Vu la procédure suivante :
L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a demandé à la Cour nationale du droit d'asile de déclarer nulle et non avenue sa décision n° 11007562 du 4 novembre 2011 par laquelle elle a reconnu à M. B... C... la qualité de réfugié.
Par une décision n° 18047622 du 12 juin 2020, la Cour nationale du droit d'asile a déclaré nulle et non avenue cette décision et a rejeté le recours de M. C... contre la décision de l'OFPRA du 11 mars 2011 rejetant sa demande d'asile.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 3 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande d'asile ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. C... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'office français de protection des refugies et apatrides ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par deux décisions du 4 novembre 2011, la cour nationale du droit d'asile a reconnu la qualité de réfugié à M. B... C... ainsi qu'à son père, M. A... C..., qui avaient déclaré appartenir à l'ethnie rom et être nés tous deux à Istok, dans la province alors yougoslave du Kosovo. Saisi par Interpol, le 18 septembre 2018, d'une demande d'arrestation provisoire de M. A... C..., possédant le même état-civil mais né à Rudjinci, en Serbie, et condamné, en 2013 et 2017, à deux peines de prison pour vols aggravés en bande organisée, l'OFPRA a déposé un recours en révision pour fraude contre les deux décisions de la cour nationale du droit d'asile du 4 novembre 2011 relatives à M.M. C.... M. B... C... se pourvoit en cassation contre la décision du 12 juin 2020 par laquelle la cour a déclaré nulle et non avenue la décision du 4 novembre 2011 lui reconnaissant la qualité de réfugié et a rejeté sa demande d'asile.
2. L'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'office met (...) fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque : (...) 2° La décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d'une fraude ; (...) ". Aux termes de l'article L. 711-5 du même code : " Dans les cas prévus aux 1° et 2° de l'article L. 711-4 lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié résulte d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile ou du Conseil d'Etat, la juridiction peut être saisie par l'office ou par le ministre chargé de l'asile en vue de mettre fin au statut de réfugié ".
3. Un recours en révision pour fraude ne peut être admis que si, dans un premier temps, il est établi que la protection internationale a été obtenue sur la foi de fausses déclarations ou de fausses pièces soumises dans l'intention d'induire la cour en erreur et si, dans un second temps, il est établi que ces éléments frauduleux ont eu une influence directe et déterminante sur l'appréciation de la réalité du besoin de protection tel qu'il a été reconnu dans la décision octroyant la protection internationale à l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour qu'à l'appui de son moyen contestant la réalité de la fraude invoquée par l'OFPRA et tiré de ce que la demande d'arrestation des autorités serbes ne pouvait concerner son père, M. C... a demandé à la cour, d'une part, de faire procéder à une nouvelle prise d'empreintes pour les comparer à l'empreinte fournie par les autorités serbes et, d'autre part, de demander la communication du dossier de prise en charge de sa famille en France depuis 2009 afin de justifier que son père n'avait pu assister à des procès en Serbie en 2013 et 2017 ainsi que le mentionnaient les autorités serbes. En écartant ces demandes au motif inopérant que ces mesures d'instruction étaient sans incidence sur l'appréciation du bien-fondé de ses demandes au regard de ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la cour nationale du droit d'asile du 12 juin 2020 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.