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06/08/2021 | FRANCE | N°434168

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 06 août 2021, 434168


Vu la procédure suivante :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler :

- sous le n° 1406411, les décisions du préfet de l'Isère rejetant leurs demandes, formulées les 15 juillet et 1er septembre 2014, tendant à ce que soit mise en oeuvre une procédure contradictoire de retrait du récépissé de déclaration d'installation classée pour la protection de l'environnement délivré le 28 février 2011 à M. D... E...,

- sous le n° 1504418, la décision du 16 octobre 2014 par laquelle le préfet de l'Isère a délivré à M. E..

. un récépissé de déclaration d'installation classée et la décision rejetant leur recours ...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler :

- sous le n° 1406411, les décisions du préfet de l'Isère rejetant leurs demandes, formulées les 15 juillet et 1er septembre 2014, tendant à ce que soit mise en oeuvre une procédure contradictoire de retrait du récépissé de déclaration d'installation classée pour la protection de l'environnement délivré le 28 février 2011 à M. D... E...,

- sous le n° 1504418, la décision du 16 octobre 2014 par laquelle le préfet de l'Isère a délivré à M. E... un récépissé de déclaration d'installation classée et la décision rejetant leur recours gracieux,

- sous le n° 1504422, la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a délivré à M. E... un récépissé de déclaration d'installation classée et la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1406411-1504418-1504422 du 7 mars 2017, le tribunal administratif a annulé le récépissé du 13 janvier 2015 et la décision rejetant le recours gracieux de M. et Mme C..., autorisé M. E... à poursuivre, à titre provisoire, l'exploitation de son élevage dans l'attente de la régularisation de son dossier de déclaration dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et rejeté les demandes n° 1406411 et n° 1504418 ainsi que le surplus des conclusions de la demande n° 1504422.

Par un arrêt n° 17LY01846 du 2 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M. et Mme C..., d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il a autorisé M. E... à poursuivre, à titre provisoire, l'exploitation de son élevage dans l'attente de la régularisation de son dossier de déclaration et en tant qu'il a rejeté les demandes n° 1406411 et n° 1504418 ainsi que le surplus des conclusions de la demande n° 1504422, et, d'autre part, enjoint à M. E... de procéder à la fermeture de son exploitation.

Par un pourvoi, enregistré le 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 8 décembre 2006 fixant les règles fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations renfermant des chiens soumises à autorisation au titre du livre V du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et Mme B... C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. E... s'est vu délivrer par le préfet de l'Isère, le 28 février 2011, un récépissé de déclaration au titre de la rubrique n° 2120-2 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'exploitation d'un élevage canin. M. et Mme C... ont, par deux courriers du 15 juillet 2014 et du 1er septembre 2014, demandé au préfet de mettre en oeuvre une procédure contradictoire de retrait de ce récépissé de déclaration, de constater diverses infractions à la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et de mettre en demeure M. E... de s'y conformer. Ils ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande, enregistrée sous le n° 1406411, tendant à l'annulation des refus implicites opposés à ces demandes par le préfet. M. E... ayant déposé une nouvelle déclaration le 18 septembre 2014, le préfet lui en a délivré récépissé le 16 octobre 2014. Par une nouvelle demande, enregistrée sous le n° 1504418, M. et Mme C... ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande d'annulation de ce récépissé. Un récépissé a été délivré à M. E... le 13 janvier 2015 annulant et remplaçant celui du 16 octobre 2014 à la suite d'une déclaration rectificative déposée le 12 novembre 2014. Sous le n° 1504422, M. et Mme C... ont demandé l'annulation de ce récépissé et du rejet de leur recours gracieux au tribunal administratif de Grenoble. Par un jugement du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le récépissé du 13 janvier 2015 et la décision du préfet rejetant le recours gracieux de M. et Mme C... contre cette décision, a autorisé M. E... à poursuivre, à titre provisoire, l'exploitation de son élevage dans l'attente de la régularisation de son dossier de déclaration dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté les demandes n° 1406411 et n° 1504418. Mme E... a déposé, pour la même exploitation, une nouvelle déclaration, le 27 mars 2017, dont elle a obtenu récépissé. Saisie en appel par M. et Mme C..., la cour administrative a annulé le jugement du tribunal administratif et enjoint à M. E... de procéder à la fermeture de son exploitation. La ministre de la transition écologique se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans son mémoire en défense, le ministre de la transition écologique et solidaire avait demandé à la cour administrative d'appel de constater que les conclusions des requérants dirigées contre les récépissés des 28 février 2011 et du 16 octobre 2014 étaient privées d'objet du fait de la délivrance d'un nouveau récépissé de déclaration le 27 mars 2017. Il est constant que, si la cour a visé et analysé cette fin de non-recevoir et rejeté le surplus des conclusions dans son arrêt, elle n'y a pas répondu dans sa motivation et a, de ce fait, entaché son arrêt d'insuffisance de motivation.

3. D'autre part, lorsqu'il prononce l'annulation d'une décision d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement, le juge de pleine juridiction des installations classées a toujours la faculté, au titre de son office, d'autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions et pour un délai qu'il détermine, la poursuite de l'exploitation de l'installation en cause, dans l'attente de la régularisation de sa situation par l'exploitant. Il lui appartient de prendre en compte, pour déterminer l'opportunité d'une telle mesure, l'ensemble des éléments de l'espèce, notamment la nature de l'illégalité ayant conduit à l'annulation de la décision contestée, les considérations d'ordre économique et social ou tout autre motif d'intérêt général pouvant justifier la poursuite de l'exploitation et l'atteinte éventuellement causée par l'exploitation aux intérêts visés par l'article L. 511- 1 du code de l'environnement ou à d'autres intérêts publics et privés. Parmi les éléments que le juge peut prendre en compte, figure la possibilité, prévue par l'article L. 514-2 du code de l'environnement, que l'administration autorise elle-même, dans un tel cas de figure, la poursuite de l'exploitation jusqu'à ce qu'il soit statué à nouveau sur la demande d'autorisation.

4. Pour ordonner la fermeture de l'exploitation de M. E..., la cour administrative d'appel s'est fondée sur la seule circonstance que le relevé de distance réalisé par le géomètre expert désigné par M. A... en qualité de sapiteur faisait apparaître que les installations de l'élevage canin n'étaient pas situées à plus de 100 mètres des ateliers de mécanique, de menuiserie et de débitage de bois, qui constituent les locaux habituellement occupés par M. et Mme C..., comme l'exige l'article 2.1 de l'annexe I de l'arrêté du 8 décembre 2006 susvisé. En statuant ainsi, sans rechercher si d'autres éléments étaient de nature à justifier la poursuite de l'exploitation, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la ministre de la transition écologique et solidaire est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 2 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par M et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique et à M. et Mme B... C....

Copie en sera adressée à M. D... E....


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 434168
Date de la décision : 06/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 aoû. 2021, n° 434168
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:434168.20210806
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