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13/07/2021 | FRANCE | N°430522

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 13 juillet 2021, 430522


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 28 décembre 2012 du maire de Montlhéry (Essonne) la mutant d'office au poste de chargée d'accueil du service " Service à la population " à compter du 4 janvier 2013 et d'ordonner le retrait de son dossier administratif de toutes traces d'une procédure disciplinaire qui n'a pas été conduite à son terme. Par un jugement n° 1305321 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 28 décembre 2012 et rejeté le surplus des conclus

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Par un arrêt n° 16VE01284 du 18 avril 2019, la co...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 28 décembre 2012 du maire de Montlhéry (Essonne) la mutant d'office au poste de chargée d'accueil du service " Service à la population " à compter du 4 janvier 2013 et d'ordonner le retrait de son dossier administratif de toutes traces d'une procédure disciplinaire qui n'a pas été conduite à son terme. Par un jugement n° 1305321 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 28 décembre 2012 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 16VE01284 du 18 avril 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la commune de Montlhéry, annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 6 mai et 6 août 2019, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montlhéry la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme B... et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Montlhéry ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un entretien tenu le 24 décembre 2012 avec le maire de Montlhéry qui a conduit à l'aménagement qu'elle demandait de ses horaires de travail dans le cadre du temps partiel à 80 % accordé après son congé de maternité, Mme A... B..., adjoint administratif principal de 2ème classe, fonctionnaire de catégorie C alors en fonction au service culturel de la commune de Montlhéry, a été affectée par une décision du 28 décembre 2012 du maire de Montlhéry à un poste de chargée d'accueil au sein du service " service à la population " de la commune à compter du 4 janvier 2013. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 avril 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles qui, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles ayant annulé la décision du 28 décembre 2012, a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.

Sur le pourvoi de Mme B... :

2. Aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction applicable au présent litige : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. / Dans le cas où il s'agit de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n'est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d'examen ultérieur par la commission compétente ".

3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre une telle mesure, à moins qu'elle ne traduise une discrimination, est irrecevable.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision contestée a affecté Mme B..., à compter de sa reprise d'activité, le 4 janvier 2013, à son retour d'un congé de maternité, sur un poste de chargée d'accueil et des formalités administratives, au sein du service " service à la population " et que la mission qui lui incombait dans ce poste était consacrée principalement aux premiers contacts des usagers avec ce service public chargé, notamment, de l'état-civil, des élections et des cimetières, à leur régulation et au suivi statistique de leur fréquentation. Or, depuis sa titularisation à compter du 1er janvier 2002, l'intéressée était en fonction au sein du service culturel chargé du patrimoine de la commune, en qualité de chargée de mission " patrimoine/culturel ", affectée au poste de responsable de ce service, ainsi que le confirment, notamment, les intitulés figurant sur les feuilles de notation établies et signées par l'autorité territoriale pour les années 2007 à 2011. Il résulte de la fiche descriptive de ce poste que Mme B... y assumait des tâches de conception ayant pour objet la définition, l'organisation et l'évaluation de projets d'action culturelle ainsi que le développement et l'animation des partenariats et il n'est pas contesté qu'à ce titre, l'intéressée remplissait, en particulier, des tâches de programmation de ces projets, d'interface institutionnelle avec les services déconcentrés de l'État et ceux du département, de gestion budgétaire et de traitement des subventions. Il ressort de ce qui précède que l'affectation décidée par la décision contestée s'est traduite par une réduction substantielle des responsabilités de Mme B... et doit, dans ces conditions, être regardée comme une mutation comportant modification de la situation de l'intéressée au sens des dispositions citées au point 2. Dès lors, en jugeant que ce changement d'affectation avait la nature d'une mesure d'ordre intérieur, la cour administrative d'appel de Versailles a inexactement qualifié les faits et, en en déduisant que cette décision n'était pas susceptible de recours, elle a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. / (...) ".

8. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Versailles que son audience a été fixée au 19 février 2016 sans qu'ait été prise une ordonnance de clôture d'instruction. Dans ces conditions, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, cette clôture est réputée être intervenue le 15 février 2016 à minuit. Or, les mémoires respectivement enregistrés par chacune des parties le 15 février 2016 ont été adressés à l'autre partie ce même jour, mais uniquement par la voie postale, et n'ont donc matériellement pu être reçus qu'après la clôture de l'instruction. En communiquant ces mémoires, le président de la formation de jugement du tribunal administratif doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction et, dans ces conditions, il lui appartenait de clore l'instruction qui avait été ainsi rouverte et, le cas échéant, de fixer une nouvelle date d'audience. Dès lors et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, la commune de Montlhéry est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu selon une procédure irrégulière.

9. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur la légalité de la décision du 28 décembre 2012 :

S'agissant des fins de non-recevoir soulevées par la commune de Montlhéry :

10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". La demande de Mme B... est dirigée contre la décision JMR/CL/12.52 du 28 décembre 2012 du maire de Montlhéry en tant qu'elle l'affecte en qualité d'agent administratif au service " service à la population " de la commune à compter du 4 janvier 2013, qui ne contient la mention ni des délais ni des voies de recours. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune et tirée de la tardiveté de la demande doit être écartée.

11. En second lieu et en conséquence de ce qui est dit au point 4 ci-dessus, la fin de non-recevoir opposée par la commune et tirée de ce que cette décision aurait la nature d'une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours doit être écartée.

S'agissant des conclusions à fins d'annulation :

12. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

13. Il ressort des pièces du dossier que la commission administrative paritaire a été saisie par la commune le 21 décembre 2012 en vue d'une inscription du dossier de changement d'affectation de Mme B... à sa séance du 5 février 2013. La commission administrative paritaire a délibéré à cette séance et son avis a été notifié à la commune le 6 février 2013. Dans ces conditions et alors que la commune ne se prévaut pas des dispositions du second alinéa de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 cité au point 2, le maire de Montlhéry, en prenant la décision de mutation contestée dès le vendredi 28 décembre 2012, sans attendre l'avis de la commission administrative paritaire, a privé Mme B... du bénéfice effectif de la garantie constituée par la consultation préalable obligatoire de cet organe consultatif paritaire. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa demande, Mme B... est fondée à demander l'annulation de cette décision.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montlhéry la somme de 4 500 euros à verser à Mme B..., au titre des mêmes dispositions, pour l'ensemble de la procédure.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 18 avril 2019 et le jugement du tribunal administratif de Versailles du 8 mars 2016 sont annulés.

Article 2 : La décision du maire de Montlhéry du 28 décembre 2012 est annulée.

Article 3 : La commune de Montlhéry versera à Mme B... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la commune de Montlhéry sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la commune de Montlhéry.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 430522
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2021, n° 430522
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent-Xavier Simonel
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:430522.20210713
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