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28/07/2021 | FRANCE | N°436810

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 28 juillet 2021, 436810


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, en premier lieu, d'annuler, d'une part, la décision du 27 janvier 2014 par laquelle le maire de Plaisir (Yvelines) a rejeté sa demande indemnitaire et sa demande de retrait de la décision du 20 mai 2008 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 et rejetant sa demande de protection fonctionnelle, d'autre part, les décisions du 20 mai 2008 et du 1er juin 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 et, enfin l

a décision implicite de rejet opposée au recours gracieux du 6 ...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, en premier lieu, d'annuler, d'une part, la décision du 27 janvier 2014 par laquelle le maire de Plaisir (Yvelines) a rejeté sa demande indemnitaire et sa demande de retrait de la décision du 20 mai 2008 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 et rejetant sa demande de protection fonctionnelle, d'autre part, les décisions du 20 mai 2008 et du 1er juin 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 et, enfin la décision implicite de rejet opposée au recours gracieux du 6 juillet 2015, en deuxième lieu, de désigner avant dire droit un expert afin d'évaluer son état de santé, en troisième lieu, de condamner la commune de Plaisir à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux qu'elle a subis et, en dernier lieu, d'enjoindre à la commune de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 ou, à défaut, de saisir la commission de réforme pour qu'il soit statué pour avis sur l'imputabilité au service de cet accident. Par un jugement n° 1402226 du 12 juin 2017, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme B....

Par un arrêt n° 17VE02702 du 15 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 décembre 2019 et 18 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Plaisir la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., adjointe administrative territoriale à la commune de Plaisir, occupait un poste de chargée de mission à la direction des affaires culturelles jusqu'à la réorganisation de cette direction en novembre 2007. Par une décision du 20 mai 2008, le maire de Plaisir a rejeté sa demande tendant à reconnaître l'imputabilité au service d'un malaise dont elle a été victime le 18 avril 2008. Par une décision du maire du 19 juin 2008, Mme B... a été placée en position de congé de maladie ordinaire à demi traitement à compter du 5 juin 2008. Elle a repris ses fonctions le 1er septembre 2008, puis a été affectée à compter du 23 février 2009 à un poste de secrétaire comptable à la bibliothèque municipale. Mme B... a ensuite été placée en congé maladie à compter du 12 septembre 2013, prolongé jusqu'au 31 janvier 2014. Par un recours administratif préalable du 26 décembre 2013, elle a présenté des demandes tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral dont elle estimait faire l'objet, à l'organisation d'une enquête administrative sur les méthodes de management du directeur des affaires culturelles de la commune, au versement d'une somme en réparation des préjudices causés par ce harcèlement et au retrait de la décision du 20 mai 2008. Par une décision du 27 janvier 2014, le maire a rejeté la demande indemnitaire ainsi que la demande de protection fonctionnelle et a informé l'intéressée de ce que sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008 ferait l'objet d'un nouvel examen par la commission de réforme. Le maire a informé Mme B... de l'avis défavorable émis par cette commission par un courrier du 1er juin 2015, qui a fait l'objet d'un recours gracieux daté du 6 juillet 2015. Par un jugement du 12 juin 2017, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme B... tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du 27 janvier 2014, du 20 mai 2008 et du 1er juin 2015 ainsi que de celle née du silence gardé par le maire sur son recours gracieux du 6 juillet 2015, d'autre part, à la désignation d'un expert, à la condamnation de la commune au versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et à ce qu'il soit enjoint à la commune de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 18 avril 2008. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 octobre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une note en délibéré produite le 30 septembre 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours avant l'audience du 19 septembre 2019, Mme B... a produit une copie du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions du maire de Plaisir du 25 octobre 2016 et du 10 avril 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'état anxio-dépressif de Mme B.... Ce jugement, qui se prononçait sur la seule imputabilité au service de l'état anxio-dépressif de Mme B..., n'était pas susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire par la cour, saisie de conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices que Mme B... estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral et de l'illégalité de la décision de refus de protection fonctionnelle. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait entaché d'irrégularité faute, pour la cour, d'avoir rouvert l'instruction pour tenir compte de ce jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

4. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

5. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

6. Pour écarter l'existence d'un harcèlement moral à l'égard de Mme B..., la cour a notamment relevé, d'une part, que les missions de secrétaire comptable exercées par Mme B... à compter de 2009 résultaient d'une réorganisation de la direction des affaires culturelles décidée dans l'intérêt du service et, d'autre part, que cette nouvelle affectation correspondait à son grade et que sa notation avait alors régulièrement augmenté. Ce faisant, la cour, qui a tenu compte des comportements respectifs de la commune et de Mme B... pour apprécier si les agissements allégués étaient constitutifs d'un harcèlement moral, n'a commis aucune erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la commune de Plaisir.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 436810
Date de la décision : 28/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2021, n° 436810
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Barbat
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:436810.20210728
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