La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2021 | FRANCE | N°448863

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 09 juillet 2021, 448863


Vu la procédure suivante :

M. B... C... et M. G... F... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Maurepas (Yvelines) pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires, de rejeter le compte de campagne de M. D... H... ainsi que de le déclarer inéligible pour une durée de trois ans et démissionnaire d'office de ses fonctions de maire.

Par un jugement n° 2003031 du 18 décembre 2020, ce tribunal a rejeté cette protestation.

Par une requête d'appel,

un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 janvier...

Vu la procédure suivante :

M. B... C... et M. G... F... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Maurepas (Yvelines) pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires, de rejeter le compte de campagne de M. D... H... ainsi que de le déclarer inéligible pour une durée de trois ans et démissionnaire d'office de ses fonctions de maire.

Par un jugement n° 2003031 du 18 décembre 2020, ce tribunal a rejeté cette protestation.

Par une requête d'appel, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 janvier, 18 février et 23 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. C... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme globale de 3 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du premier tour du scrutin qui s'est déroulé le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Maurepas (Yvelines), la liste conduite par M. H... a recueilli 2 797 voix, soit 51,1 % des suffrages exprimés, et obtenu 26 sièges de conseiller municipal et 5 sièges de conseiller communautaire. La liste conduite par M. C... a obtenu 1 115 voix, soit 20,4 % des suffrages exprimés, 3 sièges au conseil municipal et 1 siège au conseil communautaire. La liste conduite par M. A... a recueilli 983 voix, soit 18,0 % des suffrages exprimés, et obtenu 3 sièges au conseil municipal. La liste conduite par M. E... a recueilli 575 voix, soit 10,5 % des suffrages exprimés, et obtenu 1 siège au conseil municipal. M. C... relève appel du jugement du 18 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté la protestation qu'il a formée avec M. F... tendant, à titre principal, à l'annulation de ces opérations électorales.

Sur les effets de la crise sanitaire sur la sincérité du scrutin :

2. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Dans ce contexte, le Premier ministre a adressé à l'ensemble des maires le 7 mars 2020 une lettre présentant les mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections municipales et communautaires prévues les 15 et 22 mars 2020. Ces mesures ont été précisées par une circulaire du ministre de l'intérieur du 9 mars 2020 relative à l'organisation des élections municipales des 15 et 22 mars 2020 en situation d'épidémie de coronavirus covid-19, formulant des recommandations relatives à l'aménagement des bureaux de vote et au respect des consignes sanitaires, et par une instruction de ce ministre, du même jour, destinée à faciliter l'exercice du droit de vote par procuration. Après consultation par le Gouvernement du conseil scientifique mis en place pour lui donner les informations scientifiques utiles à l'adoption des mesures nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, les 12 et 14 mars 2020, le premier tour des élections municipales a eu lieu comme prévu le 15 mars 2020. A l'issue du scrutin, les conseils municipaux ont été intégralement renouvelés dans 30 143 communes ou secteurs. Le taux d'abstention a atteint 55,34 % des inscrits, contre 36,45 % au premier tour des élections municipales de 2014.

3. Au vu de la situation sanitaire, l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a reporté le second tour des élections, initialement fixé au 22 mars 2020, au plus tard en juin 2020 et prévu que : " Dans tous les cas, l'élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l'article 3 de la Constitution ". Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de valider rétroactivement les opérations électorales du premier tour ayant donné lieu à l'attribution de sièges et ne font ainsi pas obstacle à ce que ces opérations soient contestées devant le juge de l'élection.

4. Aux termes de l'article L. 262 du code électoral, applicable aux communes de mille habitants et plus : " Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de quatre sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après. / Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour (...) ".

5. Ni par les dispositions de l'article L. 262 du code électoral, ni par celles de la loi du 23 mars 2020, le législateur n'a subordonné à un taux de participation minimal la répartition des sièges au conseil municipal à l'issue du premier tour de scrutin dans les communes de mille habitants et plus, lorsqu'une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Le niveau de l'abstention n'est, par lui-même, pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin, s'il n'a pas altéré, dans les circonstances de l'espèce, sa sincérité.

6. M. C... fait seulement valoir que le taux d'abstention s'est élevé à 58,4 % dans la commune de Maurepas, soit un taux nettement plus élevé qu'à l'occasion des élections précédentes, sans invoquer aucune autre circonstance relative au déroulement de la campagne électorale ou du scrutin dans la commune qui montrerait, en particulier, qu'il aurait été porté atteinte au libre exercice du droit de vote ou à l'égalité entre les candidats. Dans ces conditions, le niveau de l'abstention constatée ne peut être regardé comme ayant, en l'espèce, altéré la sincérité du scrutin.

Sur la campagne et la propagande électorales :

7. Aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que si les publications mensuelles de la commune parues entre septembre 2019 et mars 2020 ont fait état des travaux en cours ou achevés pendant cette période, l'exposé de ces éléments, dont le mode de présentation n'a pas été modifié par rapport aux publications précédentes, se borne à offrir de manière neutre des informations pratiques sur ces travaux et une communication institutionnelle sur les projets correspondants. Il en est de même pour les pages des numéros de janvier et février 2020 consacrées, à raison de l'actualité des décisions prises par le conseil municipal et, sur autorisation de celui-ci, par le maire, au projet de centre aqualudique intercommunal " Castalia ". M. C... n'est ainsi pas fondé à soutenir que ces publications auraient été constitutives d'une campagne de promotion publicitaire au bénéfice de M. H..., ayant altéré la sincérité du scrutin.

9. Il n'est, pour les mêmes raisons, pas davantage fondé à soutenir que M. H... aurait, du fait de ces publications, bénéficié d'avantages octroyés par la commune. Le grief tiré de la violation de l'article L. 52-8 du code électoral ne peut ainsi qu'être écarté de même que, par voie de conséquence, celui tiré de ce que le compte de campagne de M. H... n'aurait pas exhaustivement retracé les financements engagés.

10. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ".

11. Si M. C... fait état de la distribution, par la liste conduite par M. H..., le jeudi 12 mars 2020, d'un tract intitulé " Non ! à l'arrêt définitif du projet de piscine par MM. C..., Le Galle et A... ", il résulte de l'instruction que ce tract n'apporte aucun élément nouveau de polémique électorale, le thème du centre aqualudique intercommunal ayant déjà largement été débattu. Le grief tiré de ce que la diffusion de ce tract aurait constitué une méconnaissance de l'article L. 48-2 du code électoral ayant altéré la sincérité du scrutin ne peut ainsi qu'être écarté.

Sur les conclusions tendant à ce que soit prononcée l'inéligibilité de M. H... :

12. Aux termes de l'article L. 118-4 du code électoral : " Saisi d'une contestation formée contre l'élection, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. / (...) ". M. H... n'ayant, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, été l'auteur d'aucune manoeuvre ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin, M. C... n'est pas fondé à demander que soit prononcée son inéligibilité.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa protestation.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. H... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande que celui-ci a présentée au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... C..., M. D... H... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 448863
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2021, n° 448863
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:448863.20210709
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award