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14/06/2021 | FRANCE | N°436732

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 14 juin 2021, 436732


Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli, la SCI La Valence RM, M. et Mme D... et M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 8 avril 2018 par laquelle le maire de Marseille a implicitement délivré à la société Eiffage Immobilier Méditerranée un permis de construire un immeuble de 24 logements ainsi que les décisions par lesquelles il a rejeté leurs recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1810311 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de

Marseille a rejeté la demande de la SCI La Valence RM, M. et Mme D.....

Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli, la SCI La Valence RM, M. et Mme D... et M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 8 avril 2018 par laquelle le maire de Marseille a implicitement délivré à la société Eiffage Immobilier Méditerranée un permis de construire un immeuble de 24 logements ainsi que les décisions par lesquelles il a rejeté leurs recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1810311 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SCI La Valence RM, M. et Mme D... et M. et Mme A..., sursis à statuer sur la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli et imparti un délai de quatre mois à la ville de Marseille et à la société Eiffage Immobilier Méditerranée aux fins de procéder à la régularisation des vices affectant le permis de construire contesté.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 2019 et 16 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli, M. F... et Mme B... A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la société Eiffage Immobilier Méditerranée et de la ville de Marseille la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme E... C..., conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli et autres et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Eiffage Immobilier Méditerranée ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Eiffage Immobilier Méditerranée est devenue titulaire le 8 avril 2018 d'un permis de construire tacite pour un immeuble de cinq étages comportant vingt-quatre logements sur un terrain situé 10 rue Vallence Père Ruby. Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli et plusieurs propriétaires de logements de cet ensemble immobilier ont demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation de ce permis de construire. Le syndicat des copropriétaires et M. et Mme A... se pourvoient en cassation contre le jugement avant dire droit du 17 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille en tant, d'une part, qu'il a rejeté la requête comme tardive en tant qu'elle émanait de M. et Mme A... et, d'autre part, en tant qu'il a écarté plusieurs des moyens de la requête et a sursis à statuer pour permettre la délivrance d'un permis permettant la régularisation des vices qu'il retenait.

Sur les moyens écartés par le tribunal :

2. En premier lieu, en relevant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, et notamment d'un constat d'huissiers, que le permis de construire attaqué avait été " régulièrement affiché sur le terrain du 7 août 2018 au 8 octobre 2018 " et " était lisible depuis la voie publique ", le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement sur ce point et ne l'a pas entaché d'erreur de droit.

3. En deuxième lieu, si M. et Mme A... soutiennent que le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en retenant qu'ils n'avaient pas justifié de la notification d'un recours gracieux au maire de Marseille, contrairement au syndicat des copropriétaires, dès lors qu'ils n'avaient pas, pour leur part, formé un tel recours gracieux, ce moyen est, en tout état de cause, inopérant, le tribunal s'étant fondé, pour rejeter la requête en tant qu'elle émanait d'eux, sur sa tardiveté, la requête ayant été enregistrée au greffe du tribunal administratif plus de deux mois après le début de l'affichage du permis de construire.

4. En troisième lieu, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.2.2.3 du règlement de la zone UAe du plan local d'urbanisme interdisant dans les constructions la création d'un accès pour les véhicules automobiles à moins de dix mètres de l'intersection de deux voies, en relevant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'accès prévu des véhicules rue du commandant Rolland est à plus de dix mètres de l'intersection existante. En estimant qu'il convenait de se référer à l'intersection entre les voies existantes, dès lors que la seule mention dans le plan d'occupation des sols d'un emplacement réservé destiné à l'aménagement d'un carrefour ne permettait pas de connaître la forme et les dimensions envisagées pour ce carrefour, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10.2.3 du règlement du plan local d'urbanisme : " L'obligation d'atteindre la hauteur H pourra être réduite pour respecter l'ordonnancement d'une façade existante à surélever ou pour tenir compte de l'ordonnancement des façades existantes mitoyennes ". En estimant que ces dispositions n'avaient ni pour objet ni pour effet d'interdire les constructions plus hautes que les façades mitoyennes et ne se rapportaient pas à l'insertion des constructions dans leur environnement, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que les dispositions en cause imposaient à l'administration d'apprécier le projet au regard de son insertion dans l'environnement. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché sur ce point d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit.

6. En cinquième lieu, en estimant que la circonstance que l'architecte des Bâtiments de France avait rendu un avis défavorable ne faisait pas obstacle à la délivrance du permis sollicité, dès lors qu'il ne s'agissait pas d'un avis conforme liant l'administration, le tribunal n'a pas non plus entaché le jugement attaqué d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit.

7. En sixième lieu, le tribunal a pu, par une motivation suffisante et sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, estimer qu'il n'était pas établi que le sous-sol ne pourrait pas accueillir le nombre de places de stationnement imposé par l'article 12 du règlement de la zone AUe du plan local d'urbanisme, notamment au regard du plan du rez-de-chaussée sur lequel s'appuyaient les requérants, alors qu'il ne ressort pas de ce plan que les places de stationnement nécessaires ne pourraient pas être réalisées.

Sur le caractère régularisable du vice relevé :

8. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

9. Après avoir jugé que le projet de construction méconnaissait l'article 13 du règlement de la zone AUe du plan local d'urbanisme imposant le maintien des arbres existants ou, en cas d'impossibilité, leur remplacement en quantité ou qualité équivalentes, le tribunal a pu, sans erreur de droit, estimer qu'un tel vice était susceptible d'être régularisé par un permis modificatif, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que cette régularisation n'impliquait pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. Par suite, son pourvoi doit être rejeté y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge conjointe du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli et de M. et Mme A... la somme de 3 000 euros à verser à la société Eiffage Immobilier Méditerranée au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli et de M. et Mme A... est rejeté.

Article 2 : Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli et M. et Mme A... verseront à la société Eiffage Immobilier Méditerranée la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Patio Monticelli, à M F... et Mme B... A..., à la ville de Marseille et à la société Eiffage Immobilier Méditerranée.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 436732
Date de la décision : 14/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 2021, n° 436732
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:436732.20210614
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