoir de nomination envisage de prendre une sanction pour avoir participé à une cessation concertée du service ou à un acte collectif d'indiscipline caractérisée, doit se voir adresser au préalable par l'administration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception lui précisant la sanction envisagée ainsi que les faits précis qui lui sont reprochés et contenant copie des pièces sur lesquelles l'administration se fonde pour envisager cette sanction. L'intéressé, qui doit, en toute hypothèse, être mis à même de consulter l'ensemble de son dossier administratif et dont le décret litigieux précise qu'il peut se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix, dispose, à compter de la réception de cette lettre, d'un délai de dix jours francs pour adresser à l'autorité investie du pouvoir de nomination ses observations écrites. Outre cette procédure, lorsque la sanction envisagée est la révocation, le fonctionnaire en cause doit être par ailleurs entendu par l'autorité investie du pouvoir de nomination à l'occasion d'un entretien préalable au cours duquel le fonctionnaire, assisté par le ou les défenseurs de son choix, peut faire valoir tous éléments utiles pour sa défense, qu'il ait ou non adressé des observations écrites à l'administration dans le cadre de la procédure écrite qui vient d'être décrite. Dans ces conditions, eu égard aux missions qu'exercent les agents des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, ayant conduit le législateur à les soumettre à un statut spécial interdisant notamment toute cessation concertée d'un service dont l'interruption est de nature à porter atteinte aux besoins essentiels du pays, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le principe général des droits de la défense ni l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en instituant les procédures qui viennent d'être décrites avant qu'un agent des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire puisse être sanctionné pour participation à une cessation concertée du service ou à un acte collectif d'indiscipline caractérisée.

4. Il résulte de ce qui précède que le syndicat national pénitentiaire Force ouvrière n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 439211
Date de la décision : 06/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 aoû. 2021, n° 439211
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:439211.20210806
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