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17/06/2021 | FRANCE | N°436696

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 17 juin 2021, 436696


Vu la procédure suivante :

La société Klemurs a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement n° 1708764 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par une ordonnance n°19VE01141 du 26 novembre 2019, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre c

e jugement, sur le fondement l'article R. 222-1 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

La société Klemurs a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement n° 1708764 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par une ordonnance n°19VE01141 du 26 novembre 2019, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement, sur le fondement l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 décembre 2019 et 8 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 décembre 2019 du président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, de remettre à la charge de la société les suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2014 et 2015.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Klemurs ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité la société Klemurs a été assujettie, dans le cadre de son activité de location et sous-location d'immeuble nus, à des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2014 et 2015. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 26 novembre 2019 par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 6 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Klemurs de ces rappels.

2. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales ou par les sociétés non dotées de la personnalité morale qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / Pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées exercées à titre professionnel ; toutefois, la cotisation foncière des entreprises n'est pas due lorsque l'activité de location ou de sous-location d'immeubles nus est exercée par des personnes qui, au cours de la période de référence définie à l'article 1467 A, en retirent des recettes brutes, au sens de l'article 29, inférieures à 100 000 euros. " Aux termes de l'article 1586 ter du même code : " I. - Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / (...) II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies ". Aux termes du II de l'article 1586 sexies du même code : " Par exception au I, les produits et les charges mentionnés au même I et se rapportant à une activité de location ou de sous-location d'immeubles nus réputée exercée à titre professionnel au sens de l'article 1447 ne sont pris en compte, pour le calcul de la valeur ajoutée, qu'à raison de 10 % de leur montant en 2010, 20 % en 2011, 30 % en 2012, 40 % en 2013, 50 % en 2014, 60 % en 2015, 70 % en 2016, 80 % en 2017 et 90 % en 2018 ". Les dispositions du II de l'article 1586 sexies du code général des impôts ont pour objet de prévoir une soumission progressive à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les produits et les charges se rapportant à une activité de location ou de sous-location d'immeubles nus exercée par les loueurs, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, lorsqu'une telle activité de location ou de sous-location n'entre pas déjà dans le champ de cet impôt sur le seul fondement du premier alinéa du I de l'article 1447 du même code.

3. D'une part, la location d'un immeuble nu par son propriétaire n'entre pas dans le champ de l'impôt sur le seul fondement du premier alinéa du I de l'article 1447 du code général des impôts relatif à l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle non salariée, sauf dans l'hypothèse où, à travers cette location, le bailleur ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire. Il en va de même lorsqu'un immeuble nu est donné en sous-location par une personne qui en dispose en vertu d'un contrat de crédit-bail.

4. D'autre part, hors du cas où un locataire principal dispose d'un bien dans le cadre d'un contrat de crédit-bail, une activité de sous-location d'immeuble nu n'entre dans le champ de l'impôt en raison de l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle non salariée, sur le seul fondement des dispositions rappelées au point 2 ci-dessus, que si ce sous-loueur met en oeuvre de manière régulière et effective, pour cette activité de sous-location, des moyens matériels et humains ou s'il poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les immeubles nus dont la société Klemurs est demeurée propriétaire ou qu'elle a loués et donnés en location ou sous-location au titre des années en litige faisaient l'objet de stipulations contractuelles prévoyant non seulement l'indexation des loyers sur le chiffre d'affaires des preneurs mais aussi d'autres clauses de nature à caractériser une participation à la gestion du locataire telles que celles imposant aux preneurs d'exercer une activité déterminée sous une enseigne spécifique sans discontinuité sur toute la durée du bail ou celles comportant une clause de non concurrence interdisant au preneur l'exercice d'une activité de même nature que celle exploitée dans les locaux loués dans un rayon de cinq kilomètres ou encore des clauses encadrant l'exercice par le preneur de son droit de cession de bail et interdisant toute mise en location-gérance sans l'accord du bailleur. A cet égard, le ministre se prévalait notamment de contrats imposant l'exercice d'une activité de restauration commerciale exploitée sous l'enseigne du groupe Buffalo Grill ou d'achat-stockage et vente au détail de textile habillement sous l'enseigne Styleco.

6. Dès lors, en jugeant que la société Klemurs pouvait bénéficier des dispositions du II de l'article 1586 sexies du code général des impôts à raison d'un exercice non professionnel de son activité de location et sous-location d'immeubles nus au regard du seul critère relatif à l'indexation des loyers sur le chiffre d'affaires des preneurs sans prendre en considération les autres éléments rappelés au point 5, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles du 26 novembre 2019 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Klemurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie des finances et de la relance et à la société Klemurs.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 436696
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2021, n° 436696
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Fischer-Hirtz
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:436696.20210617
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