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12/07/2021 | FRANCE | N°433977

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 12 juillet 2021, 433977


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Linpac Packaging Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 374 838,85 euros, assorti d'intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1305741 du 18 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16MA00506 du 1er juin 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Linpac Packaging Provence contre ce jugement.r>
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Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Linpac Packaging Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 374 838,85 euros, assorti d'intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1305741 du 18 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16MA00506 du 1er juin 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Linpac Packaging Provence contre ce jugement.

Par une décision n° 412984 du 21 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un nouvel arrêt n° 18MA05440 du 27 juin 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Linpac Packaging Provence contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2015.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 août, 27 novembre 2019 et le 9 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Linpac Packaging Provence demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Linpac Packaging Provence ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Linpac Packaging Provence, qui a exercé une activité de fabrication et vente de produits d'emballages alimentaires, a présenté, le 21 décembre 2012, sur le fondement de l'article 242-0 G de l'annexe II au code général des impôts, une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) résultant de l'émission de deux notes d'avoir établies le même jour pour des opérations réalisées en 2008. Cette réclamation a été rejetée par l'administration fiscale. Par un jugement n° 1305741 du 18 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société Linpac Packaging Provence tendant au remboursement d'un crédit de TVA d'un montant de 374 838,85 euros. Par un arrêt n° 16MA00506 du 1er juin 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Linpac Packaging Provence contre ce jugement. Par une décision du 21 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi de la société Linpac Packaging Provence, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la même cour. Cette société se pourvoit contre le nouvel arrêt du 27 juin 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel.

2. Aux termes du 1 de l'article 272 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. (...) / L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale ". Aux termes de l'article 289 du même code, dans sa version applicable en l'espèce : " I. - 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : (...) / 5. Tout document ou message qui modifie la facture initiale, émise en application de cet article ou de l'article 289 bis, et qui fait référence à la facture initiale de façon spécifique et non équivoque est assimilé à une facture. Il doit comporter l'ensemble des mentions prévues au II. / (...) / II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : / (...) / 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération ; / (...) / 11° Le montant de la taxe à payer et, par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement ; / (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 289 du code général des impôts que la modification d'une facture initiale, qu'elle prenne la forme d'une facture rectificative ou d'une note d'avoir, est assimilée à une nouvelle facture devant comporter les mentions énumérées à l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code. Cependant, des omissions ou erreurs entachant une facture rectificative ou une note d'avoir ne font pas obstacle au droit à la récupération de la TVA sur le fondement du 1 de l'article 272 du code général des impôts en cas d'opération annulée, résiliée, définitivement impayée ou de rabais postérieur à l'opération facturée lorsque les pièces produites par le redevable permettent d'établir le bien-fondé de sa demande.

4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la référence aux numéros des factures initiales qu'elles modifient ne permettait pas de regarder les deux notes d'avoir du 21 décembre 2012 émises par la société Linpac Packaging Provence au bénéfice de la société Linpac Distribution au titre, pour la première, de produits facturés non livrés et, pour la seconde, d'un rabais de fin d'année, comme étant conformes aux exigences de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts en l'absence de toute précision quant à la dénomination, la quantité, le prix hors taxe et le taux de TVA applicable aux biens livrés et de toute information sur le montant total du chiffre d'affaires hors taxes et de la taxe due après application de la réduction de prix, sans rechercher, pour chacune des notes d'avoir en litige, si l'absence de ces mentions faisait nécessairement obstacle au droit au remboursement du crédit de TVA résultant de la modification de facturation à laquelle elles procédaient, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Linpac Packaging Provence est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

