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24/06/2021 | FRANCE | N°450709

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 24 juin 2021, 450709


Vu la procédure suivante :

Mme AJ... J..., Mme AU... W..., Mme AW... AI..., M. AX... X..., M. AC... K..., Mme BC... AK..., M. AD... L..., Mme AL... M..., Mme AO... AR..., M. Z... AS..., M. A... N..., M. AZ... F..., Mme AM... BB..., M. U... P..., M. AH... O..., Mme AT... AN..., M. C... H..., Mme AB... I..., Mme AQ... T..., M. D... AE..., M. BA... AP..., M. B... AY..., M. G... AF..., M. Y... AG... et Mme AL... V... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Lézignan-Corbières (A

ude) en vue de l'élection des conseillers municipaux et commu...

Vu la procédure suivante :

Mme AJ... J..., Mme AU... W..., Mme AW... AI..., M. AX... X..., M. AC... K..., Mme BC... AK..., M. AD... L..., Mme AL... M..., Mme AO... AR..., M. Z... AS..., M. A... N..., M. AZ... F..., Mme AM... BB..., M. U... P..., M. AH... O..., Mme AT... AN..., M. C... H..., Mme AB... I..., Mme AQ... T..., M. D... AE..., M. BA... AP..., M. B... AY..., M. G... AF..., M. Y... AG... et Mme AL... V... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Lézignan-Corbières (Aude) en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires. Par un jugement n° 2002618 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette protestation.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 mars et 4 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. S... R..., Mme J..., Mme AI..., M. X..., Mme AK..., M. AS..., M. N..., M. F..., Mme BB..., M. O..., Mme AN..., M. H..., Mme I..., Mme T..., M. AE..., M. AP..., M. AY..., M. AF... et M. AG... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces opérations électorales ;

3°) de mettre à la charge de Mme AV... E... et des autres membres de la liste conduite par M. AA... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 juin 2021, présentée par M. R... et autres ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. AA... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Lézignan-Corbières, les trente-trois sièges de conseiller municipal et les vingt-deux sièges de conseiller communautaire ont été pourvus. Vingt-cinq sièges de conseiller municipal et dix-sept sièges de conseiller communautaire ont été attribués à des candidats de la liste conduite par M. AA..., qui a obtenu 1 772 voix, soit 50,12 % des suffrages exprimés, et huit sièges de conseiller municipal et cinq sièges de conseiller communautaire ont été attribués à des candidats de la liste conduite par M. R..., qui a obtenu 1 763 voix, soit 49,87 % des suffrages exprimés. Par un jugement du 16 février 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la protestation de Mme J... et autres. Mme J... et d'autres protestaires de première instance, ainsi que M. R..., relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que, pour écarter le grief, qu'il avait visé, par lequel les requérants faisaient valoir que certaines procurations n'avaient pas été mentionnées dans le registre tenu par la brigade de gendarmerie de Lézignan-Corbières dans des conditions conformes à l'article R. 75 du code électoral, le tribunal administratif a relevé que les procurations, ainsi transmises au maire, avaient été reportées par celui-ci sans irrégularité sur le registre des procurations ouvert à la mairie et qu'il ne résultait pas de l'instruction que des suffrages auraient irrégulièrement été exprimés par procuration. Il a, ce faisant, suffisamment répondu au grief soulevé devant lui.

3. En second lieu, la circonstance que le tribunal administratif aurait à tort écarté comme irrecevable, en la regardant comme un véritable grief, soulevé au-delà du délai de protestation, la simple argumentation par laquelle ils faisaient valoir l'abstention élevée lors de ce scrutin du fait de la crise sanitaire, ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement. Eu égard à la portée qu'ils indiquent ainsi donner à leurs écritures, les requérants doivent en tout état de cause être regardés comme n'entendant pas soutenir un tel grief en appel.

Sur le litige :

En ce qui concerne la campagne électorale et la propagande électorale :

4. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ". Aux termes de l'article L. 49 de ce code : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de :/ 1° Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 52-1 du même code : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite (...) ".

5. En premier lieu, s'il résulte de l'instruction que la circulaire de la liste conduite par M. AA..., distribuée à partir du 19 juin 2020, affirmait que " le maire sortant, aurait l'intention d'écourter son mandat en faveur d'un(e) candidat(e) qui ne serait pas issu(e) du choix des urnes ", les candidats de liste de M. R..., qui ont fait publier dès le 24 juin 2020 une réponse dans un journal local, ont, contrairement à ce que soutiennent les requérants, disposé d'un délai suffisant pour répondre à ces éléments nouveaux de polémique électorale selon les modalités qui leur sont apparues les plus pertinentes et qui n'avaient pas à être identiques.

6. En deuxième lieu, s'il n'est pas contesté que M. AA... a diffusé une lettre ouverte datée du 22 juin 2020 et un tract exposant les projets non réalisés par le maire en exercice et faisant état du rachat d'un café par la mairie, il résulte de l'instruction que M. R... avait communiqué sur le rachat de ce café dans un article de presse paru le 19 juin 2020 et que les critiques adressées au bilan de la liste adverse, qui n'ont pas dépassé par leur contenu ou par les termes employés les limites de la polémique électorale, n'ont pas révélé d'élément nouveau dans les débats.

