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06/08/2021 | FRANCE | N°436914

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 06 août 2021, 436914


Vu la procédure suivante :

La société Espace Lagon, M. D... C... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'Etat et le département de Mayotte à leur verser la somme de 6 765 275,84 euros en réparation des préjudices résultant de la non-réalisation d'un projet hôtelier sur le site de M'Tsanga Gouéla, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts. Par un jugement nos 1500049, 1500050 du 23 février 2017, le tribunal administratif a rejeté les demandes de la société Espace Lagon.

Par un arrêt n° 17PA21304 du 2

4 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société...

Vu la procédure suivante :

La société Espace Lagon, M. D... C... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'Etat et le département de Mayotte à leur verser la somme de 6 765 275,84 euros en réparation des préjudices résultant de la non-réalisation d'un projet hôtelier sur le site de M'Tsanga Gouéla, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts. Par un jugement nos 1500049, 1500050 du 23 février 2017, le tribunal administratif a rejeté les demandes de la société Espace Lagon.

Par un arrêt n° 17PA21304 du 24 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Espace Lagon, M. C... et Mme A..., d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur les demandes de M. C... et Mme A..., d'autre part, rejeté les demandes de ces derniers et, enfin, fait partiellement droit aux conclusions d'appel de la société Espace Lagon en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 179,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2014 et capitalisation annuelle à compter du 6 novembre 2015.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2019 et 3 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Espace Lagon et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit au surplus de leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Espace Lagon et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Espace Lagon, M. C... et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'Etat et le département de Mayotte à leur verser la somme de 6 765 275,84 euros en réparation des préjudices résultant de la non-réalisation d'un projet hôtelier sur le site de M'Tsanga Gouéla, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts. Par un jugement du 23 février 2017, le tribunal administratif de Mayotte, après avoir jugé que la responsabilité de l'Etat était engagée à l'égard de la société en raison des promesses non tenues qui lui avaient été faites, a néanmoins rejeté les demandes indemnitaires de la société. Par un arrêt du 24 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il avait omis de statuer sur les demandes de M. C... et Mme A... et rejeté les demandes de ces derniers, d'autre part, fait partiellement droit aux conclusions d'appel de la société Espace Lagon en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 179,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2014 et capitalisation annuelle à compter du 6 novembre 2015. Par le présent pourvoi, la société Espace Lagon, M. C... et Mme A... demandent au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur appel.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le cahier des charges de l'appel à projets du 21 janvier 2011 relatif à l'aménagement touristique du site de M'Tsanga Gouéla, situé sur la commune de Bouéni, indiquait, d'une part, à ses points 2.3, relatif à la situation foncière, et 4, relatif au cadre juridique, que " l'ensemble du terrain retenu dans le cadre de cet appel à projets (...) fait partie du domaine public " et que " dans le cadre de cette opération, le terrain (...) fera l'objet d'un contrat de bail emphytéotique avec l'Etat ", sans faire aucune réserve de ce que des parcelles étaient susceptibles d'appartenir en propriété à des personnes privées en mesure de justifier de leur droit conformément aux dispositions du 1° de l'article L. 5114-2 du code général de la propriété des personnes publiques comme cela s'est avéré être le cas. Cette opération a dû, cependant, être abandonnée, par la suite, du fait de l'impossibilité pour le représentant de l'Etat de mettre à la disposition des intéressés les parcelles décrites dans le cahier des charges comme faisant partie du domaine public, en raison des contestations de riverains qui en ont revendiqué la propriété.

3. Par suite, d'une part, en estimant qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'appel à projets publié le 21 janvier 2011 ait comporté des informations erronées, la cour administrative d'appel de Paris a dénaturé les pièces du dossier. D'autre part, en jugeant que la circonstance que l'Etat ait lancé un appel à projets indiquant que l'ensemble du terrain retenu faisait partie du domaine public sans s'assurer que tel était effectivement le cas n'était pas constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

4. En second lieu, après avoir jugé que le manquement à l'engagement qu'impliquait nécessairement l'appel à projets du 21 janvier 2011 de mettre à disposition de M. C... et de Mme A..., dans le cadre d'un bail emphytéotique, les parcelles d'emprise du projet, constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la cour a estimé que cette responsabilité n'avait commencé à courir qu'à compter du 28 novembre 2011, date de la signature de la convention leur accordant une subvention pour la réalisation du projet dont le versement était subordonné à un commencement d'exécution de l'opération en se fondant sur la circonstance que ce n'était qu'à compter de cette date que les intéressés avaient été encouragés à engager les premières dépenses et confortés dans la certitude que les parcelles constituant le terrain d'assiette du projet étaient disponibles, et non à compter de la publication de l'appel à projets le 21 janvier 2011. En statuant ainsi, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une contradiction de motifs.

5. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il a rejeté leurs conclusions présentées sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'Etat au titre de ses agissements fautifs tels que précisés au point 3.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 500 euros chacun à verser, d'une part, à M. C... et Mme A..., d'autre part, à la société Espace Lagon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 24 octobre 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par M. C... et Mme A... ainsi que par la société Espace Lagon sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'Etat du fait des informations erronées communiquées et de sa carence fautive lors du lancement de l'appel à projets du 21 janvier 2011.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera, d'une part, à M. C... et Mme A..., d'autre part, à la société Espace Lagon les sommes de 2 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Espace Lagon, à M. D... C..., à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au département de Mayotte et au ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 436914
Date de la décision : 06/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 aoû. 2021, n° 436914
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:436914.20210806
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