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07/07/2021 | FRANCE | N°433191

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 07 juillet 2021, 433191


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 5 mars 2018 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a confirmé la récupération à son encontre d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 11 568 euros et les retenues sur prestations opérées par la caisse d'allocations familiales de l'Hérault pour le recouvrement de cet indu. Par un jugement n°s 1802176, 1802313 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Par une ordonnance

n° 19MA03688 du 31 juillet 2019, enregistrée le même jour au secrétariat d...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 5 mars 2018 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a confirmé la récupération à son encontre d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 11 568 euros et les retenues sur prestations opérées par la caisse d'allocations familiales de l'Hérault pour le recouvrement de cet indu. Par un jugement n°s 1802176, 1802313 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Par une ordonnance n° 19MA03688 du 31 juillet 2019, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 25 juillet 2019 au greffe de cette cour, présenté par Mme B....

Par ce pourvoi et par un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés le 9 décembre 2019 et le 24 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 ;

- le décret n° 2020-1343 du 4 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de Mme B... et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du département de l'Hérault ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 5 mars 2018, le président du conseil départemental de l'Hérault a, sur le recours préalable de Mme B..., confirmé la décision du 11 août 2017 de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault de récupérer à l'encontre de l'intéressée un indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er août 2015 au 31 juillet 2017 au motif qu'elle n'avait pas déclaré les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap en tant qu'aidant familial de son fils mineur. Par un jugement du 15 juillet 2019, contre lequel Mme B... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 5 mars 2018 et, d'autre part, des retenues sur prestations opérées par la caisse d'allocations familiales de l'Hérault pour en assurer le recouvrement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé, si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé. / Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne (...) ". Le I de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit que les personnes handicapées remplissant certaines conditions tenant à leur âge et à leur handicap ont " droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces ". Le III de cet article dispose, dans sa rédaction résultant de l'article 94 de la loi du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, que : " Les bénéficiaires de l'allocation prévue à l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale peuvent la cumuler : / 1° Soit avec la prestation de compensation prévue dans le présent article, dans des conditions fixées par décret, lorsque les conditions d'ouverture du droit au complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé sont réunies et lorsqu'ils sont exposés, du fait du handicap de leur enfant, à des charges relevant de l'article L. 245-3 du présent code. Dans ce cas, le cumul s'effectue à l'exclusion du complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ; / 2° Soit avec le seul élément de la prestation mentionné au 3° de l'article L. 245-3, dans des conditions fixées par décret, lorsqu'ils sont exposés, du fait du handicap de leur enfant, à des charges relevant dudit 3°. Ces charges ne peuvent alors être prises en compte pour l'attribution du complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ". L'article L. 245-12 du code de l'action sociale et des familles prévoit que l'élément de la prestation de compensation du handicap lié à un besoin d'aides humaines peut être employé " à rémunérer directement un ou plusieurs salariés, notamment un membre de la famille dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article, ou à rémunérer un service prestataire d'aide à domicile, ainsi qu'à dédommager un aidant familial qui n'a pas de lien de subordination avec la personne handicapée au sens du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code du travail ".

3. D'autre part, l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles dispose que l'ensemble des ressources du foyer est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment " les prestations et aides sociales qui ne sont pas incluses dans le calcul des ressources à raison de leur finalité sociale particulière ". Aux termes de l'article R. 262-6 de ce code : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux (...) ". L'article R. 262-11 du même code précise toutefois, dans sa rédaction applicable à la période en litige, que : " Pour l'application de l'article R. 262-6, il n'est pas tenu compte : / (...) 6° De l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de ses compléments mentionnés à l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale, de la majoration spécifique pour personne isolée mentionnée à l'article L. 541-4 du même code ainsi que de la prestation de compensation du handicap lorsqu'elle est perçue en application de l'article 94 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 ; / (...) 9° De la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1 ou de l'allocation compensatrice prévue au chapitre V du titre IV du livre II du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, lorsque l'une ou l'autre sert à rémunérer un tiers ne faisant pas partie du foyer du bénéficiaire du revenu de solidarité active ; (...) ".

4. Il résulte des dispositions du 6° de l'article R. 262-11 du code de l'action sociale et des familles que, lorsque la prestation de compensation du handicap est perçue, en application de l'article 94 de la loi du 19 décembre 2007 qui a ouvert le droit à cette prestation au profit des personnes qui assument la charge d'un enfant handicapé, en complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, il ne doit pas en être tenu compte pour le calcul des ressources déterminant le montant du revenu de solidarité active. Ces dispositions ne prévoient pas que la prestation de compensation du handicap n'en serait exclue que dans le cas où elle sert à rémunérer un tiers ne faisant pas partie du foyer du bénéficiaire du revenu de solidarité active, à l'inverse des dispositions du 9° de l'article R. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, applicables lorsque la prestation de compensation du handicap est perçue sans être cumulée avec l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

5. Il s'ensuit qu'il ne doit pas être tenu compte, pour l'appréciation du droit au revenu de solidarité active, de la prestation de compensation du handicap attribuée à la personne assumant la charge de l'enfant handicapé y compris lorsqu'elle est employée à son dédommagement en tant qu'aidant familial en application de l'article L. 245-12 du code de l'action sociale et des familles. Au demeurant, le décret du 4 novembre 2020 relatif aux modalités de prise en compte du dédommagement perçu par les aidants familiaux, de la prestation de compensation et de l'allocation journalière du proche aidant dans le calcul du revenu de solidarité active et de la prime d'activité a, postérieurement au litige, complété l'énumération figurant à l'article R. 262-11 du code de l'action sociale et des familles pour exclure la prise en compte des sommes perçues par l'aidant familial au titre du dédommagement de l'aide humaine apportée au titre de la prestation de compensation du handicap.

6. En l'espèce, le tribunal administratif a relevé que Mme B... percevait la prestation de compensation du handicap en complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Dans ces conditions, en jugeant qu'il devait être tenu compte de cette prestation pour la détermination du montant du revenu de solidarité active au motif qu'elle avait été employée pour dédommager Mme B... en tant qu'aidant familial, le tribunal a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander pour ce motif l'annulation du jugement qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 3 000 euros à verser à cette société au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.

Article 3 : Le département de l'Hérault versera à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de Mme B..., une somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au département de l'Hérault.

Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales de l'Hérault.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 433191
Date de la décision : 07/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2021, n° 433191
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:433191.20210707
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