6. En premier lieu, il résulte ce qui a été dit au point 3 que, contrairement à ce que soutient la société Linpac Packaging Provence, les dispositions du I de l'article 289 du code général des impôts et de l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code étaient applicables aux notes d'avoir en litige modifiant des factures antérieures.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'appui de sa demande de remboursement d'un crédit de TVA, la société Linpac Packaging Provence a produit une note d'avoir n° 01001022 émise le 21 décembre 2012 au bénéfice de la société Linpac Distribution, faisant état d'un excédent de facturation entre janvier 2008 et novembre 2008 par rapport aux produits effectivement livrés sur cette période, et une note d'avoir n° 01001023 du même jour accordant au même client une remise annuelle de 12 % sur tous les produits livrés et facturés " hors barquettes XPS " sur l'année 2008. Ces deux notes d'avoir font référence aux treize mêmes factures initiales qu'elles modifient. D'une part, ni la note d'avoir correspondant à un excédent de facturation par rapport aux produits livrés sur la période concernée ni aucune autre pièce du dossier ne permet de connaître la dénomination, le nombre et les prix des produits non livrés dont les ventes ont donc été annulées et ainsi de déterminer l'étendue du droit à remboursement de crédit de TVA revendiqué par la société appelante à ce titre. D'autre part, s'il est vrai que l'autre note d'avoir en litige concerne une remise commerciale qui s'applique globalement à un montant de chiffre d'affaires réalisé sur une période donnée auprès d'un même client et non à certaines opérations déterminées, ni les mentions de cette note d'avoir ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de déterminer si le montant total de la remise figurant sur cette note a été calculé à partir des montants des factures rectifiés par l'autre note d'avoir du même jour au titre d'erreurs de facturation et non sur la base des montants des factures initiales et, à supposer même que ce soit le cas, de vérifier dans quelle mesure la remise de 12 % sur les produits livrés et facturés en 2008, qui ne couvre pas les " barquettes XPS ", était applicable à tout ou partie de ces montants rectifiés, alors que ces informations étaient indispensables pour statuer sur le droit à remboursement du crédit de TVA demandé. Il s'ensuit, en tout état de cause, que la société Linpac Packaging Provence ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, du bien-fondé du droit à remboursement de crédit de TVA dont elle se prévaut.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

9. Le rejet par l'administration fiscale d'une demande de remboursement d'un crédit de TVA ne constitue pas un rehaussement d'impositions permettant à un contribuable de se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, de l'interprétation administrative de la loi fiscale. Par suite, la société Linpac Packaging Provence ne peut se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des commentaires de l'administration fiscale publiées au bulletin officiel des finances publiques - impôts le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-TVA-DED-40-10-20.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Linpac Packaging Provence n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 juin 2019 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la société Linpac Packaging Provence devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Linpac Packaging Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Linpac Packaging Provence et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 433977
Date de la décision : 12/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-09 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. LIQUIDATION DE LA TAXE. DÉDUCTIONS. AFFAIRES IMPAYÉES OU ANNULÉES. - FACTURE RECTIFICATIVE OU NOTE D'AVOIR JUSTIFIANT LA RÉCUPÉRATION DE LA TVA ACQUITTÉE - 1) PRINCIPE - DOCUMENT DEVANT COMPORTER LES MENTIONS OBLIGATOIRES POUR TOUTE FACTURE (CGI, ANNEXE 2, ART. 242 NONIES A) - 2) TEMPÉRAMENT - PREUVE PAR LE CONTRIBUABLE DU BIEN-FONDÉ DE SA DEMANDE [RJ1].

19-06-02-08-03-09 1) Il résulte de l'article 289 du code général des impôts (CGI) que la modification d'une facture initiale, qu'elle prenne la forme d'une facture rectificative ou d'une note d'avoir, est assimilée à une nouvelle facture devant comporter les mentions énumérées à l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code.,,,2) Cependant, des omissions ou erreurs entachant une facture rectificative ou une note d'avoir ne font pas obstacle au droit à la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur le fondement du 1 de l'article 272 du CGI en cas d'opération annulée, résiliée, définitivement impayée ou de rabais postérieur à l'opération facturée lorsque les pièces produites par le redevable permettent d'établir le bien-fondé de sa demande.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant des mentions requises d'une facture pour l'exercice du droit à déduction, CE, 26 mars 2012, Société CERP Lorraine, n° 326333, T. p. 735.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2021, n° 433977
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Le Coq
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:433977.20210712
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