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25/06/2021 | FRANCE | N°440982

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 25 juin 2021, 440982


Vu la procédure suivante :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2009, 2010 et 2011. Par un jugement nos 1501935, 1501937 du 6 juillet 2017, ce tribunal a réduit la base de l'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme A... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre de l'année 2011, renvoyé les contribuables devant l'administration pour que soit prononcée la décharge de la fraction de cotisation supplémentaire d'

impôt sur le revenu correspondante et rejeté le surplus des conclusions ...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2009, 2010 et 2011. Par un jugement nos 1501935, 1501937 du 6 juillet 2017, ce tribunal a réduit la base de l'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme A... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre de l'année 2011, renvoyé les contribuables devant l'administration pour que soit prononcée la décharge de la fraction de cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu correspondante et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par un arrêt nos 17DA01516, 17DA01585 du 2 avril 2020, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté les appels respectivement formés par le ministre de l'action et des comptes publics et M. et Mme A... contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 juin 2020 et 8 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de cet arrêt en tant qu'il rejette l'appel qu'il avait formé contre le jugement du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société civile professionnelle de médecins Krief-A..., dont Mme A... était l'une des associés, l'administration fiscale a rehaussé les bénéfices réalisés par cette société en 2009, arrêté d'office ceux réalisés au titre de l'année 2011 et modifié la répartition des bénéfices entre associés au titre des années 2009, 2010 et 2011. A la suite de cette procédure de vérification, l'administration a assujetti M. et Mme B... A... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009, 2010 et 2011. Après rejet de leurs réclamations, M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. Par un jugement du 6 juillet 2017, ce tribunal a réduit la base de l'impôt sur le revenu assigné aux contribuables au titre de l'année 2011 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, prononcé la décharge de la fraction de cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu correspondante et rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 2 avril 2020, en tant qu'il a rejeté l'appel qu'il avait formé contre les articles 1er à 3 de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 202 du code général des impôts : " Dans le cas de cessation de l'exercice d'une profession non commerciale, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices provenant de l'exercice de cette profession y compris ceux qui proviennent de créances acquises et non encore recouvrées et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. (...) " Ce même article précise que les contribuables doivent, dans un délai de soixante jours courant, lorsqu'il s'agit de la cessation de l'exercice d'une profession autre que l'exploitation d'une charge ou d'un office, à compter du jour où la cessation a été effective, aviser l'administration de la cessation et lui faire connaître la date à laquelle elle a été ou sera effective, ainsi que, s'il y a lieu, les nom, prénoms et adresse du successeur.

3. En second lieu, selon l'article 1844-8 du code civil, applicable aux sociétés civiles professionnelles en vertu de l'article 30 de la loi du 29 novembre 1966 relative à ces mêmes sociétés : " La dissolution de la société entraîne sa liquidation. (...) La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 4113-90 du code de la santé publique, qui précise la mise en oeuvre de ces mêmes dispositions s'agissant notamment des sociétés civiles professionnelles de médecins : " La société est en liquidation dès sa dissolution pour quelque cause que ce soit ou dès que la décision judiciaire déclarant sa nullité est devenue définitive. / La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci. / La raison sociale est obligatoirement suivie de la mention "société en liquidation". "

4. Il résulte des principes applicables en cas de dissolution de sociétés, et notamment des dispositions du code civil citées au point 3, qu'une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes exerçant une activité relevant des bénéfices non commerciaux qui est placée en liquidation ne doit déposer la déclaration prévue par l'article 202 du code général des impôts en cas de cessation d'exercice d'une profession non commerciale que lorsque les comptes définitifs du liquidateur ont été approuvés dans les conditions prévues par la loi. Les associés d'une telle société ne sont, par suite, pas fondés à se prévaloir, pour la détermination du montant des bénéfices imposables entre leurs mains, de la méthode de calcul prescrite par les dispositions du 1 de l'article 202 du code général des impôts citées au point 2 avant l'approbation des comptes définitifs du liquidateur.

5. Pour juger que M. et Mme A... étaient fondés à réclamer la réduction du montant de la quote-part taxable entre leurs mains des bénéfices non commerciaux réalisés par la société Krief-A... au cours de l'année 2011, la cour administrative d'appel de Douai s'est fondée sur ce que la dissolution judiciaire de la SCP Krief-A... avait été prononcée par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 9 juin 2011 et avait entraîné, à compter de cette même date, la cessation effective de l'exercice de sa profession au sens de l'article 202 du code général des impôts, justifiant l'imposition immédiate de ses bénéfices selon la méthode de détermination des bénéfices non commerciaux prévue par ces mêmes dispositions. En statuant ainsi, alors que la dissolution de la SCP Krief-A... prononcée par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens a eu pour seul effet d'engager la procédure de liquidation de cette société civile professionnelle, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt qu'il attaque, en tant que celui-ci a rejeté son appel contre les articles 1er à 3 du jugement du 6 juillet 2017 du tribunal administratif.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les comptes définitifs du liquidateur de la SCP Krief-A... n'avaient pas, au 31 décembre 2011, été approuvés dans les conditions prévues à l'article R. 4113-100 du code de la santé publique, lequel régit la tenue des assemblées de clôture des sociétés civiles professionnelles de médecins. M et Mme A... ne peuvent en conséquence, ainsi qu'il a été dit au point 5, se prévaloir, pour la détermination du montant des bénéfices de la société imposables entre leurs mains au titre de l'année 2011, de la méthode de calcul prescrite par les dispositions du 1 de l'article 202 du code général des impôts citées au point 2.