7. En troisième lieu, s'il résulte de l'instruction que M. AA... a publié sur le réseau social " Facebook " le 19 juin 2020 des attaques à l'encontre de M. R..., puis a relaté, le 22 juin 2020, sous le titre " la liberté de la pensée censurée ", la demande qui lui a été faite de retirer ses précédents propos, ces publications ne peuvent être regardées comme ayant excédé les limites de la polémique électorale.

8. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que M. AA... aurait mené campagne la veille du scrutin ni que son local de campagne serait demeuré accessible au public le jour du scrutin. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que des colistiers de la liste de M. AA... auraient, le jour et la veille du scrutin, publié sur le même réseau social des messages à caractère de propagande électorale et ayant connu une diffusion de nature à altérer la sincérité du scrutin.

En ce qui concerne les votes par procuration :

9. Aux termes de l'article L. 71 du code électoral : " Tout électeur peut, sur sa demande, exercer son droit de vote par procuration. ". Selon l'article R. 73 du même code, lorsqu'un électeur, en raison de maladies ou d'infirmités graves, ne peut se présenter en personne pour faire établir une procuration, il doit formuler par écrit une demande afin qu'un délégué d'un officier de police judiciaire, désigné dans les conditions prévues au VI de l'article R. 72, se déplace à son domicile pour recueillir sa demande de procuration. L'article R. 75 du même code prévoit que : " Chaque procuration est établie sur un formulaire administratif, qui est tenu à disposition des autorités habilitées ou accessible en ligne. Elle est signée par le mandant. / L'autorité à laquelle est présenté l'un des formulaires de procuration, après avoir porté mention de celle-ci sur un registre spécial ouvert par ses soins, indique sur le formulaire ses noms et qualité et le revêt de son visa et de son cachet. / Elle remet ensuite un récépissé au mandant et adresse en recommandé, ou par porteur contre accusé de réception, la procuration au maire de la commune sur la liste électorale de laquelle le mandant est inscrit (...) ". Enfin, l'article R. 76-1 du même code prévoit que : " Au fur et à mesure de la réception des procurations, le maire inscrit sur un registre ouvert à cet effet les noms et prénoms du mandant et du mandataire, le nom et la qualité de l'autorité qui a dressé l'acte de procuration et la date de son établissement ainsi que la durée de validité de la procuration. Le registre est tenu à la disposition de tout électeur, y compris le jour du scrutin. Dans chaque bureau de vote, un extrait du registre comportant les mentions relatives aux électeurs du bureau est tenu à la disposition des électeurs le jour du scrutin (...) ".

10. En premier lieu, si les requérants soutiennent que le registre spécial ouvert par la brigade de gendarmerie de Lézignan-Corbières ne précisait ni les noms et prénoms de certains mandants ou mandataires, ni la qualité de l'officier de police judiciaire établissant les procurations, que certains mandants n'étaient pas inscrits comme électeurs dans la commune et que les différentes procurations n'étaient pas reportées dans l'ordre chronologique de leur établissement, il résulte de l'instruction que ce registre spécial portait mention des procurations établies, comme le prévoit l'article R. 75 du code électoral.

11. En deuxième lieu, s'il résulte de l'instruction que certaines procurations mentionnées sur le registre tenu par la brigade de gendarmerie de Lézignan-Corbières n'ont pas été reportées sur le registre des procurations ouvert à la mairie, il n'est pas établi que ces procurations auraient été à l'origine de votes irréguliers ou que des électeurs ayant donné valablement procuration n'auraient pas pu voter.

12. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction qu'une électrice ne pouvant manifestement comparaître devant un officier, agent ou délégué d'officier de police judiciaire compétent pour établir les procurations aurait formé une demande dans les conditions de l'article R. 73 du code électoral pour que sa procuration soit recueillie à son domicile et que cette demande, qui ne pouvait résulter d'une simple démarche effectuée par une personne se déclarant mandataire et informant oralement l'officier de police judiciaire de la volonté d'un électeur de faire établir une procuration, serait demeurée sans suite.

13 En quatrième lieu, s'il résulte de l'instruction que l'un des officiers de police judiciaire de la brigade de gendarmerie de Lézignan-Corbières a donné une procuration de vote à M. AA..., cette circonstance n'est pas de nature à établir que les procurations auraient été irrégulièrement établies dans cette brigade de gendarmerie.

14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de l'un des protestaires, M. R... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur protestation.

Sur les frais de l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme AV... E... et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. AA... et autres au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. R... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. AA... et les autres défendeurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M S... R..., premier requérant désigné, ainsi qu'à M. Q... AA..., pour l'ensemble des défendeurs, et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 450709
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2021, n° 450709
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agnès Pic
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:450709.20210624
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