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09/07/2021 | FRANCE | N°440851

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 09 juillet 2021, 440851


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 mai 2020, 8 mars et 15 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 29 avril 2020 de La Poste relative aux modalités d'organisation à la distribution, livraison dans les agences ColiPostes, les plateformes de préparation et de distribution du courrier et les plateformes de distribution du courrier à compter du 11 mai 2020 dans

le cadre de l'épidémie de covid-19 ;

2°) d'enjoindre à La Poste de remett...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 mai 2020, 8 mars et 15 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 29 avril 2020 de La Poste relative aux modalités d'organisation à la distribution, livraison dans les agences ColiPostes, les plateformes de préparation et de distribution du courrier et les plateformes de distribution du courrier à compter du 11 mai 2020 dans le cadre de l'épidémie de covid-19 ;

2°) d'enjoindre à La Poste de remettre en place toutes les organisations du travail qui découlaient des accords collectifs applicables antérieurement à l'intervention de la décision attaquée, dans un délai de trois semaines et sous astreinte de 500 euros par jour de retard pour chaque service concerné.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2010-191 du 26 février 2010 ;

- le décret n° 2011-1063 du 7 septembre 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de La Poste ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une note du 29 avril 2020 intitulée " modalités d'organisation à la distribution, livraison en ACP [agence ColiPoste], PPDC [plate-forme de préparation et de distribution du courrier], PDC [plate-forme de distribution du courrier] à compter du 11 mai 2020 dans le cadre de l'épidémie de covid-19 ", des modalités temporaires d'organisation de la distribution du courrier et d'organisation du travail au sein de la branche services courrier-colis à l'issue du premier confinement ont été définies. La Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication demande au Conseil d'Etat, d'une part, d'annuler cette note et, d'autre part, d'enjoindre à La Poste de remettre en place l'organisation du travail résultant des accords collectifs applicables antérieurement à l'intervention de cette note. Les conclusions de la requérante sur ce dernier point doivent être regardées comme tendant à ce qu'il soit enjoint à La Poste d'abroger la note contestée.

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par La Poste :

2. Il ressort des pièces du dossier que, si les mesures d'organisation prévues par la note du 29 avril 2020 ont pris fin, elles ont reçu application à compter du 11 mai 2020. Par suite, La Poste est fondée à soutenir que les conclusions de la requête sont privées d'objet en tant qu'elles tendent à ce qu'il soit enjoint à La Poste d'abroger cette note, mais non en tant qu'elles tendent à son annulation.

Sur les conclusions de la requête :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi qu'à l'article 29-1. (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 31-2 de cette loi : " La Poste recherche par la négociation et la concertation la conclusion d'accords avec les organisations syndicales dans tous les domaines sociaux afférents à l'activité postale. (...) ".

4. Aux termes de l'article 11 de la loi du 2 juillet 1990 : " Le président du conseil d'administration de La Poste assure la direction générale de l'entreprise ". L'article 29-4 de cette loi dispose que : " A compter du 1er mars 2010, les corps de fonctionnaires de La Poste sont rattachés à la société anonyme La Poste et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Ce dernier peut déléguer ses pouvoirs de nomination et de gestion et en autoriser la subdélégation dans les conditions de forme, de procédure et de délai déterminées par décret en Conseil d'Etat (...). ". Aux termes de l'article 5 du décret du 26 février 2010 fixant les statuts initiaux de La Poste et portant diverses dispositions relatives à La Poste : " Le président du conseil d'administration de La Poste recrute et nomme les fonctionnaires sur les emplois de la société ; il assure la gestion des personnels fonctionnaires (...) ". L'article 6 de ce décret dispose que : " I. - Dans les matières mentionnées au premier alinéa de l'article 5, le président du conseil d'administration de La Poste peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs, à l'exception des décisions de révocation, à des responsables centraux ou de services déconcentrés de La Poste placés sous son autorité (...). II. - Les délégations de pouvoirs ou de signature, ainsi que les subdélégations de pouvoirs prévues au deuxième alinéa du I, précisent leur titulaire et les compétences ou les actes dont la signature est déléguée. Elles sont publiées dans les conditions prévues par le conseil d'administration ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la note attaquée doit être regardée comme émanant de la direction de la branche services courrier-colis de La Poste. D'une part, cette note est relative à l'organisation du service et non à la gestion des personnels fonctionnaires au sens des dispositions citées au point 4. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait été prise en méconnaissance des formes prévues par les articles 5 et 6 du décret du 26 février 2010 est inopérant. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que cette note, prise par un organe de La Poste, société anonyme chargée d'un service public industriel et commercial, dans le cadre du pouvoir d'organisation du service, fût signée par son auteur et que celui-ci fût identifié par son nom et par sa qualité. D'autre part, le défaut de publication de la note contestée est sans incidence sur sa légalité. Enfin, si aux termes du troisième alinéa précité de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990, La Poste est tenue de rechercher la conclusion d'accords avec les organisations syndicales dans tous les domaines sociaux afférents à l'activité postale, il ne ressort pas des pièces du dossier que les mesures contestées entreraient dans le champ des accords collectifs conclus en application de ces dispositions. Par suite, les moyens tirés de ce que la note attaquée aurait été prise par une autorité incompétente et serait entachée de vices de forme ne peuvent qu'être écartés.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 28 du décret du 7 septembre 2011 relatif aux comités techniques de La Poste, le comité technique national " est consulté sur les questions et projets de textes relatifs : / 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ". Toutefois, l'article 13 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période prévoit que " sous réserve des obligations résultant du droit international et du droit de l'Union européenne, les projets de texte réglementaire ayant directement pour objet de prévenir les conséquences de la propagation du covid-19 ou de répondre à des situations résultant de l'état d'urgence sanitaire sont dispensés de toute consultation préalable obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire, à l'exception de celles du Conseil d'Etat et des autorités saisies pour avis conforme ". Si le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'annulation de cet article en tant qu'il prévoit une dispense de consultations préalables obligatoires prévues par une disposition législative, celui-ci est demeuré applicable s'agissant, comme en l'espèce, de consultations préalables prévues par des dispositions réglementaires. Par suite, la note attaquée ayant directement pour objet de prévenir les conséquences de la propagation du covid-19, elle était, en application de l'article 13 précité de l'ordonnance du 25 mars 2020, dispensée de la consultation prévue à l'article 28 du décret du 7 septembre 2011.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990, " (...) Il est également institué une commission de dialogue social permettant d'assurer une concertation avec les organisations syndicales sur les projets d'organisation de portée nationale ou sur des questions d'actualité, ainsi que de les informer. ".

8. Les mesures prévues par la note attaquée, qui visait à mettre en place dans de brefs délais une organisation temporaire pour répondre au caractère exceptionnel et urgent du contexte sanitaire dans lequel elle est intervenue, n'avaient pas à être précédées de la concertation mentionnée au point précédent. Le moyen tiré du défaut de concertation au sein de la commission de dialogue social doit par suite être écarté.

9. Enfin, le moyen tiré de ce que la note attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'accord du 7 février 2017 sur " l'amélioration des conditions de travail et sur l'évolution des métiers de la distribution et des services des factrices / facteurs et de leurs encadrantes / encadrants de proximité ", ainsi que celles de nombreux accords locaux, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par La Poste, que la requête de la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication doit être rejetée.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication tendant à ce qu'il soit enjoint à La Poste d'abroger la note attaquée.

Article 2 : La requête de la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication et à La Poste.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 440851
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2021, n° 440851
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fabio Gennari
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:440851.20210709
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