8. En second lieu, si, pour faire obstacle à la rectification en litige, M. et Mme A... invoquent les énonciations de l'instruction relative à l'article 202 quater du code général des impôts publiée le 21 juin 2001 sous la référence 5 G-4-01, qui n'avait pas été rapportée au 31 décembre 2011, aux termes desquelles : " L'impôt sur le revenu est établi au nom de chacun des associés en proportion de ses droits dans la société dans les conditions prévues à l'article 202 du CGI, c'est-à-dire en tenant compte, à la date de la dissolution, des créances acquises et non encore recouvrées et des dépenses engagées et non encore payées ", ce passage se borne à commenter les modalités d'application de l'article 202 du code général des impôts en cas de fusion ou de scission de sociétés. La liquidation de la SCP Krief-A... n'entrant ainsi pas dans les prévisions des commentaires qu'ils invoquent, M. et Mme A... ne peuvent, en tout état de cause, s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Ces derniers ne sont pas davantage fondés à se prévaloir des énonciations du paragraphe 340 des commentaires publiés au BOFiP-Impôts sous la référence BOI-BNC-CESS 10-20, lesquelles se bornent à décrire le contenu des déclarations mentionnées à l'article 202 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à la demande des époux A... tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2011.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 2 avril 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté l'appel du ministre de l'action et des comptes publics.

Article 2 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 6 juillet 2017 sont annulés.

Article 3 : La fraction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 dont le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge est remise à la charge des époux A....

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à Monsieur et Madame B... A....


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 440982
Date de la décision : 25/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - SOCIÉTÉ EN LIQUIDATION EXERÇANT UNE PROFESSION NON COMMERCIALE - PÉRIODE ANTÉRIEURE À L'APPROBATION DES COMPTES DÉFINITIFS DU LIQUIDATEUR - 1) OBLIGATION DE DÉPOSER LA DÉCLARATION DE CESSATION D'EXERCICE (ART - 202 - 1 - 2E AL - DU CGI) - ABSENCE - 2) CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ DE SE PRÉVALOIR - POUR LA DÉTERMINATION DES BÉNÉFICES IMPOSABLES - D'UNE COMPTABILITÉ D'ENGAGEMENT (ART - 202 - 1 - AL - 1 DU CGI) - ABSENCE.

19-04-01-02-015 1) Il résulte des principes applicables en cas de dissolution de sociétés, et notamment de l'article 1844-8 du code civil, applicable aux sociétés civiles professionnelles en vertu de l'article 30 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, qu'une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes exerçant une activité relevant des bénéfices non commerciaux qui est placée en liquidation ne doit déposer la déclaration prévue par l'article 202 du code général des impôts (CGI) en cas de cessation d'exercice d'une profession non commerciale que lorsque les comptes définitifs du liquidateur ont été approuvés dans les conditions prévues par la loi.,,,2) Les associés d'une telle société ne sont, par suite, pas fondés à se prévaloir, pour la détermination du montant des bénéfices imposables entre leurs mains, de la méthode de calcul prescrite par le 1 de l'article 202 du CGI avant l'approbation des comptes définitifs du liquidateur.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES NON COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE - SOCIÉTÉ EN LIQUIDATION - PÉRIODE ANTÉRIEURE À L'APPROBATION DES COMPTES DÉFINITIFS DU LIQUIDATEUR - 1) OBLIGATION DE DÉPOSER LA DÉCLARATION DE CESSATION D'EXERCICE (ART - 202 - 1 - 2E AL - DU CGI) - ABSENCE - 2) CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ DE SE PRÉVALOIR - POUR LA DÉTERMINATION DES BÉNÉFICES IMPOSABLES - D'UNE COMPTABILITÉ D'ENGAGEMENT (ART - 202 - 1 - AL - 1 DU CGI) - ABSENCE.

19-04-02-05-02 1) Il résulte des principes applicables en cas de dissolution de sociétés, et notamment de l'article 1844-8 du code civil, applicable aux sociétés civiles professionnelles en vertu de l'article 30 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, qu'une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes exerçant une activité relevant des bénéfices non commerciaux qui est placée en liquidation ne doit déposer la déclaration prévue par l'article 202 du code général des impôts (CGI) en cas de cessation d'exercice d'une profession non commerciale que lorsque les comptes définitifs du liquidateur ont été approuvés dans les conditions prévues par la loi.,,,2) Les associés d'une telle société ne sont, par suite, pas fondés à se prévaloir, pour la détermination du montant des bénéfices imposables entre leurs mains, de la méthode de calcul prescrite par le 1 de l'article 202 du CGI avant l'approbation des comptes définitifs du liquidateur.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale, minière ou agricole régie par l'article 201 du CGI, CE, Plénière, 11 février 1987, SARL Compagnie des grands armagnacs, n° 47157, p. 42 ;

CE, 10 avril 2015, Min. c/ SAS Holco, n° 371765, T. pp. 645-648.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2021, n° 440982
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles-Emmanuel Airy
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:440982.20210625
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